Non-classement ou déclassement: la présomption de conformité des plans à la LAT
Pour déterminer si l’affectation d’une parcelle en zone non-constructible constitue un non-classement ou un déclassement, il faut examiner si le plan initial était conforme à la LAT. Les plans postérieurs à l’entrée en vigueur de la LAT bénéficient d’une présomption de conformité. Cela étant, le plan ne peut bénéficier d’une telle présomption si, au moment de son adaptation, la commune savait que la zone à bâtir était trop vaste.
Faits
Le plan de zones de la commune d’Ormont-Dessus, adopté en 1982, classe la parcelle d’un administré en zone à bâtir. À la suite des nouveaux objectifs en matière de dimensionnement de la zone à bâtir fixés par le plan directeur cantonal, la commune affecte la parcelle à la zone agricole.
L’administré forme une requête de conciliation puis une demande d’indemnisation pour expropriation matérielle à l’encontre de la commune d’Ormont-Dessus. La Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud rejette sa demande. La Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois admet partiellement le recours de l’administré.
L’État de Vaud interjette alors un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral qui doit déterminer si une indemnisation pour expropriation matérielle est due.
Droit
À titre liminaire, le Tribunal fédéral rappelle que l’expropriation matérielle, au sens de l’art. 26 al. 2 Cst. et de l’art. 5 al. 2 LAT, suppose que l’usage actuel d’une chose ou son usage futur prévisible soit empêché ou limité de manière particulièrement grave, au point que le propriétaire soit privé d’une faculté essentielle de son droit de propriété. Tel peut être le cas lorsqu’une parcelle affectée à la zone constructible est nouvellement affectée à la zone non-constructible. À cet égard, le Tribunal fédéral distingue le non-classement et le déclassement. Le premier vise, d’une part, l’adaptation des plans adoptés avant l’entrée en vigueur de la LAT et, d’autre part, celle des plans adoptés sous l’empire de la LAT mais matériellement non conformes au droit de l’aménagement du territoire. En principe, il ne donne pas lieu à indemnisation. Le second concerne l’adaptation d’un plan déjà conforme au droit fédéral. Il donne droit à une indemnisation si les autres conditions de l’expropriation matérielle sont réunies.
La conformité d’un plan d’affectation au droit fédéral s’apprécie à l’aune des principes d’aménagement et notamment de l’art. 15 LAT, selon lequel les zones à bâtir comprennent les terrains propres à la construction qui sont largement bâtis ou seront probablement nécessaires à la construction dans les quinze ans et équipés dans ce délai. La jurisprudence admet une présomption de validité pour les plans établis sous l’empire de la LAT, dès lors qu’ils sont censés mettre en œuvre les objectifs et principes de cette législation. En revanche, les plans n’ayant pas encore été adaptés aux exigences de la LAT ne bénéficient pas de cette présomption et leur stabilité n’est pas garantie.
En l’espèce, le Tribunal fédéral constate que le plan de 1982 opérait correctement la séparation entre les zones bâties et non bâties. Toutefois, il n’est pas contesté que la zone à bâtir délimitée en 1982 était surdimensionnée. Il convient d’examiner si ce surdimensionnement résulte d’un non-respect des exigences de l’art. 15 LAT ou d’un changement de circonstances intervenu après l’adoption du plan.
Au moment de l’adoption du plan de 1982, la commune avait déjà conscience que la zone à bâtir envisagée était trop vaste (« largement suffisante pour longtemps encore »). En outre, le plan avait pour objectif de mettre en œuvre la nouvelle législation cantonale, laquelle exigeait que les zones destinées à l’extension d’une agglomération se justifient par le développement prévisible de la commune ou de la région sur un horizon de dix ans. Malgré cela, la commune n’a procédé à aucun calcul des besoins prévisibles, ni à l’horizon de 15 ans, ni de 10 ans.
Le Tribunal fédéral considère que le surdimensionnement ne résulte pas d’un changement de circonstances, mais d’une absence d’évaluation des besoins au moment de l’adoption du plan. Dès lors, à l’inverse de ce qu’a retenu la Cour cantonale, le plan de 1982 ne peut bénéficier d’aucune présomption de conformité à la LAT. Il s’agit d’un non-classement qui ne donne lieu à aucune indemnisation.
Partant, le Tribunal fédéral admet le recours de l’État de Vaud.
Proposition de citation : Margaux Collaud, Non-classement ou déclassement: la présomption de conformité des plans à la LAT, in: https://lawinside.ch/1659/




