La décision de mise des frais de procédure à charge du mandataire

ATF 150 I 174 | TF, 04.06.2024, 2C_179/2023*

La décision par laquelle une autorité judiciaire met à charge du mandataire, dans le cadre d’un arrêt de renvoi, les frais de procédure constitue une décision finale au sens de l’art. 90 LTF.

L’art. 29 al. 2 Cst. garantit le droit au justiciable de s’exprimer avant le prononcé d’une décision lorsque l’autorité se fonde sur des points de fait ou de droit que le justiciable ne pouvait, de bonne foi, anticiper. Tel est notamment le cas lorsque l’autorité entend mettre les frais de procédure à charge du mandataire.

Faits

Un administré dépose une demande d’autorisation de séjour au bénéfice de son épouse. La demande est successivement rejetée par l’Office cantonal zurichois de la migration puis par le Tribunal administratif zurichois. Le Tribunal fédéral admet le recours interjeté contre l’arrêt du Tribunal administratif (TF, 28.9.2022, 2C_995/2021) et renvoie la cause pour une nouvelle décision au sens des considérants.

Le Tribunal administratif rend alors un nouvel arrêt par lequel il admet le recours et renvoie la cause à l’Office. Se fondant sur l’art. 13 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du canton de Zurich (VRG/ZH), il met partiellement les frais de procédure à charge du mandataire au motif que ce dernier aurait transmis des informations incomplètes relatives à la situation financière de son mandant, causant ainsi des coûts additionnels pouvant lui être imputés.

Le mandataire interjette un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit trancher, premièrement, si la décision mettant à la charge du mandataire les frais de procédure dans le cadre d’un arrêt de renvoi peut faire l’objet d’un recours séparé et, secondement, si c’est à bon droit que le Tribunal administratif a mis partiellement les frais de justice à la charge du mandataire.

Droit

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la décision sur les frais et dépens rendue dans le cadre d’un arrêt de renvoi constitue une décision incidente, laquelle n’est, en principe, pas de nature à causer un préjudice irréparable et ne peut ainsi pas faire l’objet d’un recours séparé (art. 93 al. 1 LTF a contrario). Elle peut donc uniquement être contestée à l’occasion du recours contre la décision finale. Cette pratique vise à assurer que le Tribunal fédéral ne soit appelé à se prononcer qu’une seule fois sur une affaire, notamment en raison du lien intrinsèque entre la répartition des frais de procédure et le sort du litige.

Toutefois, cette jurisprudence n’est pas applicable au cas d’espèce. En effet, contrairement à une décision incidente, laquelle se caractérise par le fait de marquer une étape vers la décision finale, le Tribunal administratif a rendu une nouvelle décision qui met à charge du recourant les frais de procédure. Cette décision n’entretient aucun rapport formel ou matériel avec la cause au fond. En particulier, le recourant ne bénéficie pas de la qualité de partie dans la procédure au fond, sa participation à celle-ci ne se fondant que sur le rapport de droit privé le liant au mandant. Il n’est ainsi aucunement assuré que le contrôle judiciaire de la décision sur les frais puisse être effectué à l’occasion du recours contre la décision finale, faute que le recourant ne participe nécessairement à la procédure à cette occasion en qualité de mandataire, respectivement qu’il ne soit attrait à la procédure en tant que partie par les autorités précédentes.

Dans de telles circonstances, la décision mettant à la charge du mandataire les frais de procédure constitue une décision finale au sens de l’art. 90 LTF susceptible d’un recours au Tribunal fédéral aux conditions usuelles du recours en matière de droit public.

S’agissant du fond de la cause, le Tribunal fédéral confirme sa jurisprudence relative à l’art. 29 al. 2 Cst. De manière analogue à l’art. 6 par. 1 CEDH, l’art. 29 al. 2 Cst. garantit au justiciable le droit de s’exprimer avant le prononcé d’une décision, particulièrement lorsque la solution retenue par l’autorité se fonde sur des points de fait ou de droit qui ne pouvaient être, de bonne foi, anticipés par le justiciable. Tel est en particulier le cas lorsque la norme appliquée est particulièrement indéterminée et qu’elle laisse un large pouvoir d’appréciation à l’autorité.

En l’espèce, le Tribunal administratif s’est fondé sur l’art. 13 al. 2 VRG/ZH afin de mettre les frais de procédure à la charge du recourant. Cette disposition confère un large pouvoir d’appréciation à l’autorité. Par ailleurs, les frais de procédure ne sont que rarement mis à charge des mandataires. Au regard de ces circonstances, le Tribunal administratif devait entendre le recourant avant de mettre les frais à sa charge. Pour ce motif, le grief pris de la violation du droit d’être entendu est bien fondé.

Pour le surplus, le Tribunal fédéral constate une application arbitraire (art. 9 Cst.) de l’art. 13 al. 2 VRG/ZH. En effet, selon la doctrine relative à l’art. 13 al. 2 VRG/ZH, les frais de procédure ne peuvent être mis à la charge du mandataire que lorsque celui-ci viole gravement ses obligations de diligence. En l’espèce, aucun élément de la décision attaquée ne permet de conclure que le recourant aurait violé d’une quelconque manière ses obligations de diligence.

Le Tribunal fédéral admet ainsi le recours et réforme la décision attaquée en ce sens que les frais de procédure ne doivent pas être mis à la charge du recourant.

Proposition de citation : Simon Pfefferlé, La décision de mise des frais de procédure à charge du mandataire, in: https://lawinside.ch/1543/