La mise sous scellés d’un smartphone suite à sa fouille complète (art. 248 cum 264 CPP)

TF, 25.03.2025, 7B_145/2025*

Bien qu’une fouille complète d’un smartphone porte en général atteinte aux documents personnels et à la correspondance du prévenu au sens de l’art. 264 al. 1 let. b CPP, il faut encore que le prévenu démontre que l’intérêt à la protection de sa personnalité prime celui de la poursuite pénale pour qu’il obtienne une mise sous scellés (art. 248 CPP).

Faits

Le Ministère public zurichois suspecte un prévenu d’avoir importé plus de 7 kilogrammes de cocaïne en Suisse. Au cours d’un contrôle, la police saisit la cocaïne ainsi que le téléphone portable du prévenu. Ce dernier requiert alors la mise sous scellés de son portable.

Le Ministère public zurichois forme une demande de levée des scellés sur le téléphone portable afin de pouvoir le fouiller. Le Tribunal des mesures de contrainte de Zurich admet la demande. Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, lequel est en particulier amené à déterminer si le contenu d’un téléphone portable est couvert par l’art. 264 CPP al. 1 let. b CPP et si la protection de la personnalité doit l’emporter sur l’intérêt à la poursuite pénale dans le cas concret.

Droit

Le prévenu qui invoque que l’un des motifs de l’art. 264 CPP est réalisé peut obtenir la mise sous scellés (art. 248 al. 1 CPP). Durant la procédure préliminaire, la levée des scellés peut être demandée dans les 20 jours par l’autorité pénale (art. 248 al. 3 CPP). La décision de levée des scellés étant incidente, elle ne peut être attaquée devant le Tribunal fédéral qu’à des conditions restrictives, en particulier lorsque le recourant peut se prévaloir d’un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF).

Selon l’art. 264 al. 1 let. b CPP, les documents personnels et la correspondance du prévenu ne peuvent être séquestrés lorsque l’intérêt à la protection de la personnalité prime l’intérêt à la poursuite pénale. En l’espèce, le prévenu allègue que son téléphone portable contient des photos et des vidéos intimes de sa compagne et lui. Il fait valoir que la levée les scellés et la consultation de ces documents intimes lui causerait une atteinte à sa personnalité et un préjudice irréparable.

L’art. 264 al. 1 let. b CPP ne consacre pas un droit absolu au secret. Il faut procéder à une pesée des intérêts pour trancher si l’intérêt à la poursuite pénale ou le droit à la protection de la personnalité prime. Par le passé, le Tribunal fédéral a jugé que la simple référence à de la correspondance privée ou à des photos ne suffisait pas à fonder un intérêt digne de protection (art. 248 al. 1 CPP) ni un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF ; TF, 29.11.2023, 7B_123/2023, consid. 3.1 ; 31.08.2023, 7B_292/2023, consid. 2.1).

Les notions de « documents personnels » et de « correspondance du prévenu » comprennent tout document qui touche à la sphère intime du prévenu. En raison de l’évolution technique qu’ils ont connue, les smartphones disposent désormais d’une immense capacité de stockage et combinent de nombreuses fonctionnalités, telles qu’un téléphone, un ordinateur, un appareil photo, une caméra ou encore des systèmes de paiement. Il est donc notoire que les smartphones contiennent généralement une multitude de données sensibles qui touchent à la sphère intime de leur propriétaire. En conséquence, on peut partir du principe qu’une fouille complète d’un smartphone porte atteinte aux documents personnels et à la correspondance du prévenu au sens de l’art. 264 al. 1 let. b CPP.

Toutefois, pour se prévaloir de l’art. 264 al. 1 let. b CPP, il faut encore que l’intérêt à la protection de la personnalité prime celui de la poursuite pénale. Tel n’est pas le cas en l’espèce. En particulier, la gravité des soupçons – qui portent sur l’importation de 7,18 kg de cocaïne en Suisse – permet de faire primer sans autre l’intérêt public à élucider l’infraction. Dès lors, il n’existe pas non plus de préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF.

Partant, le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable.

Note 

Il s’agit déjà du troisième arrêt destiné à publication qui concerne la levée des scellés sous l’empire du nouveau libellé de l’art. 248 CPP, en vigueur depuis le 1er janvier 2024, et notamment son renvoi à l’art. 264 CPP.

Les deux premières jurisprudences avaient successivement examiné la possibilité d’invoquer le secret professionnel de l’avocat, le secret d’affaires et le secret bancaire pour se prévaloir de l’art. 264 al. 1 let. a et c CPP (ATF 151 IV 30, résumé in : LawInside.ch/1528/), puis exclu tous les « autres secrets » de l’art. 173 al. 2 CPP des motifs permettant d’obtenir une mise sous scellés (TF, 15.11.2024, 7B_950/2024, 7B_976/2024*, résumé in : LawInside.ch/1532/).

Le Tribunal fédéral indique ici que les smartphones, en raison de l’évolution technologique et des habitudes d’utilisation, contiennent désormais généralement des informations sensibles touchant à la sphère intime. Ainsi, il considère que, par principe, la fouille d’un smartphone concerne les « documents personnels et la correspondance du prévenu » au sens de l’art. 264 al. 1 let. b CPP.

En revanche, une pesée entre l’intérêt à la protection de la personnalité et l’intérêt à la poursuite pénale doit être effectuée dans chaque cas. Dans le cadre d’une procédure portant sur une infraction grave à la LStup, le Tribunal fédéral semble considérer que l’intérêt à la poursuite pénale devrait largement l’emporter.

Proposition de citation : Arnaud Lambelet, La mise sous scellés d’un smartphone suite à sa fouille complète (art. 248 cum 264 CPP), in: https://lawinside.ch/1609/