La preuve de l’opposition envoyée par courriel
ATF 149 III 218 | TF, 28.03.2023, 5A_514/2022*
En cas d’opposition formée par courriel après la notification du commandement de payer, le poursuivi doit fournir la preuve stricte du respect du délai de dix jours pour former opposition prévu par l’art. 74 al. 1 LP. A cette fin, seule est déterminante la preuve stricte de la réception de l’opposition par l’office des poursuites.
Faits
Un créancier intente une poursuite contre le canton de Bâle-Campagne. A l’expiration du délai pour faire opposition, l’Office des poursuites informe le créancier qu’aucune opposition n’a été formée au commandement de payer. Le créancier requiert la continuation de la poursuite. L’Office des poursuites rejette cependant la réquisition de continuer la poursuite au motif que l’opposition lui était en réalité parvenue en temps utile, mais qu’il avait omis de la protocoler.
A la suite d’une plainte infructueuse à l’autorité de surveillance, le créancier poursuivant interjette un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, lequel doit trancher la question du degré de la preuve exigé quant au respect du délai pour former opposition au commandement de payer lorsque l’opposition est transmise par courriel après la notification du commandement de payer.
Droit
L’art. 74 al. 1 LP prévoit que le débiteur poursuivi qui entend former opposition doit, verbalement ou par écrit, en faire la déclaration immédiate à celui qui lui remet le commandement de payer ou à l’office dans les dix jours à compter de la notification du commandement de payer.
Le Tribunal fédéral rappelle que cette déclaration peut être informelle et notamment intervenir par téléphone, téléfax ou courriel. Quel que soit le moyen de communication employé, il incombe toutefois au poursuivi de prouver que l’opposition au commandement de payer a été formée en temps utile. Par conséquent, si l’opposition est transmise par courriel, le poursuivi doit prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour s’assurer que l’opposition est parvenue dans la sphère d’influence de l’autorité (principe de réception) dans un délai de dix jours à compter de la notification du commandement de payer.
Une preuve stricte est nécessaire s’agissant du respect du délai pour faire opposition lorsque celle-ci est transmise par courriel après la notification du commandement de payer. En effet, le poursuivi qui ne forme pas opposition au moment de la notification du commandement de payer peut non seulement effectuer celle-ci oralement auprès de l’office des poursuites, mais également envoyer son opposition par recommandé ou exiger une attestation de l’office des poursuites pour s’assurer du respect du délai (cf. art. 74 al. 3 LP). Comme il est raisonnablement exigible de la part du poursuivi qu’il entreprenne ces démarches en vue de prouver la réception de l’opposition et, partant, le respect du délai pour former opposition, la preuve du respect du délai pour faire opposition ne saurait être admise uniquement sous l’angle de la vraisemblance.
En l’espèce, après l’échéance du délai pour former opposition, le canton de Bâle-Campagne a notamment fourni à l’office des poursuites des explications par téléphone, des captures d’écran attestant de l’envoi du courriel contenant l’opposition ainsi que le courriel original contenant l’opposition. Bien que ces indices permettraient d’admettre sous l’angle de la vraisemblance la réception du courriel en temps utile, le Tribunal fédéral considère que, compte tenu de l’exigence d’une preuve stricte, les éléments fournis sont en l’espèce insuffisants. Comme le poursuivi a échoué à prouver avec certitude que la réception du courriel contenant l’opposition était survenue dans un délai de dix jours auprès de l’office des poursuites, le Tribunal fédéral retient que le canton de Bâle-Campagne n’a pas valablement formé opposition selon l’art. 74 al. 1 LP. Le recours du créancier poursuivant est donc admis.
Proposition de citation : Victor Sellier, La preuve de l’opposition envoyée par courriel, in: https://lawinside.ch/1306/