La notification d’une décision à l’étranger et l’indication des voies de droit

ATF 144 II 401

Une décision notifiée à une personne domiciliée à l’étranger doit informer cette personne de manière précise et complète, en plus des exigences de l’art. 35 al. 2 PA, si des dispositions spéciales telles que l’art. 21 al. 1 PA existent en ce qui concerne la possibilité de contester la décision. Lorsque ce devoir d’orientation n’est pas respecté, il ne peut pas être reproché au recourant d’avoir méconnu la loi. En revanche, si le destinataire est représenté par un avocat étranger, de simples instructions sur les voies de droit conformément aux exigences légales sont suffisantes.

Faits

Une résidente sud-africaine dépose une demande de naturalisation en Suisse. Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) rejette la demande par décision communiquée via la représentation suisse à Pretoria. La décision du SEM est notifiée le 22 janvier 2018, suite à quoi la résidente sud-africaine porte l’affaire devant le Tribunal administratif fédéral (TAF). Ce dernier n’entre toutefois pas en matière sur le recours qu’il juge tardif. En effet, la recourante a déposé son recours par « registered letter«  (courrier recommandé) le 30 janvier 2018 auprès d’une poste en Afrique du Sud. Le recours a ensuite été remis à la poste suisse le 23 février 2018, le délai ayant toutefois expiré le 21 février 2018.

La résidente sud-africaine interjette alors recours au Tribunal fédéral. Ce dernier doit en particulier trancher la question de savoir si le recours au TAF était tardif.

Droit

Conformément à l’art. 37 LTAF en lien avec l’art. 50 al. 1 PA, les recours au TAF doivent être déposés dans les 30 jours qui suivent la notification de la décision. L’art. 21 al. 1 PA précise que les écrits sont remis à l’autorité ou, à son adresse, à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse le dernier jour du délai au plus tard.

Selon le TAF, ce n’est pas la date de dépôt du recours auprès de la poste en Afrique du Sud qui fait foi, mais celle de la remise à la poste suisse en application de l’art. 21 PA. Puisque le délai courait jusqu’au 21 février 2018, le dépôt était donc tardif.

La recourante relève que la décision du SEM ne faisait aucunement référence aux exigences de l’art. 21 PA. La représentation suisse en Afrique du Sud n’avait pas non plus attiré son attention sur cette exigence. En outre, elle n’était pas représentée par un avocat jusqu’au jugement du TAF et avait envoyé son recours par la poste pas plus tard qu’une semaine seulement après réception de la décision. La recourante fait enfin valoir que l’art. 38 PA, selon lequel une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties, est violé en l’espèce et que l’arrêt attaqué est contraire à la bonne foi.

Selon la jurisprudence, le dépôt d’un acte auprès d’un bureau de poste étranger ne permet pas de respecter le délai, sauf exception. Le Tribunal fédéral reconnaît donc que le recours était tardif mais relève que la décision ne mentionnait effectivement pas les exigences de l’art. 21 PA.

D’après l’art. 35 al. 2 PA, l’indication des voies de droit mentionne le moyen de droit ordinaire qui est ouvert, l’autorité à laquelle il doit être adressé et le délai pour l’utiliser. D’après la jurisprudence, une décision notifiée à une personne domiciliée à l’étranger doit informer cette personne de manière précise et complète, en plus des prescriptions de l’art. 35 al. 2 PA, si des dispositions spéciales telles que l’art. 21 al. 1 PA existent en ce qui concerne la possibilité de contester la décision. Lorsque ce devoir d’orientation n’est pas respecté, il ne peut pas être reproché au recourant d’avoir méconnu la loi. En revanche, si le destinataire est représenté par un avocat étranger, de simples instructions sur les voies de droit conformément aux exigences légales sont suffisantes. En ce qui concerne l’art. 38 PA, selon lequel une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties, le facteur décisif est de savoir si la partie a effectivement été induite en erreur et désavantagée dans un cas précis.

In casu, la décision du SEM ne contenait pas les instructions nécessaires. Dans ces circonstances, le non-respect du délai est dû à l’inadéquation des indications données à la recourante par les autorités et le TAF aurait dû entrer en matière sur le recours malgré son dépôt tardif.

Au vu de ce qui précède, le recours est admis et la cause renvoyée au TAF pour nouvelle décision.

Proposition de citation : Marie-Hélène Peter-Spiess, La notification d’une décision à l’étranger et l’indication des voies de droit, in: https://lawinside.ch/703/