La légitimation passive de la PPE dans le cadre de l’action en enrichissement illégitime
Lorsqu’un·e copropriétaire entreprend, sans autorisation, des travaux de construction sur des parties communes de la PPE, il ou elle ne peut se retourner contre un·e autre copropriétaire en vue d’obtenir une compensation au sens de l’art. 423 al. 2 let. a CO, mais doit au contraire agir contre la communauté elle-même.
Faits
Une personne et deux époux sont copropriétaires par étages d’une parcelle sur laquelle se trouvent deux villas mitoyennes. Chacun se voit attribuer une partie du parvis pour utilisation exclusive. Les époux décident de rénover leur moitié du parvis et, dans ce cadre, effectuent divers travaux. Ils font notamment rénover les conduites communes d’électricité, eau et gaz et déplacent le chemin d’accès partagé menant à l’immeuble – ce sans consulter le troisième copropriétaire.
Ce dernier requiert du Kantonsgericht de Schaffhouse qu’il ordonne la remise en état des lieux. Agissant par le biais d’une demande reconventionnelle, les époux exigent la participation du troisième copropriétaire aux coûts de rénovation des conduites à raison de la moitié, soit CHF 8’210.–. Le Kantonsgericht admet l’action du copropriétaire et rejette la demande reconventionnelle des époux, mais l’Obergericht du canton de Schaffhouse lui renvoie la cause et condamne le copropriétaire à verser aux époux CHF 6’340.50.
Le copropriétaire forme un recours en matière de droit civil et un recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral, lequel est appelé à clarifier si un·e copropriétaire par étages peut prétendre à une compensation, sur la base de l’art. 423 al. 2 let. a CO, lorsqu’un·e copropriétaire a entrepris de son propre chef des travaux de construction sur des parties communes.
Droit
Le Tribunal fédéral commence par noter que la problématique ci-dessus soulève une question juridique de principe, de sorte qu’il convient d’entrer en matière en dépit de la faible valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. a LTF).
Il indique que les conduites industrielles telles que celles du cas d’espèce constituent des parties communes au sens de l’art. 712b al. 2 ch. 3 CC, de sorte que tout droit exclusif (art. 712a al. 2 CC) est exclu. À cet égard, le Tribunal fédéral rappelle que les questions concernant des intérêts communs nécessitent en principe une prise de décision conjointe (ATF 145 III 121, résumé in LawInside.ch/741/), ainsi qu’il ressort de l’art. 712g al. 1 en lien avec l’art. 647a s., respectivement 647c ss CC. Cela concerne en particulier les actes d’administration et les travaux sur des parties communes, indépendamment de leur caractère nécessaire, utile ou somptuaire. Selon le Tribunal fédéral, l’exception de l’art. 712g al. 1 en lien avec l’art. 647 al. 2 ch. 2 CC (mesure urgente requise pour préserver la chose) n’est en l’espèce pas applicable. En effet, les conduites en question avaient plus de 70 ans d’ancienneté et arrivaient ainsi à la fin de leur durée de vie (qui se situe généralement entre 50 et 70 ans). Toutefois, l’expérience générale montre qu’elles peuvent demeurer intactes et fonctionnelles pendant plus longtemps et, dans le cas d’espèce, rien ne permettait de conclure qu’elles étaient menacées par un dommage imminent. Ainsi les époux ne pouvaient pas entreprendre l’assainissement aux frais de tous les copropriétaires sans décision communautaire préalable.
Comme le rappelle le Tribunal fédéral, les copropriétaires par étages supportent en principe les frais d’entretien, de réparation et de rénovation des parties communes proportionnellement à la valeur de leurs parts (art. 712h al. 2 ch. 1 CC), y compris en matière de mesures urgentes. D’un point de vue systématique, cette disposition implique que la communauté de copropriétaires par étages prenne une décision commune non seulement sur la mise en œuvre des mesures en question, mais aussi sur leurs coûts (dite décision de dépenses).
Concernant l’applicabilité ou non des dispositions sur la gestion d’affaire sans mandat, respectivement sur l’enrichissement illégitime, le Tribunal fédéral relève qu’elle est traitée de manière variable dans la doctrine. Il note que l’application de ces institutions à des mesures de construction irréversibles aurait pour conséquence qu’un copropriétaire par étages pourrait réaliser ses projets contre la volonté des autres et être rémunéré pour cela.
En l’espèce toutefois, le Tribunal fédéral estime qu’il n’y a pas lieu de trancher cette question, compte tenu du défaut de légitimité passive du requérant. Comme expliqué ci-dessus, les décisions relatives aux parties communes – y compris en ce qui concerne l’attribution de mandats de construction – appartiennent à la communauté des copropriétaires par étages, qui a en outre la capacité d’agir et est indépendante sur le plan procédural (art. 712l al. 1 et 2 CC ; ATF 142 III 551, résumé in LawInside.ch/297/ et ATF 145 III 121, résumé in LawInside.ch/741/). Une éventuelle demande de compensation devrait donc être dirigée non pas contre le copropriétaire non autorisé mais contre la communauté au nom de laquelle celui-ci a agi. Le Tribunal fédéral précise encore que, dans le cas où cette demande aboutirait, la communauté de copropriétaires devrait à nouveau décider conjointement de la répartition des frais (cf. art. 712m al. 1 ch. 4 CC).
Partant, le Tribunal admet le recours et rejette la demande reconventionnelle des époux.
Proposition de citation : Marion Chautard, La légitimation passive de la PPE dans le cadre de l’action en enrichissement illégitime, in: https://lawinside.ch/1086/