L’entrée en vigueur du plan directeur du canton de Fribourg
TF, 16.09.2020, 1C_536/2019, 1C_537/2019
En droit cantonal fribourgeois, le plan directeur cantonal entre en vigueur et lie les autorités cantonales et communales dès son adoption par le Conseil d’État (cf. art. 18 al. 1 LATeC/FR). Lors de sa décision d’approbation, la Direction cantonale de l’aménagement, de l’environnement et des constructions doit ainsi apprécier le plan d’affectation communal selon le plan directeur cantonal en vigueur, et ce même si le plan d’affectation a été mis à l’enquête avant l’adoption du plan directeur.
Faits
La commune d’Avry procède à la révision générale de son plan d’aménagement local (PAL). En 2015 et 2016, le projet de révision est soumis à la Direction cantonale de l’aménagement, de l’environnement et des constructions (DAEC) pour approbation. Le projet suscite plusieurs oppositions de propriétaires concernés.
En octobre 2018, le Conseil d’État de Fribourg adopte le nouveau plan directeur cantonal (PDCant).
En novembre 2018, la DAEC approuve partiellement la révision générale du PAL. Dans sa décision, la DAEC précise avoir analysé la révision du PAL sous l’angle de l’ancien plan directeur cantonal, le PAL en question ayant été mis à l’enquête avant l’adoption du nouveau PDCant en octobre 2018.
Les propriétaires concernés recourent au Tribunal cantonal, lequel admet le recours. Le Tribunal cantonal estime que le PDCant liait les autorités dès son adoption par le Conseil d’État. La DAEC aurait ainsi dû tenir compte du nouveau PDCant pour apprécier le PAL litigieux (art. 18 al. 1 LATeC/FR). Le Tribunal cantonal renvoie ainsi la cause à la DAEC afin qu’elle procède à l’analyse du PAL selon le nouveau PDCant.
La commune d’Avry, le Conseil d’État et la DAEC forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur le moment à partir duquel le plan directeur cantonal lie les autorités.
Droit
Sur le plan de la recevabilité, le jugement du Tribunal cantonal qui renvoie la cause à la DAEC afin de rendre une nouvelle décision en application du PDCant en vigueur s’analyse comme une décision incidente. Le recours est ouvert aux conditions de l’art. 93 LTF, soit en la présence d’un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). En l’occurrence, la décision de renvoi du Tribunal cantonal contraint la DAEC de rendre une nouvelle décision qu’elle estime comme fausse et qu’elle ne pourrait pas contester par la suite. Dans ces circonstances, la cause présente un préjudice irréparable de sorte qu’il se justifie d’entrer en matière.
Le Tribunal fédéral se penche ensuite sur la qualité pour recourir de la DAEC et du Conseil d’État. En l’occurrence, cette qualité ne peut résulter que de l’art. 89 al. 1 LTF, à l’exclusion de l’art. 89 al. 2 let. a LTF. Une collectivité publique peut fonder son recours sur l’art. 89 al. 1 LTF dans la mesure où elle est touchée dans ses prérogatives de puissance publique et qu’elle dispose d’un intérêt public propre digne de protection à l’annulation ou à la modification de l’acte attaqué. En l’espèce, même si le litige revêt une portée pratique considérable, le Tribunal fédéral doute que les autorités en cause soient touchées dans un intérêt public propre. Il décide toutefois de laisser la question ouverte au regard de l’issue du litige. Il laisse également ouverte la question de la recevabilité du recours de la commune d’Avry.
Sur le fond, les recourantes se plaignent d’une violation du droit fédéral, à savoir une violation de leur liberté d’appréciation (art. 2 al. 3 LAT). En se plaignant d’une violation de l’art. 2 al. 3 LAT, le Tribunal fédéral estime que les recourantes perdent de vue la nature du litige, qui porte sur l’entrée en vigueur du plan directeur cantonal. En application de l’art. 10 al. 1 LAT, cette question de procédure relève exclusivement de l’application du droit cantonal. À cet égard, le législateur fribourgeois a adopté l’art. 18 LATeC/FR portant sur les effets du plan, qui dispose que dès son adoption par le Conseil d’État, le plan directeur cantonal lie les autorités cantonales et communales (al. 1). Le Tribunal fédéral revoit donc l’application de l’art. 18 LATeC/FR sous l’angle limité de l’arbitraire (art. 95 LTF).
À cet égard, le Tribunal fédéral estime que cette disposition peut définir une règle transitoire portant également sur le moment de l’entrée en vigueur du plan directeur cantonal. Aussi, il paraît défendable que le moment décisif pour analyser la conformité du plan se situe au moment de l’approbation par la DAEC, et non pas au moment de l’adoption du plan par la commune. L’application immédiate du PDCant permet enfin que le plan soit examiné selon les dernières exigences du droit fédéral (cf. art. 8 et 8a LAT).
Par conséquent, le Tribunal fédéral confirme que la DAEC aurait dû tenir compte de la dernière version du PDCant pour apprécier le PAL de la commune d’Avry. Elle ne pouvait donc pas approuver la planification locale sur le fondement d’une planification directrice désuète.
Partant, le recours est rejeté.
Proposition de citation : Tobias Sievert, L’entrée en vigueur du plan directeur du canton de Fribourg, in: https://lawinside.ch/980/