Les dispositions applicables en matière de bruit excessif causé par un véhicule à moteur
Le bruit excessif causé par la conduite d’un véhicule à moteur est spécifiquement sanctionné par une amende en vertu des art. 90 al. 1 et 42 al. 1 LCR. Ainsi, les cantons et communes ne peuvent pas édicter des prescriptions complémentaires instituant des contraventions pour bruit excessif.
Faits
Un conducteur circule au guidon de son motocycle à un régime élevé à petite vitesse, sur la roue arrière, sans être porteur du permis de conduire. Sa conduite provoque du bruit, respectivement trouble l’ordre et la tranquillité publics.
La Préfecture du district du Jura-Nord vaudois rend une ordonnance pénale à l’encontre du conducteur, à laquelle ce dernier s’oppose. Statuant sur cette opposition, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois reconnaît le précité coupable de violation simple des règles de la circulation routière, de conduite d’un véhicule sans être porteur du permis de conduire et de contravention au règlement général de police communale (RGP) de la commune où s’est produite l’infraction. Le Tribunal le condamne au paiement d’une amende de CHF 400.
Cette amende de CHF 400 se compose de CHF 280 pour les violations simples des règles de la circulation routière (soit pour avoir circulé sur la roue arrière, à un régime élevé en petite vitesse), de CHF 20 pour avoir conduit un véhicule sans être porteur du permis de conduire et de CHF 100 pour avoir porté atteinte à l’ordre, à la tranquillité, à la sécurité et au repos publics en violation du règlement général de police de la commune précitée (RGP). La Cour d’appel pénale du Tribunal du canton de Vaud rejette l’appel et confirme le jugement de première instance.
Le conducteur forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Ce dernier doit en particulier déterminer si le comportement réprimé constituant à avoir provoqué du bruit, respectivement avoir troublé l’ordre et la tranquillité publics, peut être réprimé en application du règlement général de police communal ou si cela contrevient au principe de primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.).
En droit
Le conducteur reproche notamment aux autorités d’avoir sanctionné un même comportement, à savoir avoir causé du bruit excessif par la conduite d’un véhicule, sur la base de deux dispositions distinctes, de niveau fédéral et communal, soit, d’une part, les art. 42 al. 1 LCR, 33 let. b OCR et, d’autre part, l’art. 59 al. 1 du RGP, et d’avoir ainsi violé le principe de la primauté du droit fédéral prévu par l’art. 49 Cst.
Le Tribunal fédéral rappelle alors le principe de la primauté du droit fédéral (49 al. 1 Cst.), selon lequel les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les matières exhaustivement réglementées par le droit fédéral.
S’agissant du droit pénal, selon l’art. 123 al. 1 Cst., la législation en matière de droit pénal et de procédure pénale relève de la compétence de la Confédération. Au demeurant, l’art. 335 al. 1 CP prévoit une réserve au sens propre à l’art. 123 al. 1 Cst. Selon l’art. 335 al. 1 CP, les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l’objet de la législation fédérale.
En ce sens, les cantons peuvent prévoir dans leur législation de punir d’une amende des contraventions (art. 103 CP), tant que le droit fédéral ne protège pas le bien juridique concerné par un ensemble complet de prescriptions. Ainsi, si le droit pénal fédéral laisse de côté tout un domaine du droit pénal ou s’il ne sanctionne que certains comportements, abandonnant à chaque canton la liberté de réprimer ou de laisser impuni tel ou tel acte pour tenir compte des différences régionales, des prescriptions cantonales relatives aux contraventions peuvent être édictées.
Concernant la circulation routière, selon l’art. 82 al. 1 Cst., la Confédération légifère sur la circulation routière. Cet article donne une compétence globale et concurrente à la Confédération pour légiférer dans le domaine de la circulation routière. Cette compétence est globale en ce sens qu’elle s’étend à toutes les matières pertinentes pour la circulation routière. Elle est concurrente par rapport au droit cantonal, qui garde sa place dans la mesure où la Confédération n’a pas légiféré de manière exhaustive dans un domaine déterminé.
Au demeurant, la LCR étant complétée par un grand nombre d’ordonnances, la Confédération a très largement fait usage de sa compétence législative en matière de circulation routière et a dans la même mesure évincé les compétences cantonales.
En outre, dans les domaines où il existe une compétence fédérale et où celle-ci a été mise en œuvre par la législation fédérale, les cantons peuvent se voir confier des tâches spécifiques, soit des compétences déléguées. Les délégations de compétences figurent dans les lois fédérales.
En matière de bruit causé par un véhicule, l’art. 42 al. 1 LCR prévoit que le conducteur doit veiller à ne pas incommoder les usagers de la route et les riverains, notamment en provoquant du bruit, de la poussière, de la fumée ou des odeurs qu’il peut éviter. La violation de cette disposition est sanctionnée par une amende (90 al. 1 LCR).
En tant que lex specialis de l’art. 335 al. 1 CP, l’art. 106 al. 3 LCR prévoit que les cantons restent compétents pour édicter des prescriptions complémentaires sur la circulation routière, sauf en ce qui concerne les véhicules automobiles et les cycles, les tramways et les chemins de fer routiers.
Partant, les cantons ne peuvent édicter des prescriptions complémentaires instituant des contraventions de droit cantonal dans le domaine de la circulation routière que si elles ne concernent pas les véhicules automobiles et les cycles, les tramways et chemins de fer routiers (art. 106 al. 3 LCR).
L’art. 59 al. 1 RGP prévoit que tout acte sur le domaine public de nature à porter atteinte à l’ordre, à la tranquillité, à la sécurité et au repos publics est interdit. Sont notamment compris dans cette interdiction les querelles, les bagarres, les chants bruyants, les cris, les attroupements tumultueux ou gênant la circulation ou les usagers, les pétards, les coups de feu, les jeux bruyants ou tous autres bruits excessifs, tels ceux produits par une conduite de véhicule motorisé inappropriée et dérangeante. L’art. 12 de ce même règlement prévoit que toute infraction aux dispositions du présent règlement est passible d’une amende.
Dès lors, le bruit excessif causé par la conduite d’un véhicule à moteur est spécifiquement sanctionné par une amende en vertu des art. 90 al. 1 et 42 al. 1 LCR. L’art. 59 al. 1 RGP dernière phrase poursuit le même but en sanctionnant également ce comportement.
Ainsi, la limite de compétence n’est pas respectée et l’art. 59 al. 1 in fine RGP viole l’art. 106 al. 3 LCR ainsi que la primauté du droit fédéral.
Par conséquent, le Tribunal fédéral admet le recours.
Proposition de citation : Florence Perroud, Les dispositions applicables en matière de bruit excessif causé par un véhicule à moteur, in: https://lawinside.ch/1449/