La qualification d’un dividende en tant que salaire déterminant soumis aux cotisations sociales
ATF 145 V 50 | TF, 24.01.2019, 9C_4/2018, 9C_18/2018*
Le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence relative à la délimitation entre salaire et dividende. Il n’y a lieu de déroger à la répartition choisie par la société qu’en la présence d’une disproportion manifeste entre la prestation de travail et le salaire ainsi qu’entre le capital propre engagé dans l’entreprise et le dividende reversé.
Faits
Deux médecins exercent leur métier par l’intermédiaire d’une société anonyme dont ils sont chacun actionnaires par moitié ainsi qu’employés. A ce titre, ils perçoivent un salaire annuel de CHF 140’000.- et se reversent un dividende de CHF 250’000.- par année.
À la suite d’un contrôle d’employeur, la caisse de compensation compétente procède à la conversion du dividende en salaire déterminant pour un montant de CHF 140’000.- soumis aux cotisations sociales.
Sur recours, le Tribunal administratif du canton de Glaris réduit la conversion à un montant de CHF 110’000.-.
Les médecins ainsi que la caisse de compensation exercent un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la qualification d’un dividende en tant que salaire déterminant.
Droit
Conformément aux art. 4 et 5 LAVS, les cotisations ne sont perçues que sur le revenu d’une activité lucrative. Aucune cotisation n’est due en lien avec les rendements de la fortune.
Le Tribunal fédéral rappelle que la qualification d’une rémunération dépend du but et de la fonction de la rétribution – la dénomination juridique ou économique de celle-ci n’étant d’aucune pertinence. Dès lors, des avantages résultant de participations à une société anonyme – tels que des dividendes – peuvent être convertis en revenu soumis à cotisations. Tel est en particulier le cas lorsque la rémunération trouve son fondement essentiel dans le rapport de travail.
Concernant la délimitation entre salaire et dividende, le Tribunal fédéral rappelle sa jurisprudence selon laquelle il y a lieu de déroger à la répartition choisie par la société s’il existe une disproportion manifeste entre la prestation de travail et le salaire ainsi qu’entre le capital propre engagé dans l’entreprise et le dividende reversé (ATF 141 V 634). Pour analyser la disproportion, il faut donc comparer, au regard des circonstances objectives et subjectives du cas d’espèce, d’une part, le salaire déclaré à l’AVS avec un salaire usuellement versé dans la branche et d’autre part, le montant du dividende versé avec la valeur de marché de l’action. En cas de disproportion avérée, le dividende reversé est converti en conséquence en salaire déterminant soumis aux cotisations.
De l’avis de la caisse de compensation ainsi que de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), il convient de renoncer au critère de la disproportion et de considérer tout dividende excédant de 10% la valeur fiscale de l’entreprise comme faisant partie du revenu déterminant. Dans ce sens, les précités sollicitent un revirement de jurisprudence.
Le Tribunal fédéral constate que le souhait exprimé par la caisse de compensation ainsi que par l’OFAS engendre potentiellement des conséquences non seulement au niveau des cotisations sociales mais également fiscales. En effet, les dividendes reconvertis en salaire ferraient également l’objet d’une imposition différente à titre de revenu.
De l’avis du Tribunal fédéral, la solution voulue par la caisse de compensation ainsi que l’OFAS outrepasse la volonté du législateur et ne relève pas d’une application conforme au but de la loi. Elle n’appelle donc pas un revirement de jurisprudence. Le Tribunal fédéral ajoute que le souhait exprimé par la caisse de compensation ainsi que l’OFAS exigerait plusieurs modifications législatives et qu’il n’appartient pas au Tribunal fédéral de procéder à ces modifications par la voie du revirement de jurisprudence. Le Tribunal fédéral confirme donc sa jurisprudence développée dans l’ATF 141 V 634 précité.
Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral estime que l’instance précédente a correctement converti une partie des dividendes reversés par la société en tant que revenu déterminant soumis aux cotisations sociales. En effet, les salaires versés par la société aux médecins étaient manifestement inférieurs aux salaires usuels de la branche et le rendement en capital des actions supérieur à 10% de la valeur effective des titres. La reprise porte sur la différence entre le montant des salaires en l’occurrence versés et le montant d’un salaire usuellement appliqué dans la branche.
Partant, le Tribunal fédéral confirme le jugement de l’instance inférieure et rejette les recours des médecins ainsi que de la caisse de compensation.
Proposition de citation : Tobias Sievert, La qualification d’un dividende en tant que salaire déterminant soumis aux cotisations sociales, in: https://lawinside.ch/779/