La demande de non-divulgation de la poursuite en cas de paiement effectué avant le commandement de payer

TF, 5A_245/2024, 29.08.2024*

Lorsque la dette d’un débiteur poursuivi est payée avant la notification du commandement de payer, la demande de non-divulgation de la poursuite à des tiers en vertu de l’art. 8a al. 3 let. d LP doit être accordée par l’office des poursuites.

Faits

Le 19 juin 2023, le Kantonsgericht lucernois condamne un débiteur à verser un montant de CHF 8’667 à une communauté de copropriétaires, à titre de dépens liés à une procédure judiciaire. Par un contrat intitulé « cession de créance » signé les 7 et 9 août 2023, une société s’engage notamment à reprendre la dette du débiteur.

La communauté de copropriétaires adresse une réquisition de poursuite à l’encontre du débiteur initial le 31 août 2023 auprès de l’office des poursuites de la région de Soleure, qui notifie à ce dernier le commandement de payer le 12 septembre 2023. Or, entretemps, le 8 septembre 2023, la société paie la dette à la communauté de copropriétaires, précisant que ce montant correspond à la somme que débiteur avait été condamné à payer par le Tribunal cantonal lucernois.

Le débiteur fait opposition au commandement de payer en temps utile et dépose à l’office des poursuites une demande de non-divulgation de la poursuite à des tiers le 21 février 2024. La communauté de copropriétaires prend position sur cette demande et informe l’office du paiement effectué le 8 septembre 2023. Malgré cette prise de position, l’office des poursuites décide de rejeter la demande de non-divulgation.

Face à cette décision, le débiteur saisit l’autorité de surveillance des offices des poursuites et faillites, laquelle rejette la plainte. Il forme alors recours auprès du Tribunal fédéral, qui est amené à se demander si un débiteur poursuivi peut demander la non-divulgation de sa poursuite, lorsque la dette a été payée avant la notification du commandement de payer.

Droit

Le recourant commence par contester sa qualité de débiteur, invoquant que le contrat signé les 7 et 9 août 2023 constitue une reprise de dette, ayant pour effet de le libérer et d’engager la société.

Or, le Tribunal fédéral rappelle que l’office des poursuites n’a pas la compétence pour statuer sur un éventuel changement de débiteur ou sur la validité matérielle de la dette dans le cadre d’une demande de non-divulgation de la poursuite à des tiers. Ainsi, la question de la validité de la dette relève de l’appréciation des tribunaux dans une procédure de levée de l’opposition (art. 79-84 LP) ou dans une action visant à annuler ou suspendre la poursuite selon les art. 85 LP ou 85a LP.

Selon l’art. 8a al. 3 let. d LP, l’office des poursuites ne divulgue pas la poursuite à des tiers si le débiteur en fait la demande après un délai de trois mois suivant la notification du commandement de payer, à condition que le créancier, après l’expiration d’un délai de 20 jours fixé par l’office, ne prouve pas qu’il a engagé une procédure d’annulation de l’opposition (art. 79-84 LP). Toutefois, si le créancier en apporte le preuve ultérieurement, elle peut à nouveau être portée à la connaissance de tiers.

Le Tribunal fédéral souligne que l’objectif de l’introduction de cette disposition était de fournir aux débiteurs injustement poursuivis un moyen d’éviter les conséquences négatives causées par des inscriptions au registre des poursuites. Par conséquent, la disposition ne s’applique pas si la créance a été payée après l’introduction de la poursuite, car un tel paiement indiquerait que le débiteur reconnaît l’existence de la créance et le droit qu’avait le créancier de le mettre en poursuite.

Il reste donc à examiner à partir de quel moment une poursuite doit être considérée comme introduite. Selon l’art. 38 al. 2 LP, la poursuite commence par la notification du commandement de payer. La réquisition de poursuite, quant à elle, est une simple demande adressée à l’office pour initier la poursuite ; elle crée uniquement une relation procédurale entre le créancier et l’office des poursuites. Dès lors, le débiteur n’est engagé dans la procédure qu’à partir de la notification du commandement de payer.

Le Tribunal fédéral ajoute qu’il n’y a aucune raison de traiter différemment une poursuite dans laquelle le paiement de la créance a été effectué avant le commandement de payer et une poursuite dans laquelle le créancier reste inactif après l’opposition.

En l’espèce, l’office des poursuites aurait dû se limiter à examiner les preuves de paiement présentées par le recourant et conclure que la dette avait été réglée avant la notification du commandement de payer. La créancière n’ayant pas engagé de procédure de mainlevée d’opposition, la demande de non-divulgation aurait dû être acceptée.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours et accorde la non-divulgation de la poursuite.

Proposition de citation : Johann Melet, La demande de non-divulgation de la poursuite en cas de paiement effectué avant le commandement de payer, in: https://lawinside.ch/1531/