Les gelures provoquées par les conditions météorologiques en tant qu’accident (art. 4 LPGA)

TF, 18.10.2023, 8C_275/2023

En l’absence d’autres circonstances extraordinaires, des gelures qui résultent d’une exposition prolongée au froid et au vent en haute montagne ne constituent pas un accident au sens de l’art. 4 LPGA.

Faits

Un alpiniste entame avec un compagnon de cordée la face nord du Cervin. Après avoir atteint le sommet, les deux alpinistes rejoignent le bivouac de Solvay. Ils constatent qu’ils souffrent d’importantes gelures. Ils sont alors héliportés à l’hôpital, où des gelures aux orteils et aux doigts sont diagnostiquées. Ces lésions conduisent à plusieurs amputations.

La Bâloise assurance refuse d’accorder des prestations sur la base de l’assurance-accidents à l’alpiniste, au motif que les événements survenus ne peuvent pas être qualifiés d’accident.

Sans succès devant le Tribunal cantonal, l’alpiniste forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si les gelures constituent un accident au sens de l’art. 4 LPGA donnant droit aux prestations de l’assurance-accidents.

Droit

L’assurance-accidents alloue ses prestations en cas d’accident professionnel ou non professionnel (art. 6 al. 1 LAA). Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. L’accident suppose ainsi la réalisation de cinq conditions cumulatives, dont fait partie l’élément – qui fait en l’espèce débat – du caractère extraordinaire du facteur extérieur.

La condition du caractère extraordinaire du facteur extérieur ne se rapporte pas aux effets du facteur extérieur, mais seulement à ce facteur lui-même. Ainsi, il n’importe pas que le facteur extérieur ait entrainé des conséquences graves. Le facteur externe est qualifié d’extraordinaire lorsqu’il excède les événements quotidiens ou habituels.

Le Tribunal fédéral rappelle alors sa jurisprudence en matière de lésions provoquées par des conditions météorologiques. Les effets de la météo échappent en principe à la notion d’accident lorsqu’ils entrainent des insolations, des coups de soleil, des coups de chaleur ou des gelures. Il en va toutefois différemment lorsque les effets dommageables se produisent à la suite d’un événement extraordinaire et inhabituel, par exemple lorsque les gelures sont consécutives à la déchirure d’un gant ou à une jambe cassée suivie d’une hypothermie.

En l’espèce, le Tribunal fédéral, sur la base des données météorologiques et des données issues de la montre GPS de l’alpiniste relatives à la durée et à la vitesse de l’ascension, constate que les gelures résultent principalement d’une exposition prolongée au froid et au vent. La température était d’environ -7oC (ressentie de -17oC) et le vent d’environ 40km/h. Un phénomène météorologique soudain et violent tel un orage pouvait être quasiment exclu. L’alpiniste n’était pas donc pas confronté à des circonstances extraordinaires particulières, autres que les conditions météorologiques habituelles de l’alpinisme en haute montagne qui se caractérisent par le froid et le vent. Au demeurant, un fort vent froid et changeant, voire soudain, n’est pas un phénomène inhabituel en haute montagne.

Par conséquent, le Tribunal fédéral retient que les gelures de l’alpiniste ne relèvent pas d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA, faute de caractère extraordinaire du facteur externe dommageable.

Partant, le recours est rejeté.

Proposition de citation : Tobias Sievert, Les gelures provoquées par les conditions météorologiques en tant qu’accident (art. 4 LPGA), in: https://lawinside.ch/1481/