La question du concours en cas de tentative de lésions corporelles graves et d’omission de prêter secours

TF, 05.06.2024, 6B_1037/2023*

Il n’y a pas de concours réel entre une tentative de lésions corporelles graves (art. 122 CP) et une omission de prêter secours (art. 128 CP) lorsque la seconde ne crée pas le risque d’un résultat allant au-delà de celui des lésions corporelles acceptées par l’auteur de l’infraction.

Faits

À la suite d’une altercation sur un parking, le conducteur d’une voiture accélère et heurte une personne à une vitesse comprise entre 27 et 35 kilomètres à l’heure. Il quitte les lieux de l’accident sans porter secours à la personne blessée ni prévenir la police ou les secours.

Après un acquittement en première instance, l’Obergericht argovien reconnaît le prévenu coupable de tentative de lésions corporelles graves (art. 22 CP cum art. 122 CP) et d’omission de prêter secours (art. 128 CP). Il le condamne à une peine privative de liberté de deux ans et demi, partiellement assortie du sursis.

Le prévenu saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer s’il existe, dans le cas d’espèce, un concours réel entre la tentative de lésions corporelles graves et l’omission de prêter secours.

Droit

Aux termes de l’art. 122 lit. a CP, est puni d’une peine privative de liberté d’un à dix ans quiconque, intentionnellement, blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger. L’art. 128 ch. 1 CP dispose que quiconque ne prête pas secours à une personne qu’il a blessée ou à une personne en danger de mort imminent, alors que l’on peut raisonnablement l’exiger de lui, étant donné les circonstances, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

Le requérant fait valoir que l’omission de prêter secours doit être considérée comme une abstention subséquente non punissable, déjà réprimée par l’infraction de tentative de lésions corporelles graves. Les deux infractions ne devraient donc pas entrer en concours.

Selon la jurisprudence fédérale, il y a concours réel entre les lésions corporelles graves et l’omission de prêter secours lorsque la seconde entraîne le risque d’un résultat qui va au-delà du résultat des lésions corporelles graves acceptées par l’auteur. Dans cette configuration, le besoin d’assistance de la victime n’est pas uniquement dû aux lésions corporelles graves provoquées intentionnellement, mais aussi à l’omission de prêter secours, qui péjore la situation.

Le Tribunal fédéral examine donc si le recourant, en s’abstenant de porter secours à sa victime, a créé un risque de survenance d’un résultat allant au-delà de celui qu’il avait accepté (dol éventuel) par la tentative de lésions corporelles graves.

Le Tribunal fédéral répond à cette question par la négative. Dans le cas d’espèce, les blessures causées à la victime ne permettent pas de conclure que le recourant a rempli sa volonté de causer des lésions corporelles graves. Il en découle que la volonté de ne pas porter secours à la victime était comprise dans la tentative de lésions corporelles graves. En effet, l’omission de prêter secours n’a pas créé un risque de survenance d’un résultat allant au-delà de celui dû à la tentative de lésions corporelles graves.

Autrement dit, l’omission de prêter secours doit être considérée comme un acte subséquent non punissable, en ce sens qu’il est déjà inclus dans la tentative de lésions corporelles graves. En l’espèce, il n’y a pas de concours réel entre les infractions. Le recourant ne doit donc pas être condamné en sus sur la base de l’art. 128 CP.

Partant, le Tribunal fédéral admet partiellement le recours, annule l’arrêt attaqué et renvoie l’affaire à l’instance précédente.

Proposition de citation : Camille de Salis, La question du concours en cas de tentative de lésions corporelles graves et d’omission de prêter secours, in: https://lawinside.ch/1465/