La qualification d’un courrier en tant que décision constatatoire
Un courrier par lequel l’administration indique à des entreprises qu’elles sont soumises à une obligation de demande d’autorisation pour exercer leur activité constitue une décision constatatoire pouvant faire l’objet d’un recours.
Faits
Certaines catégories d’entreprises reçoivent, le 3 mars 2023, un courriel du chef de section du Service de l’espace public de la ville de Genève les informant de la procédure à suivre, en lien avec une plate-forme informatique, afin de réserver l’espace public dans le cadre d’occupations ponctuelles telles que des déménagements ou livraisons.
Par courrier du 11 août, quatre sociétés actives dans le domaine des vidanges et travaux annexes ont demandé au Conseil administratif de la ville de Genève de « vouloir renoncer à ce changement de pratique, consistant à requérir qu’elles déposent une demande d’autorisation d’usage accru du domaine public pour chaque intervention ou, à défaut, de bien vouloir leur notifier un acte administratif formel sujet à recours ».
Par courrier du 11 septembre 2023, la cheffe de Service de l’espace public a répondu à ces sociétés qu’elles n’étaient pas concernées par la plate-forme, les activités de vidange n’étant pas considérées comme des occupations ponctuelles, mais, qu’en revanche, leurs interventions constituaient des travaux nécessitant de requérir une demande d’autorisation d’usage accru du domaine public. Le courrier indiquait également les bases légales applicables.
Par acte du 18 octobre 2023, les sociétés ont recouru contre le courrier du 11 septembre 2023 auprès du Tribunal administratif de première instance du canton de Genève. Le Tribunal déclare le recours irrecevable, faute que le courrier ne constitue une décision attaquable. L’arrêt du Tribunal administratif est confirmé par la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève. Trois des sociétés forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si le courrier constituait une décision sujette à recours au sens du droit cantonal.
Droit
La notion de décision au sens de l’art. 4 LPA/GE correspond à la notion de décision au sens de l’art. 5 PA. La jurisprudence rendue en lien avec l’art. 5 PA est ainsi transposable à l’art. 4 LPA/GE. Pour autant, la cognition du Tribunal fédéral, dans la mesure où l’art. 4 LPA/GE constitue une norme de droit cantonal, demeure limitée à l’arbitraire (art. 9 Cst.).
Constitue une décision toute mesure que prend une autorité, dans un cas individuel et concret, en vue de produire un certain effet juridique. De simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations et des renseignements ne constituent pas des décisions, faute de caractère juridique contraignant. Seules les caractéristiques matérielles de l’acte sont pertinentes pour sa qualification. Il est donc indifférent que l’acte présente les éléments formels typiques d’une décision.
En l’espèce, et contrairement à ce qu’ont retenu les autorités cantonales, le courrier constitue une décision. Celui-ci fait suite à une demande de constatation de non-soumission à autorisation et retient que les sociétés de vidange sont soumises à une obligation de demande d’autorisation pour leur activité. Il est à cet égard indifférent que le courrier évoque la situation de toutes les sociétés de vidange active dans le canton. En effet, celui-ci apporte une réponse individuelle et non pas collective en lien avec la situation des recourantes.
De plus, les recourantes ont correctement fait valoir un intérêt à ce qu’il soit constaté qu’elles ne sont pas soumises – d’une manière générale – à autorisation. Il n’est pas exigible d’attendre d’elles qu’elles forment un recours ultérieurement, à l’occasion d’une décision statuant sur la demande d’autorisation d’usage accru du domaine public, alors qu’elles contestent précisément être tenues de demander une telle autorisation et qu’elles n’auraient pas d’intérêt à recourir si elles obtenaient l’autorisation demandée.
Partant, le Tribunal fédéral admet le recours.
Proposition de citation : Simon Pfefferlé, La qualification d’un courrier en tant que décision constatatoire, in: https://lawinside.ch/1582/