Le fardeau de la preuve d’un fait implicite
Le fardeau de la preuve d’un fait implicite n’incombe à la demanderesse que lorsque sa partie adverse l’a contesté.
Faits
Une société acheteuse et une société venderesse concluent un contrat de vente de marchandise.
Après avoir été informée par courrier de la venderesse que la commande était prête pour la livraison, l’acheteuse émet des doutes quant au respect des prescriptions de sécurité et des normes en vigueur. La venderesse ne fournit pas d’attestations de conformité si bien que l’acheteuse résilie le contrat avec effet immédiat. La venderesse envoie le même jour à l’acheteuse une facture de EUR 71’295 pour le solde du prix de vente.
Saisi par la venderesse, le Tribunal civil de Lausanne condamne l’acheteuse à payer le montant de EUR 71’295 à la venderesse. Sur appel de l’acheteuse, le Tribunal cantonal vaudois réforme ce jugement considérant que la venderesse n’a pas allégué dans ses écritures de première instance avoir effectivement fabriqué les marchandises destinées à être vendues. La venderesse saisit donc le Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer si cette dernière a valablement allégué qu’elle avait fabriqué le système de commande.
Droit
Le Tribunal fédéral commence par rappeler que selon la maxime des débats (art. 55 al.1 CPC), il incombe aux parties et non au juge d’alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions. Il rappelle que ces faits sont dits pertinents, c’est-à-dire qu’ils correspondent aux faits constitutifs de la règle de droit applicable dans le cas d’espèce. Ils doivent être allégués et suffisamment motivés.
En revanche, les faits implicites n’ont pas à être allégués explicitement. D’après le Tribunal fédéral, est un fait implicite un fait qui est contenu sans aucun doute dans un autre allégué de fait expressément invoqué, tel que la qualité pour agir, la non-péremption du droit, l’envoi et la réception d’une facture ou l’exactitude d’une date. La demanderesse ne doit prouver un fait implicite que lorsque sa partie adverse l’a contesté.
Le Tribunal fédéral constate qu’en l’espèce, la venderesse a allégué dans sa demande qu’elle avait indiqué à l’acheteuse que la marchandise était « prête à être livrée », en offrant comme moyen de preuve un courriel. Notre Haute Cour considère que, selon l’expérience de la vie, la fabrication de la marchandise constitue un fait implicite contenu dans cet allégué. Partant, il incombait à l’acheteuse de contester la fabrication de la marchandise dans sa réponse, ce qu’elle n’a pas fait puisqu’elle s’est contentée de répondre à l’allégué litigieux « rapport soit aux pièces ». Elle s’est en réalité limitée à contester la conformité du système fabriqué avec les normes en vigueur. La fabrication de la marchandise par la venderesse n’ayant pas été contestée, elle n’a dès lors pas à être prouvée (art. 150 al. 1 CPC).
Le recours est donc admis et l’arrêt attaqué réformé en ce sens que l’acheteuse est condamnée à payer à la venderesse le montant de EUR 71’295.
Note
Pour un bref commentaire de cet arrêt, cf. Grégoire Geissbühler / Mélanie Tritten, Procédure suisse et vente internationale de marchandises, in : CJN, publié le 11 juin 2019.
Proposition de citation : Vinciane Farquet, Le fardeau de la preuve d’un fait implicite, in: https://lawinside.ch/803/