Publications par Sébastien Picard

La qualification d’un vol d’importance mineure (art. 172ter CP)

TF, 08.07.2025, 6B_1013/2024

La limite de CHF 300 pour qualifier un vol d’importance mineure reste valable indépendamment de l’évolution de l’indice national des prix à la consommation (IPC).

Faits

Le Tribunal de police de la République et canton de Genève, puis la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de Justice, condamnent un prévenu pour avoir volé à cinq reprises des bouteilles d’alcool dans divers commerces. À l’exception d’un vol d’une valeur totale de CHF 316.95, les autres ont une valeur inférieure à CHF 300.

Le prévenu interjette recours au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur la qualification d’un vol d’importance mineure au sens de l’art. 172ter CP.

Droit

L’art. 172ter al. 1 CP prévoit que si l’acte ne vise qu’un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance, l’auteur est, sur plainte, puni d’une amende. De jurisprudence constante, pour la première fois dans l’ATF 121 IV 261 datant de 1995, le Tribunal fédéral considère qu’un élément patrimonial est de faible valeur si sa valeur ne dépasse pas CHF 300. Il s’agit d’une limite objective qui s’applique de manière générale et uniforme. Bien que ce critère objectif et chiffré contienne nécessairement une part d’arbitraire, il est justifié par l’égalité devant la loi et une application uniforme de celle-ci.… Lire la suite

L’autorité compétente pour contrôler les prononcés du TMC

TF, 07.07.2025, 7B_454/2025*

Le nouvel art. 393 al. 1 let. c CPP prévoit que le recours auprès de l’autorité de recours cantonale ou de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est désormais ouvert contre les prononcés du TMC. Sont exceptés les cas dans lesquels ces décisions sont qualifiées de définitives.

Faits

Le Tribunal cantonal des mesures de contrainte (TMC) du canton de Berne refuse d’autoriser une mesure de surveillance téléphonique. Le Ministère public interjette recours contre cette décision auprès de la Chambre de recours pénale de la Cour suprême du canton de Berne. Celle-ci s’estime incompétente et considère que seul le recours direct au Tribunal fédéral est ouvert. Ce dernier est amené à déterminer si la jurisprudence antérieure à la révision de l’art. 393 al. 1 let. c CPP reste applicable.

Droit

Jusqu’au 30 juin 2024, les art. 393 al. 1 let. c et 20 al. 1 lit. c aCPP prévoyaient qu’un recours cantonal contre les décisions du TMC était ouvert uniquement lorsqu’une telle voie de droit était spécifiquement prévue par le CPP. Dans l’ATF 137 IV 340, le Tribunal fédéral avait ainsi jugé que le TMC constituait une instance unique en matière de refus d’autorisation de surveillance (art.Lire la suite

La preuve des dommages-intérêts forfaitaires (liquidated damages) en droit suisse

TF, 28.04.2025, 4A_526/2024

Les parties sont libres de régler contractuellement le fardeau de la preuve. Ces dernières peuvent déroger au principe de l’art. 8 CC et dispenser le créancier de prouver l’existence du dommage. Dans un tel cas, le débiteur doit avoir la possibilité d’apporter la preuve de l’absence de dommage. 

Faits 

Deux sociétés concluent un Master Supply Agreement portant sur la vente et la livraison de piles pour appareils auditifs. Ce contrat ne contient aucune quantité minimale de commande, mais prévoit un accord de fourniture exclusive entre les sociétés et une clause de liquidated damages en cas de violation du contrat. Cette clause de forfaitisation dispense les parties de prouver l’étendue du dommage et prévoit une méthode de calcul spécifique afin de calculer l’indemnisation due. 

Plusieurs années après la conclusion du contrat, la société acheteuse réduit ses commandes, puis cesse de s’approvisionner auprès de la société vendeuse, pour s’approvisionner auprès d’une autre société. La société vendeuse estime ainsi que la société acheteuse viole le contrat et réclame les liquidated damages auprès du Handelsgericht de Zurich pour un montant de USD 14’885’536.86 avec intérêts. Le Handelsgericht admet la requête à hauteur de USD 10’963’160.12 avec intérêts. 

La société acheteuse interjette recours au Tribunal fédéral, lequel est amené à se déterminer sur la place des liquidated damages en droit suisse ainsi que sur l’allègement prévu contractuellement du fardeau de la preuve quant à l’existence du dommage. Lire la suite

La qualification comme salaire d’une rémunération dont le montant est fixé à l’avance

TF, 19.02.2025, 4A_506/2023

Une rémunération dont le montant est fixé à l’avance, payable à des échéances déterminées et indépendante de l’appréciation de l’employeur doit être qualifiée de salaire. Pour cette raison, une clause subordonnant le paiement du salaire à la condition que le travailleur soit encore employé à une certaine date est illicite et nulle (art. 20 CO).

Faits

Le 2 septembre 2019, une société engage un travailleur pour un salaire annuel de CHF 448’800. Le contrat prévoit également un bonus discrétionnaire ainsi qu’une indemnité de compensation pour des actions restreintes (Restricted Stock Units ou RSU) non perçues dans son précédent emploi. Cette indemnité de CHF 700’000 est payable en trois tranches égales : la première à l’engagement, la deuxième après 12 mois de service et la troisième après 24 mois de service.

Moins d’une année après l’engagement du travailleur, la société doit licencier collectivement tous ses employés en raison de la dégradation de sa situation financière. Le contrat du travailleur est ainsi résilié au 31 août 2020. Dans ce cadre, la société propose de lui verser un montant comprenant le paiement de la deuxième tranche des RSU. Le travailleur conteste ce montant et réclame également le paiement de la troisième tranche.… Lire la suite

Copie par l’autorité de poursuite de données visées par une demande de mise sous scellés : précision de jurisprudence

TF, 03.04.2025, 7B_515/2024*

L’autorité de poursuite pénale peut copier des données visées par une demande de mise sous scellés, lorsque cette mesure est nécessaire pour l’apposition des scellés et pour la transmission des données à l’autorité compétente chargée de se prononcer sur leur levée.

Faits

Dans le cadre d’une procédure pénale pour soustraction d’impôt (art. 175 ss LIFD), l’Administration fédérale des contributions (AFC) requiert d’une banque la remise de documents concernant une société. Une société tierce, également touchée par cette requête, s’oppose à cette décision et demande la mise sous scellés des données concernées. Deux jours plus tard, la banque transmet les documents par voie électronique à l’AFC, qui les copie sur une clé USB.

Suite à un premier arrêt du Tribunal fédéral ayant ordonné à l’AFC d’engager une procédure formelle de levée des scellés (TF, 28.09.2023, 7B_97/2022), celle-ci forme une demande dans ce sens auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, qui la rejette. L’AFC forme alors un recours devant le Tribunal fédéral, lequel est appelé à clarifier le régime applicable à la copie de données dans le cadre de leur mise sous scellés.

Droit

L’AFC soutient que l’instance précédente a appliqué de manière trop stricte l’ATF 148 IV 221 (résumé in : LawInside.ch/1221Lire la suite