La recevabilité d’un recours à l’encontre d’une décision de suspension au sens de l’art. 297 al. 5 LP
La suspension d’un procès dont l’objet est une créance concordataire prononcée en vertu de l’art. 297 al. 5 LP est une décision incidente. Un recours à son encontre nécessite l’existence d’un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF).
Faits
Au cours d’un procès civil devant le Kantonsgericht Basel-Landschaft, une société requiert que les marques et demandes d’enregistrement de marques d’une autre société lui soient transférées et que l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle l’inscrive en tant que titulaire dans le registre des marques.
Quelques temps plus tard, le Kantonsgericht Basel-Landschaft est informé du sursis provisoire accordé à la société défenderesse par le Zivilkreisgerichts Basel-Landschaft Ost, et prononce la suspension de la procédure pendante en vertu de l’art 297 al. 5 LP pour la durée de la procédure concordataire.
À l’expiration du sursis concordataire provisoire, le Zivilkreisgerichts Basel-Landschaft Ost accorde à la défenderesse un sursis concordataire définitif de six mois.
La société demanderesse forme alors recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la suspension de la procédure a été ordonnée à juste titre.
Droit
La décision de suspension de la procédure litigieuse est une décision incidente notifiée séparément au sens de l’art. 93 LTF. La recevabilité du recours présuppose dès lors l’existence d’un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF).
Au sens de l’art. 297 al. 5 LP, sauf en cas d’urgence, le sursis concordataire a pour effet de suspendre les procès civils et les procédures administratives portant sur les créances concordataires.
De jurisprudence constante, la condition de recevabilité du préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF n’a pas besoin d’être réalisée si le recourant fait valoir, au moyen d’une motivation suffisante, que la suspension viole le principe de célérité (art. 29 al. 1 Cst.). En d’autres termes, il doit démontrer qu’au vu de la suspension et du procès en cause, il ne peut être escompté qu’un jugement soit rendu dans un délai raisonnable. Cette exception trouve en particulier application lorsque la procédure a été suspendue pour une durée indéterminée, ou lorsque sa reprise dépend d’un événement incertain sur lequel les parties n’exercent aucune influence.
En l’espèce, la recourante avance dans un premier temps qu’elle n’a pas à démontrer l’existence d’un préjudice irréparable dans la mesure où il faut s’attendre, d’une part, à ce qu’aucune décision ne soit rendue sur le fond au cours des trois prochaines années et, d’autre part, à ce que la procédure de transfert de marques dure largement plus de quatre ans.
Selon le Tribunal fédéral toutefois, l’exception invoquée est inapplicable en l’espèce. En effet, la décision de suspension a été prononcée en application de l’art. 297 al. 5 LP. Dans une telle situation, la suspension intervient de plein droit et il n’incombe pas au juge de trancher en opportunité pour déterminer si le litige doit être suspendu, contrairement à ce qui prévaut en application de l’art. 126 CPC. La décision de suspension qui en découle est ainsi purement de nature déclarative. Dès lors, pour que son recours soit recevable, la recourante doit prouver l’existence d’un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF), l’effet suspensif ex lege prévu par l’art. 297 al. 5 LP ne pouvant en constituer un en soi.
Dans un second temps, la recourante fait valoir l’existence d’un préjudice irréparable. En tant que prétendue titulaire des marques et demandes d’enregistrement de marques, non inscrite comme telle au registre, elle ne pourrait se défendre que de manière limitée contre d’éventuelles violations de marques par des tiers. Le préjudice résiderait alors dans le fait que ces tiers en fassent usage, pouvant engendrer un risque de confusion sur le marché ou porter atteinte à sa réputation.
De l’avis du Tribunal fédéral, la recourante n’arrive pas à démontrer qu’un préjudice concret la menace effectivement en raison de la suspension litigieuse. Les dommages allégués ne sont pas de nature juridique et ne peuvent qu’être qualifiés de suppositions générales. En outre, la recevabilité d’un recours au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF ne doit être admise que restrictivement, à l’instar de la pratique en matière de recours formés contre des décisions portant sur des mesures provisionnelles (art. 98 LTF).
Partant, le recours est déclaré irrecevable.
Proposition de citation : Inès Drissi, La recevabilité d’un recours à l’encontre d’une décision de suspension au sens de l’art. 297 al. 5 LP, in: https://lawinside.ch/1626/