La saisissabilité de l’épargne constituée à partir des rentes AVS et des prestations complémentaires (art. 92 al. 1 ch. 9a LP)
L’épargne constituée à partir des prestations d’assurances sociales énumérées à l’art. 92 al. 1 ch. 9a LP est en principe saisissable. Le fait que ces avoirs se trouvent sur le compte bancaire sur lequel sont versées les prestations initialement insaisissables n’y change rien.
Faits
L’Office des poursuites d’Abtwil exécute contre un débiteur une saisie auprès de sa banque. Le Tribunal de district de Muri rejette le recours déposé par le débiteur en vue de la restitution du montant saisi et de l’examen d’un éventuel comportement fautif de l’Office des poursuites.
Le débiteur dépose une plainte auprès de la Commission des poursuites et faillites du Tribunal supérieur du canton d’Argovie. Celle-ci retient pour l’essentiel que le montant épargné sur le compte litigieux est un avoir saisissable et rejette le recours.
Le débiteur interjette alors un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, concluant à l’annulation de la décision de l’instance inférieure et à la restitution du montant saisi. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral doit se déterminer sur la saisissabilité de l’avoir bancaire litigieux.
Droit
En bref, le débiteur soutient que l’avoir saisi sur son compte provient des rentes AVS et des prestations complémentaires et qu’il est par conséquent insaisissable au sens de l’art. 92 al. 1 ch. 9a LP.
Selon l’art. 92 al. 1 ch. 9a LP, les rentes au sens de l’art. 20 LAVS ou de l’art. 50 LAI, les prestations complémentaires au sens de l’art. 12 LPC ainsi que les prestations des caisses de compensation pour allocations familiales sont insaisissables. De plus, les prestations visées par cette disposition sont soustraites à la saisie des créanciers, même si elles devaient un jour dépasser le minimum vital du débiteur et de sa famille.
Le Tribunal fédéral commence par relever qu’en l’espèce, il apparaît vraisemblable que l’avoir accumulé sur le compte du débiteur provient exclusivement de la rente AVS et des prestations complémentaires. De même, il est vraisemblable que le débiteur utilise ce compte pour payer ses dépenses courantes telles que son loyer et ses achats alimentaires.
Toutefois, le Tribunal fédéral considère qu’il faut distinguer les rentes et les prestations insaisissables au sens de l’art. 92 al. 1 ch. 9a LP des avoirs d’épargne qui sont constitués à partir de ces prestations d’assurances sociales. De tels avoirs d’épargne sont saisissables, et ce même s’ils se trouvent sur le compte bancaire sur lequel sont versées les prestations insaisissables, à condition qu’ils ne soient pas entamés pour subvenir aux besoins de base.
Notre Haute cour justifie le caractère saisissable de ces avoirs par le fait que l’énumération des objets et droits insaisissables figurant à l’art. 92 LP est exhaustive et que, sauf disposition contraire, ce caractère insaisissable n’est pas transférable à d’autres objets de remplacement. Par conséquent, l’épargne accumulée à partir de prestations d’assurances sociales insaisissables et destinée à la consommation courante est un substitut saisissable. Le fait que le compte bancaire soit alimenté exclusivement par des prestations de rente de l’AVS et par des prestations complémentaires n’exclut pas d’emblée le caractère saisissable des avoirs qui s’y trouvent.
En l’espèce, le solde du compte bancaire en question n’a en substance subi que de légères fluctuations sur une période d’environ six mois. De plus, malgré diverses dépenses importantes, le débiteur n’a pas eu besoin de recourir à l’épargne saisie pour subvenir à ses besoins. Par conséquent, l’avoir saisi représente bien une épargne constituée à partir de prestations d’assurances sociales. À ce titre, cet avoir est saisissable.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, La saisissabilité de l’épargne constituée à partir des rentes AVS et des prestations complémentaires (art. 92 al. 1 ch. 9a LP), in : www.lawinside.ch/1473/
