Le droit à une assistance personnelle et à son financement à l’EPFZ
Un étudiant en master en sciences naturelles de l’environnement à l’EPFZ souffrant de troubles cognitifs ne bénéficie pas d’un droit à une assistance personnelle et à son financement.
Faits
En 2018, un étudiant termine ses études de biologie à l’Université de Berne. Par décision du 27 août 2019, la Commission de recours de l’École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) l’autorise à poursuivre ses études de master en sciences naturelles de l’environnement.
Cet étudiant souffre de troubles cognitifs et dispose d’une capacité de travail et d’étude de l’ordre de 20%. Il dépose alors auprès de l’EPFZ une demande de compensation des désavantages liés à son handicap. Il sollicite une assistance personnelle et le financement de celle-ci pour les travaux technico-administratifs qui ne servent pas directement à l’acquisition de connaissances et à l’apprentissage de la matière d’examen. Seraient alors concernées les activités telles que la recherche, l’organisation et l’impression de documents ainsi que les formalités d’inscription à certains cours.
L’EPFZ rejette sa demande. La Commission de recours de l’EPFZ, puis le Tribunal administratif fédéral, statuant sur recours de l’intéressé, en font de même.
L’étudiant interjette un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Il demande à ce qu’une assistance personnelle pour des tâches technico-administratives lui soit fournie et rémunérée pour la durée de ses études de master à l’EPFZ.
Le Tribunal fédéral doit alors déterminer si l’étudiant dispose d’un droit à une assistance pour des travaux technico-administratifs et à sa rémunération pour ses études de master à l’EPFZ.
Droit
Se pose premièrement la question de savoir si la LHand et l’interdiction de la discrimination (art. 8 al. 2 Cst.) créent une obligation positive de prestation en faveur de l’étudiant à charge de l’EPFZ.
L’art. 8 al. 4 Cst. impose au législateur de prévoir des mesures visant à éliminer les inégalités qui frappent les personnes en situation de handicap. La Confédération a assumé ce mandat législatif, notamment en adoptant la LHand. Cette loi a pour but de prévenir, de réduire ou d’éliminer les inégalités auxquelles sont exposées les personnes en situation de handicap (art. 1 al. 1 LHand). Du point de vue matériel, le champ d’application de la loi s’étend entre autres à la « formation et au perfectionnement » (art. 3 let. f LHand). Dans ce domaine, le champ d’application matériel doit être considéré largement.
Le Tribunal fédéral conclut alors que, l’étudiant souffrant d’un handicap au sens juridique du terme, il peut se prévaloir de la LHand et ses études de master entrent dans le champ d’application matériel.
Il se penche ensuite sur la notion d’inégalité importante (art. 2 al. 2 LHand) et constate qu’elle s’applique spécifiquement aux domaines de la formation et de la formation continue en vertu de l’art. 2 al. 5 LHand. Cette disposition prévoit qu’il y a inégalité dans ce domaine notamment lorsque l’utilisation de moyens auxiliaires spécifiques aux personnes handicapées ou une l’assistance personnelle qui leur est nécessaire ne leur sont pas accordées (let. a) ou lorsque la durée et l’aménagement des prestations de formation ainsi que les examens ne sont pas adaptés aux besoins spécifiques des personnes handicapées (let. b). La personne concernée par une telle inégalité peut demander au tribunal ou à l’autorité administrative d’éliminer l’inégalité ou d’y renoncer (art. 8 al. 2 LHand).
Au demeurant, le Tribunal fédéral constate que les dispositions légales ne concrétisent pas les mesures que la collectivité doit prendre afin d’assurer la garantie de ce droit. Il se livre alors à une interprétation de l’art. 2 al. 5 let. a LHand en relation avec l’art. 8 al. 2 LHand.
Après avoir appliqué la méthode usuelle d’interprétation, il remarque que les éléments d’interprétation ne permettent pas d’aboutir à un résultat suffisamment clair. Il se penche alors sur la Cst., tout particulièrement l’art. 8 al. 2 Cst., l’art. 13 du Pacte I de l’ONU, l’art. 25 al. 5 CDPH et la jurisprudence rendue par la Cour européenne des droits de l’homme en lien avec le droit à la vie privée combiné à l’interdiction de discrimination (art. 8 ch. 1 CEDH en relation avec l’art. 14 CEDH).
Au regard des dispositions précitées, le Tribunal fédéral arrive alors à la conclusion que l’art. 2 al. 5 let. a LHand en lien avec l’art. 8 al. 2 LHand octroient un droit à l’égalité dans le domaine de la formation. La collectivité doit alors œuvrer activement à l’égalité des chances dans ce domaine et, à certaines conditions, un droit légal à l’octroi et à la rémunération d’une assistance en découle.
Le Tribunal fédéral souligne ensuite que les mesures de compensation des désavantages ne sont accordées que si elles sont proportionnées (art. 11 al. 1 LHand). Il convient donc d’examiner si les mesures sollicitées respectent le principe de proportionnalité.
Les études à l’EPFZ doivent permettre aux étudiants de travailler de manière autonome selon des méthodes scientifiques (art. 6 de la Loi sur les EPF). L’EPFZ a en outre concrétisé dans une grille de compétence les objectifs généraux attendus. Cette grille distingue les compétences méthodologiques, sociales, personnelles et professionnelles. Parmi les compétences spécifiques, sont attendues notamment la capacité à collecter des informations et des données pour comprendre les problèmes et, de manière générale, la compétence à traiter les informations.
En ce qui concerne le cursus entamé par l’étudiant, le règlement d’études précise que ce cursus pose les bases d’une activité scientifique de haut niveau académique. Les diplômés doivent être formés pour devenir des spécialistes et des cadres dans les universités, les instituts de recherche, les bureaux de planification et d’environnement, les autorités ainsi que les départements concernés dans les banques, les assurances et l’industrie (art. 10 al. 1 du règlement d’études). Les étudiants doivent en outre apprendre à travailler de manière scientifique, ce qui inclut la recherche de littérature, l’analyse de textes scientifiques, la planification et la réalisation d’expériences ainsi que l’élaboration et la direction de projets (art. 10 al. 2 du règlement d’études).
En l’occurrence, le Tribunal fédéral constate que l’étudiant est apte à suivre des études comme l’atteste la décision d’admission du 27 août 2019 de la Commission de recours de l’EPFZ. Il doit donc être en mesure d’assumer lui-même des tâches administratives comme la préparation des cours ou l’impression de documents d’études. En outre, la recherche et l’identification des informations essentielles pour atteindre les objectifs d’apprentissage constituent un aspect essentiel de la méthode appliquée par l’EPFZ. Le règlement d’études exige par ailleurs que les étudiants disposent de compétences administratives. Ainsi, contrairement à ce que considère l’étudiant, les travaux qui ne servent pas directement à l’acquisition de connaissances sont également importants pour la réussite des études.
Le Tribunal fédéral conclut que le droit à une assistance personnelle pour les travaux technico-administratifs et à son financement ont été refusés à juste titre à l’étudiant. Il rejette le recours.
Proposition de citation : Florence Perroud, Le droit à une assistance personnelle et à son financement à l’EPFZ, in: https://lawinside.ch/1515/