Publications par Simon Pfefferlé

La portée des obligations positives de l’État en matière de violences à l’égard des femmes

CourEDH, 03.04.2025, Affaire N.D. c. Suisse, requête no 56114/18

L’art. 2 CEDH met à charge des États parties à la Convention une obligation positive de prendre des mesures d’ordre pratique afin de protéger la vie d’un individu de comportements criminels d’autrui. Lorsque sont en cause des violences à l’égard des femmes ou des violences domestiques, l’État a à sa charge une obligation de prévention efficace qui inclut une évaluation du risque de létalité autonome, proactive et exhaustive.

Faits

Un individu est condamné en 1995 à 12 ans de peine privative de liberté pour meurtre et viol de sa compagne. Il est libéré en 2001. En 2006, il est placé en détention préventive dans le cadre d’une procédure pénale ouverte pour menace et contrainte à l’égard de sa nouvelle compagne. Dans ce cadre, une expertise psychiatrique, établie en vue d’une libération, constate que le prévenu risque de commettre des actes de violence grave lors de situations de rupture avec les personnes avec lesquelles il a entretenu des relations intimes. En octobre 2006, le prévenu est remis en liberté sous conditions.

En novembre 2006, le prévenu entame une nouvelle relation avec une femme qui ignore son passé. Face à son comportement, sa nouvelle compagne envisage de mettre fin à leur relation et contacte le médecin de famille du prévenu.… Lire la suite

La constitutionnalité de la compétence d’approbation des décisions cantonales du SEM

TF, 19.03.2025, 2C_681/2023*

L’art. 99 al. 2 LEI accorde au SEM la compétence de refuser l’approbation des décisions des autorités cantonales, y compris des autorités judiciaires de recours. Dans cette dernière hypothèse, l’art. 99 al. 2 LEI viole le droit constitutionnel à la séparation des pouvoirs car il fait du SEM une quasi-autorité de surveillance des tribunaux cantonaux. Pour le surplus, l’art. 99 al. 2 LEI respecte la CEDH. Partant, l’art. 190 Cst. impose au Tribunal fédéral et aux autres autorités de l’appliquer malgré son inconstitutionnalité.

Faits

Un ressortissant irakien est au bénéfice d’une autorisation de séjour régulièrement renouvelée depuis 2002. En 2012, il se marie à une citoyenne suisse avec laquelle il a deux enfants. Entre 2007 et 2021, il fait l’objet de multiples condamnations pénales, notamment pour des infractions à la LCR, faux dans les titres, escroquerie, contrainte et pornographie. En 2009 et 2013, il reçoit des avertissements en matière de droit des étrangers. Il est également lourdement endetté.

En 2018, l’office cantonal zurichois de la migration refuse le prolongement de son autorisation de séjour. Le Tribunal administratif zurichois admet partiellement le recours formé contre cette décision et ordonne à l’office cantonal de prolonger l’autorisation de séjour.… Lire la suite

La qualification d’un courrier en tant que décision constatatoire

TF, 25.03.2025, 2C_39/2025

Un courrier par lequel l’administration indique à des entreprises qu’elles sont soumises à une obligation de demande d’autorisation pour exercer leur activité constitue une décision constatatoire pouvant faire l’objet d’un recours.

Faits

Certaines catégories d’entreprises reçoivent, le 3 mars 2023, un courriel du chef de section du Service de l’espace public de la ville de Genève les informant de la procédure à suivre, en lien avec une plate-forme informatique, afin de réserver l’espace public dans le cadre d’occupations ponctuelles telles que des déménagements ou livraisons.

Par courrier du 11 août, quatre sociétés actives dans le domaine des vidanges et travaux annexes ont demandé au Conseil administratif de la ville de Genève de « vouloir renoncer à ce changement de pratique, consistant à requérir qu’elles déposent une demande d’autorisation d’usage accru du domaine public pour chaque intervention ou, à défaut, de bien vouloir leur notifier un acte administratif formel sujet à recours ».

Par courrier du 11 septembre 2023, la cheffe de Service de l’espace public a répondu à ces sociétés qu’elles n’étaient pas concernées par la plate-forme, les activités de vidange n’étant pas considérées comme des occupations ponctuelles, mais, qu’en revanche, leurs interventions constituaient des travaux nécessitant de requérir une demande d’autorisation d’usage accru du domaine public.Lire la suite

Le domicile civil comme condition d’éligibilité au Conseil des États

TF, 24.03.25, 1C_467/2024*

Le dies a quo pour contester l’éligibilité d’un candidat intervient au moment de la publication des résultats électoraux.

L’exigence de disposer d’un domicile civil – comme composante du domicile politique – afin d’être éligible au Conseil des États doit s’examiner strictement au regard de la jurisprudence rendue en lien avec l’art. 23 CC. Il n’est ainsi pas admissible d’admettre l’existence du domicile civil au sein d’un canton en se fondant exclusivement sur l’existence d’un « lien étroit » entre le justiciable et le canton en question.

Faits

Le 19 novembre 2023, Simon Stocker a été élu au Conseil des États pour le canton de Schaffhouse. Le 27 novembre 2023, plusieurs personnes recourent au Conseil d’État schaffhousois contre son élection. Ils font valoir que Simon Stocker ne remplit pas les conditions d’éligibilité faute d’avoir été effectivement domicilié dans le canton de Schaffhouse au moment de son élection au Conseil des États.

Suite au rejet du recours par le Conseil d’État puis par le Tribunal cantonal schaffhousois, ces personnes forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Le Tribunal fédéral doit déterminer si Simon Stocker remplissait les conditions d’éligibilité relatives à l’exigence d’un domicile civil – comme composante du domicile politique – pour se présenter à l’élection au Conseil des États à Schaffhouse.Lire la suite

La constitutionnalité du plafonnement de l’activité économique subventionnée et privée

TF, 18.02.2025, 2C_52/2024*

Lorsque l’État subventionne une activité économique privée, il n’est possible de se prévaloir de la liberté économique que de manière limitée s’agissant de la part de l’activité subventionnée. En revanche, s’agissant de la part de l’activité non-subventionnée, la liberté économique s’applique entièrement.

Un plafonnement de l’activité économique privée non-subventionnée constitue une atteinte grave à la liberté économique, laquelle n’est admissible qu’aux conditions de l’art. 36 Cst.

Faits

Une logopédiste-orthophoniste indépendante dépose une demande de convention de subventionnement sur la base de la nouvelle loi vaudoise en matière de pédagogie spécialisée (LPS-VD). La Direction générale y répond favorablement. Toutefois, en application du « Dispositif cantonal de la logopédie indépendante conventionnée et démarche de conventionnement » qu’elle a édicté, la Direction générale plafonne le volume des prestations facturées à 90’000 minutes par année civile. Ce taux est considéré comme un taux maximal d’activité à 100 % que les délégataires n’ont pas le droit de dépasser toutes activités confondues. La logopédiste-orthophoniste s’opposant au plafonnement, la Direction, par décision du 24 septembre 2021, refuse finalement le subventionnement.

La logopédiste-orthophoniste forme un recours contre la décision de la Direction auprès du Tribunal cantonal, lequel est rejeté par arrêt du 13 décembre 2023, puis en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral en faisant valoir une violation de sa liberté économique.… Lire la suite