La prise en compte de la durée du viol pour la fixation de la peine

TF, 18.09.2024, 6B_612/2024*

La courte durée d’un viol ne doit pas être prise en compte comme circonstance atténuante (art. 47 CP).

Faits

Deux personnes se rencontrent lors d’une soirée dans un bar. À la fin de la soirée, la femme décline la proposition de l’homme de la raccompagner chez elle. L’homme la suit tout de même. Durant le trajet, la femme repousse ses avances. Finalement, l’homme viole la femme durant quelques minutes avant que cette dernière ne réussisse à appeler à l’aide.

Suite à la plainte de la victime, le Tribunal des arrondissements des districts de Martigny et St-Maurice reconnaît l’homme coupable de viol et le condamne à 30 mois de peine privative de liberté, dont 15 mois fermes.

Sur appel du Ministère public, la Cour pénale du Tribunal cantonal du Valais condamne l’individu à 42 mois de peine privative de liberté.

L’intéressé interjette alors un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur la fixation de la peine en fonction de la culpabilité (art. 47 CP) dans le cas d’un viol.

Droit

Le recourant invoque une violation de l’art. 47 CP. Le Tribunal cantonal aurait effectué une mauvaise appréciation de sa culpabilité.

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que conformément à l’art. 47 CP, le juge fixe la peine en fonction de la culpabilité de l’auteur. Le juge doit prendre en compte les antécédents de l’auteur, sa situation personnelle, les effets de la peine sur son avenir, la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l’acte et le mode d’exécution. Sur le plan subjectif, le juge se réfère à la volonté délictuelle, aux motivations et aux buts de l’auteur.

Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour la fixation de la peine. L’intervention du Tribunal fédéral n’est justifiée que lorsque la peine prononcée se trouve en dehors du cadre légal, lorsqu’elle se base sur des critères étrangers à l’art. 47 CP ou lorsque les autorités cantonales ont commis un abus manifeste du pouvoir d’appréciation.

En l’espèce, afin d’apprécier la culpabilité de l’auteur, le Tribunal cantonal du Valais a pris en compte la gravité de son acte, sa brutalité, le refus explicite de la victime, l’énergie criminelle déployée, la vulnérabilité de la victime, la volonté délictuelle de l’auteur et ses motifs égoïstes.

Se basant sur l’arrêt du Tribunal fédéral 7B_15/2021, le recourant invoque que la brièveté de son acte n’a pas été prise en compte par l’autorité précédente afin d’atténuer la peine.

Le Tribunal fédéral relève que, certes, la désignation de « viol de courte durée » est employée dans son arrêt précité. Toutefois, il précise qu’il s’agit d’une formule isolée qui n’a pas fait l’objet d’un développement particulier. La durée de l’acte ne peut être invoquée comme circonstance atténuante. L’infraction est consommée dès les premiers instants du viol.

La durée du viol peut néanmoins être retenue comme circonstance aggravante, une longue durée impliquant une énergie criminelle accrue.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral juge que l’instance précédente a pris en compte les critères pertinents gouvernant la fixation de la peine. Partant, il rejette le recours.

Note

Pour rappel, dans son arrêt 7B_15/2021 du 19 septembre 2023, le Tribunal fédéral a contrôlé l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’autorité cantonale dans la fixation de la peine dans le cas d’un viol.

Le Tribunal fédéral a jugé que l’autorité précédente n’avait, de manière générale, pas abusé de son pouvoir d’appréciation. L’autorité précédente avait comparé le cas d’espèce à d’autres affaires de violation de l’intégrité sexuelle sur la base de la durée de l’agression, l’âge de la victime et le degré de contrainte. Le Tribunal fédéral a terminé par cette phrase : « So ist bundesrechtskonform, dass die Vorinstanz die (im Vergleich relativ kurze) Dauer der Vergewaltigung berücksichtigt [Ainsi, le fait que l’instance précédente ait pris en compte la durée (relativement courte en comparaison) du viol est conforme au droit fédéral] ».

La publication de cet arrêt en 2023 avait fait couler beaucoup d’encre et suscité de vives réactions.

Dans l’arrêt résumé ci-dessus, le Tribunal fédéral corrige sa formulation : la durée d’une agression sexuelle est sans lien avec la gravité de la lésion du bien juridique protégé. La formulation précitée est sans importance pour la jurisprudence. Il met ainsi un terme de manière particulièrement bienvenue à cette polémique.

Proposition de citation : Margaux Collaud, La prise en compte de la durée du viol pour la fixation de la peine, in: https://lawinside.ch/1499/