Les newsletters et le respect de l’art. 12 lit. d LLCA
L’envoi indifférencié de newsletters aux clients actuels et passés d’une étude, sans leur consentement et sans tenir compte des domaines pour lesquels ils s’étaient adressés à l’étude, ne remplit pas le critère d’intérêt général prévu à l’art. 12 lit. d LLCA.
Faits
Une étude d’avocat·es et de notaires envoie à deux reprises à une société une newsletter présentant des développements législatifs et jurisprudentiels récents, sans l’avoir contactée auparavant à ce sujet. L’avocat de la société saisit l’Ordre des avocats du canton du Tessin afin de l’interroger sur la compatibilité de cette démarche avec les règles professionnelles.
À la suite de l’ouverture d’une procédure disciplinaire, l’Ordre des avocats condamne quatre avocat·es de l’étude susmentionnée à une amende disciplinaire de CHF 600 chacun·e pour violation de l’art. 12 lit. d LLCA. Saisi d’un recours, le Tribunale amministrativo tessinois annule et réforme cette décision, en ce sens que les avocat·es concerné·es ne font l’objet que d’un avertissement.
Les avocat·es exercent un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur la compatibilité des faits reprochés avec l’art. 12 lit. d LLCA.
Droit
Aux termes de l’art. 12 lit. d LLCA, l’avocat·e peut faire de la publicité, pour autant que celle-ci se limite à des faits objectifs et qu’elle satisfasse à l’intérêt général.
Le critère de l’objectivité au sens de la LLCA impose une certaine retenue, tant dans le fond que la forme et les méthodes de la publicité, qui doit avoir un caractère informatif et ne pas recourir à des procédés sensationnalistes, excessifs ou disproportionnés.
S’agissant du critère d’intérêt général, il comprend essentiellement les informations relatives à l’étude d’avocat·es, ses domaines d’activités, ses coordonnées ainsi que certaines informations complémentaires, notamment selon si l’étude pratique le conseil et/ou la représentation devant les tribunaux.
En l’espèce, c’est ce second critère qui est débattu. En effet, le Tribunal fédéral n’a jamais eu à se prononcer sur la notion de satisfaction à l’intérêt général s’agissant de l’envoi de ce genre de newsletters informatives par des avocat·es, et notamment concernant ses destinataires.
Si une partie de la doctrine considère que les envois individualisés – c’est-à-dire les envois de tels documents aux clients actuels pour lesquels le contenu pourrait être intéressant ou qui en auraient fait la demande – sont admissibles, alors que les envois généralisés ne le sont pas, une autre partie de la doctrine est d’avis que les envois généralisés devraient être admissibles. En tout état de cause, ces envois ne doivent pas être de nature à importuner les destinataires, notamment en raison de leur fréquence, de leur caractère intrusif ou de leur contenu.
En l’espèce, les newsletters traitaient de sujets disparates et avaient été envoyées indistinctement à tous les clients de l’étude, actuels et passés, sans que leur consentement n’ait été sollicité. Pour l’instance inférieure, un tel envoi généralisé à l’ensemble de la clientèle, dont une partie s’était forcément adressée à l’étude pour des sujets autres que ceux figurant dans les newsletters et sans avoir consenti à les recevoir, ne remplit pas les conditions de l’art. 12 lit. d LLCA.
Pour le Tribunal fédéral, cette analyse ne prête pas le flanc à la critique. Il souligne à nouveau que les destinataires des newsletters n’avaient manifesté ni leur intérêt ni leur consentement à les recevoir et que les sujets traités ne relevaient pas nécessairement des domaines pour lesquels ils s’étaient adressés à l’étude. Une telle publicité ne satisfait donc pas à l’intérêt général et constitue une violation de l’art. 12 lit. d LLCA.
Par ailleurs, parmi le catalogue de sanctions prévues à l’art. 17 al. 1 LLCA, l’avertissement paraît conforme au principe de la proportionnalité. Partant, le Tribunal rejette le recours.
Note
Le Tribunal fédéral relève également dans cet arrêt, rendu après l’entrée en vigueur du nouveau Code suisse de déontologie, que l’ancien art. 16 et l’actuel art. 25 prévoient en substance la même chose, à savoir que la publicité de l’avocat·e doit être véridique et en rapport objectif avec son activité professionnelle.
La jurisprudence qui s’appuyait sur l’ancien art. 16 du Code suisse de déontologie est donc toujours d’actualité.
Proposition de citation : Camille de Salis, Les newsletters et le respect de l’art. 12 lit. d LLCA, in: https://lawinside.ch/1393/