Le droit à un examen spécial en cas de refus de l’assemblée générale (art. 697d CO)
Afin de fournir les informations nécessaires à l’exercice des droits d’actionnaire et d’écarter les démarches purement exploratoires, l’examen spécial (art. 697d CO) suppose que l’actionnaire minoritaire prouve une violation de la loi ou des statuts au degré de la vraisemblance. Des transferts d’actifs révélés par les bilans peuvent ainsi justifier un examen spécial lorsqu’ils laissent apparaître une possible violation du devoir de fidélité du conseil d’administration (art. 717 CO).
Faits
Un actionnaire minoritaire détenant 15 des 100 actions d’une société anonyme demande la convocation d’une assemblée générale extraordinaire afin de décider de la réalisation d’un examen spécial au sens des art. 697 ss CO sur les comptes annuels 2022. L’actionnaire reproche notamment au conseil d’administration d’avoir mis fin à l’activité commerciale et transféré la quasi-totalité des actifs à une nouvelle société. Le conseil d’administration ignore sa proposition d’examen spécial.
L’actionnaire saisit l’Obergericht du canton de Zoug afin qu’il désigne un expert indépendant chargé de mener un examen spécial. L’Obergericht admet partiellement la demande. Il nomme un expert pour conduire un examen spécial pour neuf questions concernant le rapport annuel 2022, mais écarte les autres.
La société forme recours en matière civile au Tribunal fédéral, lequel doit se déterminer sur la validité de l’examen spécial au sens de l’art. 697d CO.
Droit
Lorsque l’assemblée générale refuse une demande d’examen spécial, les actionnaires, qui réunissent au moins 10 % du capital ou des voix d’une société non cotée, peuvent saisir le tribunal dans un délai de trois mois (art. 697d al. 1 ch. 2 CO). Selon l’art. 697d al. 3 CO, l’actionnaire doit prouver la violation de la loi ou des statuts au degré de la vraisemblance.
En effet, l’examen spécial vise d’une part à informer davantage l’actionnaire requérant (ATF 140 III 610, c. 4.3.3 résumé in LawInside.ch/30/) et d’autre part à éviter les requêtes purement exploratoires. Sur le plan factuel, l’actionnaire doit rendre vraisemblable que des fondateurs ou des organes ont violé la loi ou les statuts et que cette violation est propre à causer un préjudice à la société ou aux actionnaires. De simples affirmations ne suffisent pas. Pour les questions juridiques, le tribunal n’a pas à examiner de manière définitive l’atteinte alléguée, mais peut se contenter d’un examen sommaire. Il doit déjà faire droit à la requête d’examen spécial si, lors d’un examen sommaire, les arguments juridiques relatifs au refus de renseignements ou de consultation (art. 697b al. 3 CO) présentent des chances de succès raisonnables, ou du moins apparaissent soutenables.
En l’occurrence, l’Obergericht a comparé les valeurs inscrites au bilan 2022 avec celles des bilans de 2018 à 2021, qui montrent les transferts de plusieurs actifs jusque-là comptabilisés. La société ne conteste pas avoir vendu tous ses stocks et son mobilier en 2022, mais n’indique pas à qui, à quel prix, ni ne prouve qu’elle a remboursé ses dettes. Il se peut que d’autres actionnaires et le conseil d’administration aient voulu se séparer de l’actionnaire requérant l’examen spécial et aient ainsi transféré les actifs dans une nouvelle société proche d’autres actionnaires. La requête d’examen spécial n’est donc pas purement exploratoire (art. 697d al. 3 CO), car une potentielle liquidation de fait de la société constituerait un reproche concret de violation de devoir de fidélité par le conseil d’administration (art. 717 CO).
Conformément à l’art. 697d al. 2 CO, la requête d’examen spécial suppose un intérêt digne de protection. L’actionnaire doit rendre vraisemblable non seulement une violation de la loi ou des statuts, mais aussi un lien entre ses droits d’actionnaire et l’objet de sa requête. Les réponses doivent être nécessaires à l’exercice des droits d’actionnaire. Si le conseil d’administration a déjà fourni les informations, l’examen spécial n’est possible que si l’actionnaire dispose de motifs sérieux de douter de leur exactitude ou de leur exhaustivité.
En l’espèce, l’Obergericht a reconnu un intérêt digne de protection actuel concernant neuf questions. Le conseil d’administration n’a pas répondu à sept questions et ne démontre pas suffisamment en quoi ses réponses seraient complètes, correctes et vérifiables. En effet, l’actionnaire doit pouvoir connaître les transferts d’actifs, l’état des dettes, du personnel et des locaux afin de déterminer dans quelle mesure la société exerce encore une activité commerciale. Les questions à clarifier ne visent pas à établir l’opportunité des décisions du conseil d’administration, mais à examiner des opérations comptables concrètes.
Enfin, les intérêts de la société en matière de confidentialité ne doivent pas être mis en balance avec les intérêts de l’actionnaire en matière d’information au moment où le tribunal ordonne l’examen spécial. Ces intérêts ne sont considérés que lors de la réalisation de l’examen spécial (art. 697f al. 4 CO) et lors de l’établissement du rapport (art. 697g al. 2 CO). Dès lors, les neuf questions sont nécessaires à l’exercice des droits d’actionnaire et justifient un examen spécial.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Note
Entré en vigueur le 1er janvier 2023, le nouveau droit de la SA reprend matériellement les conditions du contrôle spécial de l’art. 697d aCO. Sous le nouveau droit, l’actionnaire doit toutefois rendre vraisemblable que la violation est propre à entraîner un préjudice, contrairement à l’ancien droit qui exigeait un préjudice effectif (Message FF 2017 353, 492 ; BSK-Weber/Baisch, Art. 697d CO N 7). Dans cette mesure, la jurisprudence rendue sous l’ancien droit demeure ainsi valable pour le nouveau droit (TF, 4A_250/2025, c. 3).
Proposition de citation : Nadia Masson, Le droit à un examen spécial en cas de refus de l’assemblée générale (art. 697d CO), in: https://lawinside.ch/1656/




