La protection juridique à l’encontre du plan directeur de quartier
ATF 143 II 276 – TF, 03.04.2017, 1C_423/2016*
Faits
A Genève, le plan directeur cantonal prévoit la densification du quartier Praille-Acacias-Vernets (PAV). A la suite de l’adoption de la loi cantonale relative à l’aménagement du PAV, les autorités élaborent un avant-projet de plan directeur de quartier PAV (PDQ PAV). Ce projet contient des fiches de coordination comprenant chacune un principe, des objectifs, des mesures, des projets ainsi qu’un texte explicatif et des illustrations, sur divers thèmes. Il contient également une carte de synthèse et une carte des grands équilibres (densité et affectations), ainsi que des documents annexes.
La fondation recourante est propriétaire d’une parcelle avec deux bâtiments de bureaux située dans le périmètre du PDQ PAV, dans un secteur que la loi PAV-GE dédie à une affectation mixte (secteur G). La carte des grands équilibres y prévoit un programme déterminé de surface brute de plancher pour ce secteur et définit un indice d’utilisation du sol et un indice de densité. La légende précise que le calcul des indices est susceptible de varier et reste à confirmer en fonction des projets et de choix ultérieurs. Les indices qui seront calculés sur le périmètre des plans localisés de quartier (PLQ PAV), non définis à ce jour et qui serviront à définir les droits à bâtir, pourront être différents. Le secteur G est en outre divisé en trois sous-secteurs. De grands équipements publics ou collectifs sont préconisés dans le sous-secteur sur lequel se trouve la parcelle de la fondation (sous-secteur « La Pointe Nord »).
Le projet de PDQ PAV est soumis à la consultation publique. La fondation forme des observations, dans lesquelles elle estime que ce plan ne tient pas compte d’une convention qu’elle a conclue avec l’Etat et qui garantit à son immeuble une situation acquise. L’Office de l’urbanisme lui répond que le maintien du bâtiment, ainsi que sa transformation dans une certaine mesure, sont possibles en dépit du PDQ PAV.
Après son adoption par les conseils municipaux des communes concernées, le Conseil d’Etat approuve le PDQ PAV. Saisie par la fondation, la Cour de justice déclare irrecevable le recours interjeté contre cette approbation. La fondation forme en conséquence un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui est appelé à déterminer si ce plan directeur de quartier correspond formellement et/ou matériellement à un plan d’affectation susceptible de recours conformément à l’art. 33 al. 2 LAT.
Droit
La Cour de justice a estimé que le PDQ PAV ne pouvait pas faire l’objet d’un recours émanant de particuliers, car il ne pouvait pas être assimilé à un plan d’affectation ni sous l’angle de la procédure d’adoption, ni au regard de son contenu et de sa portée matérielle. Selon la fondation, le PDQ PAV devrait toutefois être matériellement assimilé à un plan d’affectation (art. 14 LAT), soumis aux exigences des art. 33 al. 2 LAT et 25 al. 1 LaLAT en matière de protection juridique.
Le Tribunal fédéral rappelle à titre préliminaire que le plan directeur est un plan de gestion continue du territoire, qui montre comment les organismes chargés de tâches d’organisation du territoire doivent exercer leurs compétences vu l’organisation du territoire souhaitée (art. 6 ss LAT). Il propose également des moyens propres à atteindre ce but. Les cantons peuvent introduire des plans directeurs de rang inférieur, régionaux ou communaux. A Genève, le législateur a ainsi introduit le plan directeur localisé (PDL), qui entre dans la définition du plan directeur telle que donnée par le droit fédéral. Il a pour objet de fixer les orientations futures de l’aménagement de tout ou partie du territoire d’une ou plusieurs communales (art. 10 al. 1 LaLAT-GE).
D’un point de vue formel, le Tribunal fédéral confirme que le PDQ PAV constitue un PDL au sens de l’art. 10 LaLAT-GE, assimilable à un plan directeur au sens défini par le droit fédéral. Il acquiert ainsi force obligatoire pour les communes et le Conseil d’Etat, mais ne produit aucun effet direct à l’égard des particuliers. Ces derniers ne peuvent former aucun recours à son encontre, ni à titre principal, ni à titre préjudiciel (art. 10 al. 8 LaLAT-GE, art. 35 al. 1 LaLAT-GE a contrario ; art. 9 al. 1 LAT).
D’un point de vue matériel, le Tribunal fédéral rejette le grief de la fondation et confirme l’appréciation de la Cour de justice. Il considère d’une part que la protection juridique est en l’occurrence garantie par l’adoption subséquente d’une planification d’affectation, sous forme de PLQ PAV, imposée par les art. 2 al. 1 LGZD-GE et 3 al. 1 Loi PAV-GE et que cette procédure permettra de procéder à un contrôle préjudiciel de la planification directrice et à la pesée des intérêts exigée dans ce cadre (art. 33 al. 1 et 2 LAT, art. 35 al. 1 LaLAT-GE). Les options programmatiques du PDQ PAV pourront alors être remises en cause à ce stade. D’autre part, il confirme que le PDQ PAV ne déploie de portée contraignante qu’à l’égard des autorités et que rien ne permet en l’espèce de retenir qu’il affecte les intérêts des particuliers.
Il en résulte que le Tribunal fédéral estime que la Cour de justice a déclaré à bon droit le recours irrecevable. Il confirme en conséquence l’arrêt de cette instance et rejette le recours.
Proposition de citation : Camilla Jacquemoud, La protection juridique à l’encontre du plan directeur de quartier, in: https://lawinside.ch/439/