La poursuite en réalisation du gage immobilier contre le tiers propriétaire du gage et l’acte authentique exécutoire
La reconnaissance de la créance par le débiteur dans un acte notarié exécutoire (art. 347 et 349 CPC) est pour le créancier gagiste un titre de mainlevée définitive (art. 80 et 81 LP) dans la poursuite en réalisation du gage immobilier dirigée contre le débiteur, mais pas dans la poursuite contre le tiers propriétaire de gage.
Faits
La locataire d’un immeuble engage un entrepreneur général pour des travaux, lequel confie l’exécution des travaux à un sous-traitant. L’entrepreneur ne paie pas les factures du sous-traitant qui obtient l’inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Par acte notarié avec le sous-traitant, l’entrepreneur reconnaît sa dette et s’engage à payer le montant prévu. Il ne s’exécute toutefois pas.
Le sous-traitant requiert la poursuite en réalisation du gage immobilier contre l’entrepreneur et la tierce propriétaire du gage. Le premier fait opposition au commandement de payer et la seconde fait opposition au double du commandement de payer qui lui est notifié.
Le sous-traitant requiert la mainlevée définitive de ces oppositions. Le Tribunal de première instance du canton de Genève admet la mainlevée définitive de l’opposition de l’entrepreneur mais la rejette pour l’opposition de la tierce propriétaire. Sur recours du sous-traitant, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève annule et réforme le jugement en prononçant la mainlevée définitive également de l’opposition de la tierce propriétaire.
La tierce propriétaire interjette alors un recours en matière civile au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la reconnaissance de la dette par acte authentique exécutoire par l’entrepreneur général est un titre de mainlevée définitive dans une poursuite en réalisation du gage immobilier dirigée contre le tiers propriétaire du gage.
Droit
Le Tribunal fédéral commence par rappeler que le créancier gagiste peut requérir la poursuite en réalisation du gage immobilier (art. 151 ss LP, art. 816 CC) dès lors que la créance est exigible et impayée. Le commandement de payer est notifié au débiteur de la créance garantie et une copie est notifiée au tiers propriétaire de l’immeuble objet du gage (art. 153 al. 2 lit. a LP). Ce dernier ne devient pas débiteur personnel du créancier mais acquiert la qualité de copoursuivi et peut exercer ses droits indépendamment du débiteur.
Le débiteur et le tiers propriétaire peuvent former opposition au commandement de payer (art. 153 al. 2bis LP). Les oppositions déploient les mêmes effets et doivent toutes être levées par une décision de mainlevée (art. 80 à 82 LP) ou par une action en reconnaissance de dette (art. 79 LP).
La voie de la procédure de mainlevée définitive nécessite un titre de mainlevée définitive: soit un jugement exécutoire, soit un titre assimilé à un jugement, authentique et exécutoire (art. 347 à 352 CPC). Le débiteur doit accepter, dans le titre assimilé, de passer au stade de l’exécution en dépit de l’absence de jugement. Seul le débiteur qui signe le titre s’engage, à l’exclusion du tiers propriétaire qui n’a pas reconnu dans le titre l’exécution directe de la prestation.
Le Tribunal fédéral poursuit en relevant que la procédure de mainlevée est une pure procédure d’exécution forcée. La juge n’examine que l’existence d’un jugement exécutoire ou d’un titre assimilé, ainsi que l’identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans le titre, l’identité entre le poursuivi et le débiteur désigné dans le titre, et l’identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue dans le titre.
Conformément à la jurisprudence, le jugement ordonnant l’inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs (art. 837 al. 1 ch. 3 CC) ne constitue pas un titre de mainlevée définitive pour la créance garantie. Le jugement ne détermine que l’étendue de la garantie hypothécaire et non la créance en tant que telle, laquelle est examinée uniquement à titre préjudiciel. Pour obtenir un titre de mainlevée, le créancier doit cumuler cette action avec une action condamnatoire en paiement de sa créance contre le débiteur. Cette jurisprudence, s’appliquant au débiteur simultanément propriétaire de l’immeuble grevé, vaut a fortiori pour le tiers propriétaire de gage qui n’est pas débiteur de la créance garantie. De même, un acte authentique exécutoire au sens de l’art. 349 CPC ne produit des effets qu’entre les parties à cet acte (res inter alios acta).
En l’espèce, seul l’entrepreneur s’est engagé par acte authentique envers le créancier, à l’exclusion de la tierce propriétaire. L’absence d’identité entre la tierce propriétaire et le débiteur désigné dans l’acte empêche en conséquence le prononcé de la mainlevée définitive.
Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral conclut que le principe de l’identité entre le débiteur de l’acte authentique et la propriétaire copoursuivie est violé. Partant, il admet le recours.
Proposition de citation : Margaux Collaud, La poursuite en réalisation du gage immobilier contre le tiers propriétaire du gage et l’acte authentique exécutoire, in: https://lawinside.ch/1542/