Le recours contre le refus du MP de retirer une pièce du dossier pénal

ATF 143 IV 475 | TF, 05.10.17, 1B_266/2017*

Si le prévenu (ou une autre partie) recourt au niveau cantonal contre la décision du ministère public de retirer ou de maintenir une pièce du dossier pénal, il n’a pas besoin de démontrer l’existence d’un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 LTF.

Faits

Un prévenu mis en prévention pour escroquerie requiert du Ministère public de Bâle-Ville qu’il retire une pièce du dossier pénal car elle violerait les art. 140 s. CPP (moyen de preuve illicite). Contre la décision de refus du Ministère public, le prévenu saisit le Tribunal cantonal qui déclare irrecevable le recours stricto sensu, faute d’un préjudice irréparable. Le prévenu dépose un recours en matière pénale au Tribunal fédéral qui doit clarifier les conditions pour attaquer une décision du Ministère public qui refuse d’écarter une pièce du dossier.

Droit

Le Tribunal fédéral constate que le CPP ne prévoit pas de régime particulier pour attaquer une décision de refus ou de maintien d’une pièce au dossier pénal. Le Tribunal cantonal de Bâle-Ville estime que pour entrer en matière sur le recours au sens de l’art. 393 CPP, le prévenu doit démontrer qu’il subit un préjudice irréparable si la pièce litigeuse était laissée au dossier. La doctrine est partagée sur cette question: un courant adhère à la solution du Tribunal cantonal en appliquant par analogie l’art. 93 LTF relatif aux décisions incidentes attaquées devant le Tribunal fédéral. En revanche, l’autre partie de la doctrine ne soumet pas le recours à cette condition supplémentaire.

D’un point de vue systématique, le Tribunal fédéral relève que toutes les décisions des autorités pénales sont sujettes à recours (appel ou recours) sauf si le CPP les considère définitives (cf. art. 380 CPP) ou soumet la procédure de recours à certaines conditions (cf. art. 394 lit. b CPP). Dans le cas présent, aucune disposition du CPP ne prévoit que le prévenu doit subir un préjudice irréparable pour recourir contre une décision de refus d’écarter une pièce du dossier. Dès lors, les tribunaux cantonaux ne peuvent pas introduire une restriction qui ne figure pas dans la loi et exiger un préjudice irréparable.

En se référant aux travaux parlementaires, le Tribunal fédéral parvient à la même conclusion. Il souligne également que la volonté du législateur était d’accorder un recours aux prévenus afin de contrebalancer le pouvoir du ministère public dans la phase d’instruction. Il serait donc contraire à ce but que de restreindre la possibilité de recourir contre une décision du procureur relative au contenu du dossier pénal.

L’instance précédente a ainsi violé le droit en déclarant irrecevable le recours du prévenu, faute de préjudice irréparable. Le Tribunal fédéral admet donc le recours.

Note

Même si le cas d’espèce concernait le recours d’un prévenu, le Tribunal fédéral généralise son raisonnement. Dès lors, la partie plaignante qui souhaiterait recourir contre une décision du ministère public n’a pas non plus besoin de démontrer qu’elle subirait un préjudice irréparable si la pièce litigieuse était maintenue ou retirée du dossier pénal.

Le Tribunal fédéral précise enfin que l’autorité de recours doit faire preuve d’une certaine retenue lorsqu’elle examine l’admissibilité du moyen de preuve au sens de l’art. 140 s. CPP, car il appartient au juge du fond de statuer sur cette question (art. 339 al. 2 lit. d CPP).

Proposition de citation : Julien Francey, Le recours contre le refus du MP de retirer une pièce du dossier pénal, in: https://lawinside.ch/561/

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