Faut-il tenir compte du prononcé d’une expulsion du territoire pour fixer la peine ?
L’expulsion du territoire (art. 66a CP) ne doit pas être prise en compte dans la fixation de la peine (confirmation de jurisprudence).
Faits
Le Bezirksgericht de Baden condamne un prévenu à une peine et ordonne son expulsion du territoire et son inscription dans le Système d’information Schengen (SIS). Sur appel du prévenu et du Ministère public, l’Obergericht du canton d’Argovie alourdit la peine et confirme l’expulsion ainsi que l’inscription au SIS.
Contre cette décision, le condamné intente un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à se prononcer sur la question controversée de l’effet d’une expulsion du territoire (art. 66a CP) sur la fixation de la peine.
Droit
Après avoir rejeté plusieurs autres griefs du prévenu, le Tribunal fédéral se penche sur la question de la prise en compte de l’expulsion dans la fixation de la peine.
Dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a considéré que l’expulsion ne doit pas être prise en considération comme motif de réduction lors de la fixation simultanée de la peine. Cependant, la doctrine reste divisée sur cette question. Certains auteurs considèrent que l’expulsion de territoire (art. 66a CP) constitue en substance une peine ou qu’elle a un caractère punitif dans ses effets. Dès lors, elle devrait être prise en compte à ce titre lors de la fixation de la peine. D’autres auteurs considèrent que l’expulsion, sans être elle-même une peine, peut constituer un motif de réduction de la peine.
L’art. 55 aCP, qui réglait la question de l’expulsion jusqu’au 31 décembre 2006, figurait parmi les peines accessoires du code pénal. Le Tribunal fédéral avait toutefois jugé que l’expulsion avait plutôt le caractère d’une mesure (ATF 117 IV 229). En revanche, l’art. 66a CP est situé dans le code pénal au chapitre 2 « Mesures », section 2 « Autres mesures ». Selon l’intention du législateur, l’expulsion est donc une mesure de sécurité et non une peine (ATF 146 IV 311). En outre, le Tribunal fédéral rappelle que l’expulsion n’est pas mentionnée dans la liste des critères de fixation de la peine de l’art. 47 CP et elle ne relève pas du champ d’application de l’art. 54 CP.
La durée de l’expulsion doit donc être examinée de manière distincte, après avoir déterminé la quotité de la peine. Elle doit tenir compte du principe de proportionnalité et de la nécessité de protéger la société eu égard à la dangerosité de l’auteur, au risque de récidive et à la gravité des infractions qu’il pourrait commettre à l’avenir, à l’exclusion de la gravité de la faute et de la durée de la peine prononcée. Dans les cas d’application de la clause de rigueur (art. 66a al. 2 CP), le tribunal tiendra aussi compte de l’effet de la peine sur la conduite future de l’auteur.
Pour ces raisons, c’est à bon droit que les instances précédentes n’ont pas tenu compte de l’expulsion dans la fixation de la peine privative de liberté. Le recours est donc rejeté.
Proposition de citation : Yoann Stettler, Faut-il tenir compte du prononcé d’une expulsion du territoire pour fixer la peine ?, in: https://lawinside.ch/1673/