Le délai raté en raison du dysfonctionnement de l’automate « My Post 24 »
Un recourant qui, par le biais de son avocat, dépose une plainte le dernier jour du délai via un automate « My Post 24 », mais qui, au moment du dépôt du colis contenant la plainte, voit l’automate subir un dysfonctionnement et, par conséquent, ne pas délivrer une quittance permettant de prouver le dépôt du colis à temps, doit agir dès que possible (en l’espèce, le lendemain) auprès de l’autorité compétente pour apporter la preuve du dépôt de la plainte à temps, notamment à l’aide d’un témoin, ou demander une restitution de délai.
Faits
Une Etude d’avocats est chargée de déposer une plainte au nom de son client à l’encontre d’un procès-verbal de séquestre, reçu le 14 juin 2018, que son client avait requis. L’avocate-stagiaire de l’Etude en cause se rend à un automate « My Post 24 » à Genève le 25 juin 2018 à 23h30, soit au dernier des 10 jours de délai pour déposer une plainte, et dépose le colis contenant la plainte dans la case sélectionnée et referme la porte de celle-ci. L’automate ne confirme pas la prise en charge du colis et se réinitialise sans délivrer de quittance. Un témoin est présent et est en mesure de confirmer ce fait. Une heure plus tard, l’avocate-stagiaire adresse un email à La Poste afin d’obtenir confirmation de l’envoi, malgré l’absence de quittance. Le 27 juin 2018, l’avocate-stagiaire consulte le « Track & Trace » relatif à son envoi, sur lequel figure la mention « recherche déclenchée » pour le colis déposé. Le 5 juillet 2018, La Poste indique à l’Etude que l’envoi était perdu. L’Etude redépose la plainte le 10 juillet 2018 et demande à ce que sa plainte soit considérée comme déposée en temps utile ou, subsidiairement, requiert l’octroi d’un nouveau délai de plainte de 10 jours en considérant avoir été empêchée d’agir dans les délais sans faute.
La Chambre de surveillance rejette la requête de restitution et déclare la plainte irrecevable pour cause de tardiveté. Contre cette décision, le client forme un recours auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la question de savoir si on peut considérer que la plainte a été déposée en temps utile ou, à défaut, si les conditions pour une restitution de délai sont réunies.
Droit
En vertu de l’art. 143 al. 1 CPC, les actes doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai soit au tribunal soit à l’attention de ce dernier, à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse. Le délai est sauvegardé si l’acte est remis le dernier jour du délai à minuit. Il appartient à celui qui dépose l’acte d’apporter la preuve du respect du délai en cas de doute. Le degré de preuve requis est celui de la preuve stricte. La vraisemblance, même prépondérante, ne suffit pas. La preuve est généralement apportée par des moyens préconstitués, tels que le sceau postal ou le récépissé d’envoi recommandé. D’autres modes de preuves sont toutefois possibles, en particulier l’attestation de la date de l’envoi par un ou plusieurs témoins mentionnés sur l’enveloppe. Le Tribunal fédéral considère qu’il y a lieu d’assimiler l’automate « My Post 24 » à un bureau de poste suisse au sens de l’art. 143 al. 1 CPC.
Le Tribunal fédéral constate le dysfonctionnement de l’automate « My Post 24 » au moment où l’avocate-stagiaire a déposé la plainte. Par conséquent, et dès lors que l’avocate-stagiaire n’a pas reçu de quittance de l’automate, le recourant n’était pas en mesure d’apporter une preuve préconstituée du dépôt dans les délais de la plainte. Le recourant pouvait toutefois apporter une preuve du respect du délai par le biais d’un témoin, notamment en fournissant le nom et l’identité du témoin au tribunal, ce que le recourant a fait dans sa plainte du 10 juillet 2018. Néanmoins, le Tribunal fédéral considère qu’on pouvait raisonnablement attendre du recourant, représenté par une Etude d’avocats, qu’il s’adresse dès le lendemain, soit le 26 juin 2018, à la Chambre de surveillance pour apporter la preuve du dépôt à temps de la plainte, à l’aide du témoin. En attendant le 10 juillet 2018 pour apporter ces éléments, le recourant était tardif, de sorte que la Chambre de surveillance n’a pas violé l’art. 143 al. 1 CPC en considérant que le recourant n’avait pas prouvé avoir déposé sa plainte à temps.
Reste donc la question de savoir si le recourant peut obtenir une restitution de délai sur la base de l’art. 33 al. 4 LP, qui constitue une lex specialis par rapport à l’art. 148 CPC. En vertu de l’art. 33 al. 4 LP, quiconque a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé peut demander à l’autorité de surveillance ou à l’autorité judiciaire compétente qu’elle lui restitue le délai. L’intéressé doit, à compter de la fin de l’empêchement, déposer une requête motivée dans un délai égal au délai échu et accomplir auprès de l’autorité compétente l’acte juridique omis. La restitution de délai ne peut être accordée que si l’empêchement n’est entaché d’aucune faute. Le dies a quo du délai pour déposer la requête motivée de restitution est celui où cesse l’empêchement et non celui où l’intéressé reçoit la décision d’irrecevabilité de l’acte de procédure accompli après l’expiration du délai initial.
En l’espèce, le Tribunal fédéral constate que le recourant a effectué dès le 26 juin 2018 des démarches auprès de La Poste afin de déterminer si l’envoi du colis avait été correctement exécuté, mais qu’il a attendu jusqu’au 10 juillet 2018 avant de faire une requête de restitution de délai. Représenté par un avocat, il aurait dû saisir le premier moment utile, à savoir le 26 juin 2018, pour agir devant la Chambre de surveillance et, notamment, requérir l’audition de son témoin. La Chambre de surveillance a donc eu raison de refuser de restituer le délai.
Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours du client.
Proposition de citation : Alborz Tolou, Le délai raté en raison du dysfonctionnement de l’automate « My Post 24 », in: https://lawinside.ch/736/
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