Publications par Simon Pfefferlé

La protection judiciaire des tiers face aux contrats conclus par des autorités publiques : l’injonction tendant à la résiliation du contrat

TF, 19.05.2025, 2D_14/2024*

L’art. 58 al. 2 AIMP n’est applicable que lorsqu’un contrat de marché public a été conclu durant une procédure de recours dépourvue d’effet suspensif. Lorsque tel n’est pas le cas, les tribunaux administratifs peuvent constater la nullité du contrat de marché public. Subsidiairement, si les conditions de la nullité ne sont pas réalisées, les tribunaux administratifs peuvent octroyer une injonction contraignant le pouvoir adjudicateur à résilier ou modifier le contrat de marché public.

Faits

Une commune publie un appel d’offres portant sur la construction d’une façade d’un jardin d’enfants. Sur simap.ch, il est indiqué que les soumissionnaires disposent d’un délai au 28 juin 2023, 16h00, pour soumettre leurs offres. La documentation relative à l’appel d’offre prévoit en revanche que les offres peuvent être soumises jusqu’au 28 juin 2023, sans indication d’un horaire précis.

Une entreprise soumet son offre le 28 juin 2023, à 21h47. Cette offre est ensuite classée première. Toutefois, par décisions du 4 août 2023, le pouvoir adjudicateur indique à l’entreprise que son offre a été exclue de la procédure de marché public car déposée tardivement et indique avoir adjugé le marché public à une autre entreprise. Par écriture du 4 septembre, reçue le 8 septembre, l’entreprise recourt contre ces décisions au Tribunal administratif du canton de Thurgovie.… Lire la suite

100 ans après : la violation du droit d’être entendu ne fonde plus d’intérêt à recourir

TF, 19.05.2025, 6B_432/2024

Lorsqu’un recourant invoque une violation du droit d’être entendu sans prendre de conclusions sur le fond du litige, il doit démontrer que la violation en question a impacté matériellement la décision attaquée. Si ces conditions ne sont pas remplies, le recourant ne dispose d’aucun intérêt à recourir, y compris lorsque l’autorité inférieure a effectivement violé son droit d’être entendu.

Faits

Une personne est prévenue d’homicide par négligence et de violation grave qualifiée des règles de la circulation routière. Par jugement du 9 novembre 2023, la personne est reconnue coupable par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte et condamnée à une peine pécuniaire assortie du sursis et à une amende. Additionnellement, elle est condamnée à payer 25’000 fr., intérêts en sus, à titre de tort moral à un proche de la victime.

La prévenue forme un appel à la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois. Durant le procès en appel, le proche de la victime décède. Le 27 mars 2024, son successeur indique qu’il poursuit la procédure et prend des conclusions sur l’appel. Le 28 mars 2024, l’appelante sollicite l’octroi d’un délai pour se déterminer. Le 2 avril 2024, la cour cantonale statue à huis clos.… Lire la suite

La portée des obligations positives de l’État en matière de violences à l’égard des femmes

CourEDH, 03.04.2025, Affaire N.D. c. Suisse, requête no 56114/18

L’art. 2 CEDH met à charge des États parties à la Convention une obligation positive de prendre des mesures d’ordre pratique afin de protéger la vie d’un individu de comportements criminels d’autrui. Lorsque sont en cause des violences à l’égard des femmes ou des violences domestiques, l’État a à sa charge une obligation de prévention efficace qui inclut une évaluation du risque de létalité autonome, proactive et exhaustive.

Faits

Un individu est condamné en 1995 à 12 ans de peine privative de liberté pour meurtre et viol de sa compagne. Il est libéré en 2001. En 2006, il est placé en détention préventive dans le cadre d’une procédure pénale ouverte pour menace et contrainte à l’égard de sa nouvelle compagne. Dans ce cadre, une expertise psychiatrique, établie en vue d’une libération, constate que le prévenu risque de commettre des actes de violence grave lors de situations de rupture avec les personnes avec lesquelles il a entretenu des relations intimes. En octobre 2006, le prévenu est remis en liberté sous conditions.

En novembre 2006, le prévenu entame une nouvelle relation avec une femme qui ignore son passé. Face à son comportement, sa nouvelle compagne envisage de mettre fin à leur relation et contacte le médecin de famille du prévenu.… Lire la suite

La constitutionnalité de la compétence d’approbation des décisions cantonales du SEM

TF, 19.03.2025, 2C_681/2023*

L’art. 99 al. 2 LEI accorde au SEM la compétence de refuser l’approbation des décisions des autorités cantonales, y compris des autorités judiciaires de recours. Dans cette dernière hypothèse, l’art. 99 al. 2 LEI viole le droit constitutionnel à la séparation des pouvoirs car il fait du SEM une quasi-autorité de surveillance des tribunaux cantonaux. Pour le surplus, l’art. 99 al. 2 LEI respecte la CEDH. Partant, l’art. 190 Cst. impose au Tribunal fédéral et aux autres autorités de l’appliquer malgré son inconstitutionnalité.

Faits

Un ressortissant irakien est au bénéfice d’une autorisation de séjour régulièrement renouvelée depuis 2002. En 2012, il se marie à une citoyenne suisse avec laquelle il a deux enfants. Entre 2007 et 2021, il fait l’objet de multiples condamnations pénales, notamment pour des infractions à la LCR, faux dans les titres, escroquerie, contrainte et pornographie. En 2009 et 2013, il reçoit des avertissements en matière de droit des étrangers. Il est également lourdement endetté.

En 2018, l’office cantonal zurichois de la migration refuse le prolongement de son autorisation de séjour. Le Tribunal administratif zurichois admet partiellement le recours formé contre cette décision et ordonne à l’office cantonal de prolonger l’autorisation de séjour.… Lire la suite

La qualification d’un courrier en tant que décision constatatoire

TF, 25.03.2025, 2C_39/2025

Un courrier par lequel l’administration indique à des entreprises qu’elles sont soumises à une obligation de demande d’autorisation pour exercer leur activité constitue une décision constatatoire pouvant faire l’objet d’un recours.

Faits

Certaines catégories d’entreprises reçoivent, le 3 mars 2023, un courriel du chef de section du Service de l’espace public de la ville de Genève les informant de la procédure à suivre, en lien avec une plate-forme informatique, afin de réserver l’espace public dans le cadre d’occupations ponctuelles telles que des déménagements ou livraisons.

Par courrier du 11 août, quatre sociétés actives dans le domaine des vidanges et travaux annexes ont demandé au Conseil administratif de la ville de Genève de « vouloir renoncer à ce changement de pratique, consistant à requérir qu’elles déposent une demande d’autorisation d’usage accru du domaine public pour chaque intervention ou, à défaut, de bien vouloir leur notifier un acte administratif formel sujet à recours ».

Par courrier du 11 septembre 2023, la cheffe de Service de l’espace public a répondu à ces sociétés qu’elles n’étaient pas concernées par la plate-forme, les activités de vidange n’étant pas considérées comme des occupations ponctuelles, mais, qu’en revanche, leurs interventions constituaient des travaux nécessitant de requérir une demande d’autorisation d’usage accru du domaine public.Lire la suite