La disparition de la pertinence vraisemblable en cours de procédure

L’arrêt du Tribunal administratif fédéral présenté ci-dessous a été annulé par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 19 janvier 2021, 2C_232/2020.

TAF, 02.03.2020, A-2859/2018

Il n’est pas exclu, à titre exceptionnel, que la condition de la pertinence vraisemblable disparaisse en cours de procédure d’assistance administrative en raison de l’évolution des circonstances. Il revient à la partie qui entend s’en prévaloir de le démontrer.

Faits

La Direction générale des finances publiques française (DGFiP) adresse une demande d’assistance administrative en matière fiscale à l’Administration fédérale des contributions (AFC). Elle sollicite la transmission de différents documents bancaires concernant un contribuable qu’elle estime résident fiscal français afin de procéder à un redressement fiscal. Dans sa demande, la DGFiP expose que le contribuable fait initialement l’objet d’un contrôle fiscal au motif qu’il se déclare résident d’un État tiers alors que des investigations permettraient d’établir son domicile fiscal en France.

Dans la procédure fiscale en France, la DGFiP informe le contribuable que son contrôle fiscal est clôturé sans rectification. Le contribuable aurait fourni des explications convaincantes permettant de démontrer qu’il n’est pas résident fiscal français, sous réserve de la transmission de nouvelles informations dans la procédure d’assistance.

Par décision finale, l’AFC accorde l’assistance. Le contribuable forme un recours au Tribunal administratif fédéral (TAF), lequel doit en particulier se prononcer sur la pertinence vraisemblable de la transmission des informations étant donné la clôture du contrôle fiscal en France.

Droit

L’assistance est accordée à condition qu’elle porte sur des renseignements vraisemblablement pertinents pour l’application de la CDI ou la législation fiscale interne des États contractants (cf. art. 28 par. 1 CDI CH-F).

Selon la jurisprudence constante, la notion de pertinence vraisemblable a pour but d’assurer un échange de renseignements le plus large possible, sans permettre aux États d’aller à la pêche aux renseignements. La condition de la pertinence vraisemblable est une expression du principe de proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 Cst.).

Le TAF poursuit en soulignant que le rôle de l’État requis se limite, dans ce contexte, à un contrôle de plausibilité : il doit examiner si les documents se rapportent aux faits exposés dans la demande. Il n’est toutefois pas exclu, à titre exceptionnel, que la condition de la pertinence vraisemblable disparaisse en cours de procédure en raison de l’évolution des circonstances. Il appartient à la personne intéressée de le prouver.

Enfin, en la présence d’un conflit de résidence impliquant l’Etat requérant et un État tiers, le principe de la confiance dicte à la Suisse en tant qu’État requis de se fier aux allégations de l’Etat requérant à moins qu’il puisse être démontré que le critère de rattachement auquel celui-ci se réfère est inexistant dans sa législation interne.

En l’espèce, le TAF relève que la France allègue plusieurs critères de rattachement susceptibles de fonder un assujettissement fiscal en France. Toutefois, étant donné que le contribuable a pu renverser ces éléments dans la procédure de contrôle en France et en obtenir sa clôture, le TAF ne voit pas en quoi la transmission de la documentation au sujet des comptes bancaires que le contribuable détient en Suisse serait apte à démontrer un rattachement fiscal que la France a renoncé à revendiquer.

En particulier, le TAF souligne que la demande d’assistance française partait du principe erroné que le contribuable était résident fiscal français. La demande visait ainsi à connaître le montant des avoirs du contribuable en Suisse afin de procéder au redressement fiscal, et non pas pour établir son domicile fiscal français. Le contribuable ayant contesté avec succès la domiciliation en France, l’État requérant ne prétend plus que le contribuable est résident fiscal français. En d’autres termes, le rattachement fiscal dont se prévaut la France dans sa demande d’assistance est caduc.

Par conséquent, l’évolution des circonstances conduit ici à la disparition de la condition de la pertinence vraisemblable en cours de procédure.

Partant, le TAF admet le recours et annule la décision de l’AFC.

Note

L’AFC a formé un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l’arrêt résumé ci-dessus.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La disparition de la pertinence vraisemblable en cours de procédure, in: https://lawinside.ch/894/