La conclusion subsidiaire en prolongation du bail et la « protection contre les congés » au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC
ATF 142 III 278 | TF, 14.04.16, 4A_270/2015*
Faits
Un contrat de bail entre deux sociétés prévoit un droit d’option en faveur de la locataire qui lui permet de prolonger la durée du bail. La locataire exerce son droit d’option, mais la bailleresse estime que le contrat était limité dans le temps et qu’il a pris fin avant l’exercice du droit d’option. De son côté, la locataire soutient que le contrat de bail ne se terminait pas à la suite de l’expiration d’une durée déterminée et qu’une résiliation était donc nécessaire. Dès lors, elle saisit l’autorité de conciliation pour faire constater qu’elle a correctement exercé son droit d’option de 5 ans et prend également une conclusion subsidiaire tendant à la prolongation de la durée du bail, si celui-ci avait pris fin (art. 272 CO). Les instances cantonales n’entrent pas sur le recours en argumentant que la locataire aurait dû saisir le tribunal de commerce. La locataire recourt au Tribunal fédéral en soulevant que la procédure simplifiée de l’art. 243 al. 2 lit. c CPC (protection contre les congés) s’appliquait, ce qui entraîne l’incompétence du tribunal de commerce (art. 243 al. 3 CPC).
Droit
Selon l’art. 243 al. 2 lit. c CPC, la procédure simplifiée s’applique quelle que soit la valeur litigieuse, « aux litiges portant sur des baux à loyer ou à ferme d’habitations et de locaux commerciaux et sur des baux à ferme agricoles en ce qui concerne [..] la protection contre les congés ou la prolongation du bail à loyer ou à ferme ». Le tribunal cantonal a estimé que la conclusion principale de la locataire visait l’exercice d’un droit d’option, qui ne concernait pas la protection contre les congés. Il s’agissait d’une prétention autonome basée sur le contrat et non sur la loi. La seule conclusion subsidiaire tendant à la prolongation du bail, si le contrat de bail avait pris fin à l’expiration d’une durée déterminée, ne suffisait pas pour admettre l’application de la procédure simplifiée.
La notion de « protection contre les congés » au sens de l’art. 243 al. 2 lit. c CPC se détermine selon les conclusions du demandeur. Ce terme fait référence à l’art. 271 ss CO (chapitre III du contrat de bail qui inclut l’annulabilité du congé et la prolongation). Dans un arrêt récent (ATF 139 III 457), le Tribunal fédéral a affirmé que la notion de protection contre les congés englobe également les affaires où l’autorité doit trancher à titre préjudiciel la nullité ou l’inefficacité du congé (art. 266o CO) ou même l’existence d’un contrat de bail avant de statuer sur l’annulation du congé ou une éventuelle prolongation. Tel peut être le cas lorsque le locataire estime que la résiliation est viciée formellement et donc nulle, mais qu’il invoque subsidiairement une cause d’annulabilité du congé. Dans ces situations, la prolongation de bail n’a de sens que si le congé est valable, ce que l’autorité doit établir au préalable. Partant, dans ces situations, ce n’est pas la conclusion principale qui détermine si la cause relève de la protection contre les congés, mais la conclusion subsidiaire.
En l’espèce, les parties ne s’accordent pas sur la fin du contrat qui découlerait de l’expiration d’une durée contractuelle. Ce cas de figure ne relève certes pas de la nullité du congé ou de l’existence d’un contrat. Cependant, le Tribunal fédéral estime qu’il faut traiter ces situations de la même manière lorsque le demandeur sollicite une prolongation de bail à titre subsidiaire. En effet, dans les deux cas, la prolongation du bail nécessite de trancher d’abord les questions relatives à la fin du bail. Que la fin du contrat dépende d’une résiliation ou de l’expiration d’une durée déterminée n’y change rien. Par conséquent, lorsqu’une autorité doit constater à titre préjudiciel une éventuelle fin d’un contrat liée à une durée déterminée, car le locataire prend une conclusion subsidiaire tendant à la prolongation de la durée du bail, l’affaire relève de la protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 lit. c CPC, de sorte que la procédure simplifiée s’applique.
Il s’ensuit que l’autorité précédente a violé le droit en estimant que la procédure simplifiée ne s’appliquait pas et que l’autorité de conciliation était incompétente. Dès lors, le Tribunal fédéral admet le recours.
Proposition de citation : Julien Francey, La conclusion subsidiaire en prolongation du bail et la « protection contre les congés » au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC, in: https://lawinside.ch/240/