Le rejet de l’autorisation pour des médicaments homéopathiques
Swissmedic est compétent, sur la base d’une délégation législative valable, pour définir ce qu’est un médicament homéopathique et pour déterminer les documents requis dans le cadre d’une autorisation simplifiée. Pour les médicaments homéopathiques sans indication, la preuve de la connaissance suffisante n’a pas besoin d’être apportée sous l’angle de l’efficacité.
Faits
Une société a pour activités le développement, la fabrication et la commercialisation de produits pharmaceutiques à usage humain ou vétérinaire. La société, spécialisée dans l’homéopathie et la nutrithérapie, dispose entre autres d’une gamme de médicaments contenant des sérums d’origine équine. Le principe actif de ces médicaments sous forme de suppositoires consiste en des globulines équines obtenues après immunisation par des extraits porcins de tissus spécifiques. Il ne s’agit pas de médicaments homéopathiques.
La société produit également divers « serum equi anti-tissulaires 4 DH », sous forme de gouttes orales. Ceux-ci contiennent des immunoglobulines fabriquées de la même façon que les médicaments précités. Ces sérums sont commercialisés en Italie depuis 1986 et en Suisse depuis 2006, pour cette dernière sur la base d’une annonce fondée sur l’ancien droit, valable jusqu’en 2010.
En 2009, la société dépose auprès de Swissmedic, Institut suisse des produits thérapeutiques, une demande d’autorisation simplifiée de mise sur le marché, en tant que médicament homéopathique sans indication, pour les préparations en cause.
Swissmedic rejette la demande, rejet confirmé par le Tribunal administratif fédéral (TAF) suite au recours de la société (TAF, 14.02.17, C-6280/2012). Cette dernière porte l’affaire au Tribunal fédéral, lequel doit répondre à la question de savoir si les préparations serum equi anti-tissulaires répondent à la définition d’un médicament homéopathique et peuvent bénéficier d’une autorisation simplifiée de mise sur le marché.
Droit
À teneur de l’art. 9 LPTh, les médicaments prêts à l’emploi ne peuvent être mis sur le marché que s’ils ont été autorisés par Swissmedic (sous réserve d’exceptions non réalisées en l’espèce). Dans certaines circonstances, l’Institut prévoit des procédures simplifiées d’autorisation de mise sur marché pour des médicaments, notamment pour ceux de la médecine complémentaire (art. 14 al. 1 let. b LPTh), auxquels appartiennent les médicaments homéopathiques (art. 4 al. 1 let. a OAMédcophy).
L’art. 4 al. 2 let. a OAMédcophy définit la notion de « médicaments homéopathiques » et l’art. 17 OAMédcophy règle la procédure de demande d’autorisation simplifiée pour les médicaments homéopathiques destinés à être mis sur le marché sans mention d’un domaine d’application (sans indication). Dans ce cas, la demande peut être accompagnée d’un dossier restreint comprenant les documents énumérés à l’Annexe 2 OAMédcophy (art. 17 al. 1 OAMédcophy). Cette annexe prévoit notamment que doit être produite l’attestation certifiant que le médicament ne contient que des principes actifs issus de matières premières figurant dans la liste SHA (liste des substances homéopathiques et anthroposophiques; cf. art. 12 let. a OAMédcophy), dans les dilutions qui y sont indiquées (ch. 1 al. 1 let. f). Pour les substances et les dilutions qui ne figurent pas dans cette liste, il convient d’apporter, entre autres, les preuves de la connaissance suffisante en homéopathie (notoriété suffisante) et, si nécessaire, les preuves de l’utilisation traditionnelle thérapeutiques, conformément au ch. 2 de l’annexe 2 (art. 12 let. b et Annexe 2 ch. 1 al. 1 let. g ch. 1 OAMédcophy).
Selon Swissmedic et le TAF, les sérums en cause ne répondent pas à la définition de médicaments homéopathiques de l’OAMédcophy et les conditions d’une autorisation simplifiée ne sont pas remplies. La préparation n’est pas utilisée selon un principe thérapeutique homéopathique et sa notoriété suffisante en homéopathie n’a pas été établie.
Il n’est pas contesté que les matières premières utilisées ne figurent pas sur la liste SHA. Pour pouvoir retenir qu’il s’agit d’un médicament homéopathique, il faut donc établir que les principes actifs sont obtenus à partir de matières premières suffisamment connues en homéopathie (art. 4 al. 2 let. a OAMédcophy, en lien avec l’art. 12 let. b OAMédcophy et l’Annexe 2 ch. 2 OAMédcophy).
Selon l’Annexe 2 ch. 2 OAMédcophy, une matière première ou un principe actif est réputé suffisamment connu s’il est prouvé que la matière première ou le principe actif figure dans la pharmacopée homéopathique officielle d’un pays ayant institué un contrôle des médicaments équivalent au système suisse (let. a); s’il existe une monographie des Commissions C ou D du BfArM (Bundesinstitut für Arzneimittel und Medizinprodukte allemand) (let. b); si la substance est suffisamment décrite dans des publications scientifiques homéopathiques reconnues (let. c); ou si l’on fournit la preuve de l’utilisation continue et de la connaissance suffisante de la substance en médecine homéopathique depuis au moins 30 ans (let. d).
En l’absence d’une telle preuve, le médicament ne peut pas être qualifié d’homéopathique au sens de l’OAMédcophy. La preuve de la connaissance des substances en homéopathie est également demandée pour l’obtention d’une autorisation simplifiée pour des médicaments homéopathiques sans indication, lorsque cette substance ne figure pas sur la liste SHA (art. 17 al. 1 OAMédcophy, en lien avec l’Annexe 2 ch. 2 OAMédcophy). Partant, la preuve précitée doit être apportée aussi bien pour attester qu’il s’agit d’un médicament homéopathique, que pour remplir les conditions permettant une autorisation simplifiée.
Dans son analyse, le Tribunal fédéral confirme la compétence de Swissmedic pour définir ce qu’est un médicament homéopathique et de déterminer les documents requis dans le cadre d’une autorisation simplifiée. Il confirme qu’une délégation législative valable existe et que le cadre posé par celle-ci est respecté. L’Institut n’a pas outrepassé sa compétence et le principe de légalité est respecté.
Le Tribunal fédéral constate qu’aucun des critères alternatifs de Annexe 2 ch. 2 OAMédcophy n’est rempli in casu. En effet, ni le premier critère relatif à l’inscription dans la pharmacopée d’un autre pays, ni le deuxième concernant l’existence d’une monographie ne sont remplis. Le Tribunal fédéral constate que la recourante n’allègue pas non plus que ce serait le cas du troisième critère (description suffisante de la substance dans des publications scientifiques homéopathiques reconnues). La récente mise sur le marché suisse des sérums et la petite taille de l’entreprise recourante n’y changent rien. Enfin, la société n’a pas non plus apporté la preuve de l’utilisation continue et de la connaissance suffisante de la substance en médecine homéopathique depuis au moins 30 ans.
En revanche, le Tribunal fédéral note dans un obiter dictum que le TAF a reconnu à tort que la preuve de la connaissance suffisante d’un médicament homéopathique sans indication devrait aussi être apportée sous l’angle de son efficacité. En effet, pour de tels médicaments, c’est au spécialiste traitant d’examiner au cas par cas et sur la base de ses connaissances et de son expérience lequel de ces médicaments sera le plus efficace. Le fait de ne pas devoir prouver le bénéfice thérapeutique de tels médicaments ressort clairement de l’art. 17 OAMédcophy.
Au vu de ce qui précède, les préparations ne répondent pas à la définition légale d’un médicament homéopathique et les conditions d’une autorisation simplifiée pour des médicaments sans indication ne sont pas remplies. Partant, le recours est rejeté.
Note
Cet arrêt, non destiné à publication, met un terme à une longue bataille juridique, la société concernée ayant déposé sa demande auprès de Swissmedic en 2009 déjà.
L’analyse du Tribunal fédéral offre une piste de réflexion intéressante sur le sujet des autorisations de médicaments. Il est rassurant de constater que Swissmedic interprète les conditions légales d’autorisation avec rigueur, de façon à assurer une protection des consommateurs optimale.
Proposition de citation : Marie-Hélène Peter-Spiess, Le rejet de l’autorisation pour des médicaments homéopathiques, in: https://lawinside.ch/671/