Le principe « ne bis in idem » et l’exigence de la forme écrite comme règle de validité du séquestre
L’effet du principe « ne bis in idem » d’un acquittement partiel entré en force ne se rapporte qu’aux faits concrètement concernés par l’acquittement partiel, mais pas à l’accusation portée simultanément. En outre, l’obligation du ministère public de confirmer par voie d’ordonnance écrite le séquestre ordonné oralement constitue une condition de validité au sens de l’art. 141 al. 2 CPP.
Faits
Un conducteur est soumis à un contrôle par des gardes-frontières. Dans le cadre du contrôle, les gardes-frontières trouvent dans le coffre du véhicule plusieurs boîtes contenant 175 plants de chanvre, ainsi que 0,7 gramme de marijuana dans la poche du conducteur.
Le Ministère public du canton de Saint-Gall rend une ordonnance pénale à l’encontre du conducteur pour infraction à la loi sur les stupéfiants par l’importation de plants de chanvre et de 0,7 gramme de marijuana destiné à sa consommation personnelle. Le Ministère public prononce également la confiscation et la destruction des stupéfiants séquestrés. Le conducteur fait opposition à l’ordonnance pénale.
Le Kreisgericht de Rheintal et l’Obergericht du canton de Saint-Gall acquittent le conducteur du chef d’infraction à la loi sur les stupéfiants relatif à l’importation de stupéfiants destinés à sa consommation personnelle. En revanche, ils le reconnaissent coupable au regard de l’importation des plants de chanvre. Les deux autorités prononcent également la confiscation des 175 plants de chanvre et de la marijuana en vue de leur destruction.
Le conducteur forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral.
Droit
Dans un premier moyen de droit, le recourant fait valoir une violation du principe « ne bis in idem » (art. 11 al. 1 CPP). Il soutient qu’aucune condamnation pour l’importation des plants de chanvre n’est plus possible, puisque l’importation de plants de chanvre et celle de marijuana concernent les mêmes circonstances de fait et l’acquittement en première instance du chef d’infraction à la loi sur les stupéfiants relative à l’importation de stupéfiants destinés à sa consommation personnelle a acquis force de chose jugée.
Le Tribunal fédéral commence par rappeler que les modifications du Code de procédure pénale en matière de séquestres entrées en vigueur le 1er janvier 2024 n’ont aucune incidence dans la présente affaire. En effet, la décision attaquée a été rendue le 23 août 2022, de sorte que les dispositions relatives au séquestre en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023 restent déterminantes pour l’appréciation du recours au Tribunal fédéral.
En l’espèce, le Tribunal fédéral considère que l’importation de la marijuana pour sa consommation personnelle, d’une part, et l’importation des plants de chanvre, d’autre part, ne relèvent pas des mêmes circonstances de fait. Dès lors que seule l’importation de la marijuana pour la consommation personnelle du recourant a fait l’objet d’un acquittement, l’effet du principe « ne bis in idem » est limité aux faits à l’origine de cet acquittement. Ainsi, l’instance inférieure n’a pas violé le droit fédéral en admettant l’existence de circonstances de fait distinctes et pouvant faire l’objet d’un jugement séparé. Par conséquent, le recours s’avère infondé sur ce point.
Dans un second moyen de droit, le recourant conteste le verdict de culpabilité relatif l’importation des 175 plants de chanvre en Suisse. Il fait valoir qu’il n’existe aucune preuve d’une saisie ordonnée oralement par le ministère public du canton de Saint-Gall et que, même si un ordre de saisie oral devait être admis, celui-ci n’aurait pas été confirmé ultérieurement par écrit conformément à l’art. 263 al. 2 CPP.
Le Tribunal fédéral examine si l’art. 263 al. 2 CPP doit être compris comme une règle de validité au sens de l’art. 141 al. 2 CPP ou comme une prescription d’ordre au sens de l’art. 141 al. 3 CPP. A ce titre, il rappelle que l’existence d’une disposition de validité ou d’une prescription d’ordre est déterminée en premier lieu par l’objectif de protection de la norme pour la personne concernée, à moins que la loi elle-même désigne la norme comme une disposition de validité.
Le Tribunal fédéral retient que le but de protection de l’obligation pour le ministère public de confirmer ultérieurement par écrit le séquestre ordonné oralement peut être déduit de la disposition générale relative à la communication du prononcé d’une mesure de contrainte (art. 199 CPP). Cette norme précise d’une part l’obligation de documentation applicable aux procédures pénales (art. 100 CPP) et garantit d’autre part le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Ainsi, l’ordonnance d’un séquestre au moyen d’une décision écrite et motivée constitue une condition indispensable à son examen, la confirmation écrite au sens de l’art. 263 al. 2 CPP permettant de connaître la motivation du séquestre ordonné oralement. Il découle de ce qui précède que l’obligation du ministère public de confirmer ultérieurement par écrit le séquestre ordonné oralement constitue une prescription de validité au sens de l’art. 141 al. 2 CPP.
En l’espèce, la saisie ordonnée oralement n’a pas été confirmée par écrit. Le fait que le recourant aurait pu exiger du ministère public une confirmation écrite du séquestre ordonné oralement afin de le contester par la suite n’y change rien. En effet, l’art. 263 al. 2 CPP établit une obligation pour le ministère public de confirmer ultérieurement par écrit le séquestre ordonné oralement. Cette obligation existe indépendamment du fait que la personne concernée par le séquestre exige ou non une telle confirmation écrite ultérieure.
Par conséquent, les preuves relatives aux plants de chanvre séquestrés ont été administrées en violation de règles de validité par les autorités pénales et ne sont donc pas exploitables.
Partant, le Tribunal fédéral admet partiellement le recours.
Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, Le principe « ne bis in idem » et l’exigence de la forme écrite comme règle de validité du séquestre, in: https://lawinside.ch/1501/