La contamination par le VIH lors d’un rapport sexuel non protégé et consenti ne constitue pas un accident (art. 4 LPGA)

TF, 03.05.2024, 8C_348/2023*

Sous l’angle des assurances sociales, la contamination par le VIH lors d’un rapport sexuel non protégé et consenti ne constitue pas un accident.

Faits

En mars 2011, une femme découvre qu’elle est porteuse du VIH. Elle effectue une annonce auprès de son assurance-accidents afin de pouvoir bénéficier de ses prestations.

L’assurance refuse de verser des prestations, au motif qu’il n’y a pas d’accident et qu’il n’est pas non plus possible de déterminer si l’infection au VIH a eu lieu avant le début de la couverture d’assurance, en mai 2008. Sur opposition de l’assurée, elle maintient cette décision.

Le Kantonsgericht de Bâle-Campagne rejette le recours formé par l’assurée. Par la voie d’un recours en matière de droit public, l’assurée saisit le Tribunal fédéral, lequel doit en particulier se prononcer sur la qualité d’accident ou non de l’infection au VIH dans le cas d’espèce, soit un rapport sexuel non protégé et consenti.

Droit

Selon l’art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

Si l’un de ces éléments fait défaut, l’atteinte à la santé causée par l’événement doit, le cas échéant, être qualifiée de maladie (cf. art. 3 al. 1 LPGA). L’assurance-maladie sera alors compétente pour ces cas et non l’assurance-accidents.

Le Tribunal fédéral rappelle que la cause extérieure est la caractéristique centrale de tout accident. Pour qu’elle soit extraordinaire, la jurisprudence précise qu’il faut que, selon des critères objectifs, la cause extérieure ne se situe pas dans le cadre de ce qui est quotidien et habituel pour le domaine de vie concerné. En revanche, il importe peu que l’effet soit extraordinaire.

Une atteinte à la santé causée par une infection est en principe une maladie. Selon la jurisprudence, l’hypothèse d’une origine accidentelle d’une infection présuppose la présence d’une plaie au moment de l’infection alléguée. Il ne suffit pas que les agents pathogènes pénètrent dans le corps par des éraflures ou des égratignures insignifiantes, comme elles se produisent quotidiennement.

La pénétration doit plutôt avoir lieu dans le cadre d’une blessure proprement dite, ou, tout au moins, dans des circonstances qui constituent un fait accidentel typique et qui peuvent être reconnues comme tel. En revanche, si des agents pathogènes pénètrent à l’intérieur du corps d’une manière typique de la maladie en question, l’infection est considérée comme une maladie.

Ainsi, jusqu’à présent, dans le cadre d’une infection au VIH, la jurisprudence a admis que constituait un accident une infection provoquée par la manipulation d’une seringue contaminée (ATF 129 V 402, c. 4.2).

En l’espèce, la recourante a entretenu une relation avec un partenaire déterminé entre 2002 et 2013. À la suite de leur séparation, elle a déposé une plainte pénale contre celui-ci, qui a été reconnu coupable de lésions corporelles graves à son encontre. Il lui avait en effet caché sa séropositivité pendant plus de trois ans et avait continué à entretenir avec elle des rapports sexuels non protégés.

Selon le Kantonsgericht, le critère de la cause extérieure et extraordinaire n’était pas rempli en l’espèce. En effet, contrairement à un viol, le caractère extraordinaire n’est en principe pas donné dans le cas de rapports sexuels consentis, qui sont habituels. En effet, l’agent pathogène n’a pas pénétré dans le corps de la recourante de manière atypique. Le Kantonsgericht n’a pas non plus suivi l’argumentation de la recourante selon laquelle l’on ne pouvait pas considérer qu’il y avait eu consentement de sa part en raison d’une erreur sur les circonstances concrètes. La qualification pénale du comportement de l’ancien partenaire de la recourante n’est pas pertinente.

Pour le Tribunal fédéral, cette appréciation est conforme au droit fédéral. En particulier, comme l’a correctement retenu le Kantonsgericht, seul le rapport sexuel non protégé en tant que tel est déterminant pour déterminer si la cause extérieure était extraordinaire, et non les circonstances qui ont conduit à celui-ci.

Le Tribunal fédéral laisse donc indécise la question de savoir si l’atteinte en question était ou non soudaine et rejette le recours.

Proposition de citation : Camille de Salis, La contamination par le VIH lors d’un rapport sexuel non protégé et consenti ne constitue pas un accident (art. 4 LPGA), in: https://lawinside.ch/1442/