Les effets de l’annulation d’une naturalisation facilitée
i) L’acquisition de la nationalité suisse par l’un·e des conjoint·e·s par naturalisation ordinaire après le mariage ne permet pas à l’autre conjoint·e de bénéficier de la naturalisation facilitée (art. 21 al. 1 et 3 a contrario LN).
ii) Le ou la conjoint·e d’une personne dont la naturalisation facilitée obtenue grâce à une précédente union est annulée pour cause de fraude après le second mariage ne peut déposer une demande de naturalisation facilitée. Les conditions de l’art. 21 al. 1 LN ne sont pas remplies, la personne dont la naturalisation est annulée n’étant pas considérés comme suisse au moment du mariage.
Faits
Une ressortissante angolaise est mise au bénéfice d’une admission provisoire dès son arrivée en Suisse. Par la suite, elle épouse une personne d’origine angolaise, naturalisée par voie facilitée à la suite d’une précédente union avec une citoyenne suisse. Quatre ans plus tard, l’Office fédéral des étrangers annule la naturalisation facilitée anciennement accordée à l’époux en raison d’une acquisition frauduleuse.
L’époux obtient la nationalité suisse par la voie de la naturalisation ordinaire une quinzaine d’années plus tard. L’épouse dépose alors une demande de naturalisation facilitée. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) classe la demande et cette décision est confirmée par le Tribunal administratif fédéral (TAF).
L’intéressée interjette un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la recourante peut acquérir la nationalité suisse par la voie de la naturalisation facilitée dans une telle situation.
Droit
Le Tribunal fédéral commence par rappeler qu’à teneur de l’art. 21 al. 1 LN, quiconque possède une nationalité étrangère peut, ensuite de son mariage avec un citoyen suisse, former une demande de naturalisation facilitée s’il remplit les conditions. L’al. 3 prévoit qu’une personne de nationalité étrangère peut également déposer une demande de naturalisation facilitée si son conjoint·e acquiert la nationalité suisse après le mariage par réintégration et par naturalisation facilitée en raison d’un lien de filiation avec un parent suisse.
Le Tribunal fédéral en déduit que la naturalisation facilitée est exclue si le ou la conjoint·e acquiert la nationalité suisse après le mariage par naturalisation ordinaire (art. 21 al. 1 et 3 a contrario LN). La recourante ne peut donc pas prétendre à une naturalisation facilitée sur cette base.
Le Tribunal fédéral examine ensuite si l’époux doit être considéré comme ressortissant suisse au moment de la célébration du mariage.
Le SEM a jugé que l’époux n’avait pas la nationalité suisse au moment du mariage car la décision d’annulation avait un effet ex tunc.
Pour sa part, la recourante soutient que la décision d’annulation doit avoir un effet ex nunc afin de protéger sa bonne foi et son absence de responsabilité pour les irrégularités ayant entaché la procédure de naturalisation facilitée.
Le TAF a laissé indécise la question de l’effet rétroactif de la décision d’annulation. Il a constaté que la doctrine était divisée sur ce point. Il a néanmoins relevé que la partie de la doctrine qui se prononce en faveur d’un effet ex nunc réserve le cas où l’annulation est prononcée en raison de la mauvaise foi de l’administré. Dans cette situation, la décision a un effet ex tunc. Le TAF a jugé que tel était le cas en l’espèce. Le fait que l’époux soit redevenu suisse par la suite par voie de naturalisation ordinaire ou la bonne foi de la recourante n’y change rien.
A ce sujet, le Tribunal fédéral rappelle que, selon sa jurisprudence, les règles de la bonne foi peuvent imposer que l’on reconnaisse certains effets à une naturalisation facilitée annulée. Cela dans le but, par exemple, de ne pas péjorer de manière inadmissible la situation d’un étranger sous l’angle du droit des étrangers. Toutefois, sous réserve de circonstances particulières, une naturalisation facilitée annulée ne déploie en principe plus d’effet par la suite.
En l’espèce, même si l’annulation a été prononcée après l’union, la recourante ne peut se prévaloir de la protection de sa bonne foi, car elle a déposé sa demande après l’annulation de la naturalisation de son conjoint. De plus, elle ne peut soutenir qu’elle aurait renoncé au mariage si elle avait su que son futur époux n’était pas ressortissant suisse. Enfin, le rejet de sa demande ne péjore pas sa situation du point de vue du droit des étrangers.
A la lumière de ces éléments, le Tribunal fédéral confirme que le rejet de la demande de naturalisation facilitée et rejette le recours.
Proposition de citation : Margaux Collaud, Les effets de l’annulation d’une naturalisation facilitée, in: https://lawinside.ch/1484/