L’interdiction de la mendicité dans le canton de Vaud
L’atteinte résultant de l’interdiction de la mendicité à divers droits fondamentaux, tels que la liberté personnelle (art. 10 Cst.), est admissible au regard de l’art. 36 Cst. Le Tribunal fédéral confirme ainsi pour le canton de Vaud sa jurisprudence rendue à ce sujet concernant le canton de Genève.
Faits
À la suite d’une initiative populaire visant l’interdiction de la mendicité, le Grand Conseil vaudois modifie l’art. 23 LPén-VD qui réprime désormais celui qui mendie par une amende de 50 à 100 francs (al. 1). Une amende de 500 à 2’000 francs est prononcée à l’égard des personnes organisant la mendicité ou impliquant dans la mendicité des mineurs ou des personnes dépendantes (al. 2).
La Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal du canton de Vaud rejette la requête formée contre cette révision législative par plusieurs personnes, dont certaines s’adonnent à la mendicité.
Ces personnes forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Dans un contrôle abstrait des normes, le Tribunal fédéral doit se prononcer sur la conformité de l’art. 23 LPén-VD au droit supérieur, en particulier à la liberté personnelle (art. 10 Cst.).
Droit
Sur le plan de la recevabilité, le Tribunal fédéral rappelle que lorsque l’objet de la contestation est un acte normatif, l’intérêt personnel fondant la qualité pour recourir suffit d’être virtuel (art. 89 LTF). En l’occurrence, les personnes recourants au Tribunal fédéral pratiquent la mendicité dans le canton de Vaud. Elles sont donc touchées et ont un intérêt à contester l’art. 23 LPén-VD.
Sur le fond, le Tribunal fédéral précise qu’en disposant que celui qui mendie sera puni d’une amende, l’art. 23 al. 1 LPén-VD revient à interdire la mendicité. Dès lors, le Tribunal fédéral analyse dans un premier temps si cette interdiction porte atteinte à des droits fondamentaux, en particulier à celui de la liberté personnelle. Dans un second temps, le Tribunal fédéral détermine si l’atteinte est une restriction admissible au regard de l’art. 36 Cst.
La liberté personnelle, garantie par l’art. 10 al. 2 Cst., inclut toutes les libertés permettant l’épanouissement d’une personne. Le Tribunal fédéral considère que le fait de s’adresser à autrui pour obtenir une aide, à l’instar de la mendicité, est une liberté élémentaire garantie par l’art. 10 al. 2 Cst.
La liberté personnelle n’est toutefois pas absolue. Elle peut être restreinte aux conditions de l’art. 36 Cst., à savoir que la restriction doit se fonder sur une base légale, poursuivre un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité.
Il est en l’espèce incontesté que la disposition litigieuse est une loi formelle constituant une base légale suffisante.
En ce qui concerne l’intérêt public poursuivi, le Tribunal fédéral se réfère à l’ATF 134 I 214 relatif à la loi genevoise interdisant la mendicité. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral avait considéré que l’intérêt public poursuivi était celui d’empêcher l’exploitation de personnes, en particulier de mineurs, dans le cadre de réseaux. Or, des études relatives au canton de Vaud estiment qu’il n’y aurait pas de mendicité organisée dans ce canton. Malgré cette incertitude, le Tribunal fédéral reconnaît un intérêt public à l’interdiction en cause, les autorités ayant le devoir de lutter contre l’exploitation humaine y compris à titre préventif. Par ailleurs, l’interdiction de la mendicité permet de préserver l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics.
Sur le plan de la proportionnalité, le Tribunal fédéral ne reconnaît aucune mesure moins incisive à l’interdiction pure et simple de la mendicité. À nouveau, il se réfère à l’ATF 134 I 214 et rappelle qu’une limitation géographie ou temporelle ne ferait que déplacer et concentrer la problématique.
Par conséquent, l’interdiction de la mendicité portant atteinte à l’art. 10 al. 2 Cst. est justifiée au regard de l’art. 36 Cst.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Note
Les recourants se prévalent dans un autre grief de la liberté économique (art. 27 Cst.). Le Tribunal fédéral admet certes que la mendicité vise un gain économique. Toutefois, la mendicité ne produit aucun échange de biens ou de services dans un but lucratif. La liberté économique visant la protection de ces rapports d’échange, le Tribunal fédéral considère que la mendicité n’est pas une activité protégée par l’art. 27 Cst. Cette position du Tribunal fédéral, prise déjà dans l’ATF 134 I 214, avait fait l’objet de plusieurs critiques doctrinales qui soutiennent que le simple effort professionnel tendant à l’obtention d’un gain devrait être protégé.
Proposition de citation : Tobias Sievert, L’interdiction de la mendicité dans le canton de Vaud, in: https://lawinside.ch/669/