La représentation d’une société en procédure de conciliation
ATF 141 III 159 | TF, 17.04.2015, 4A_530/2014*
Faits
Une société exploitant un manège (locataire) conclut avec un homme un contrat de bail à ferme portant sur des terrains pour herbage. L’ex-femme de l’homme (bailleur), qui a reçu les terrains dans la procédure de divorce, souhaite vendre les terrains et résilie le bail. Une dispute nait au sujet de la validité de cette résiliation. Le locataire dépose une requête de conciliation auprès de la justice de paix. Lors de la séance de conciliation, la société locataire, à laquelle l’autorisation de procéder sera délivrée, est représentée par la mère de l’unique membre du conseil d’administration.
Par la suite, la société ouvre alors action devant le Bezirksgericht en concluant à ce que la nullité de la résiliation soit constatée. Le bailleur, quant à lui, conteste la validité de l’autorisation de procéder au motif que la société n’a pas été valablement représentée par la mère du membre du conseil d’administration et estime qu’en application de l’art. 206 al. 1 CPC l’affaire, devenue sans objet, doit être radiée du rôle. Le Bezirksgericht admet la validité de l’autorisation de procéder et déclare nulle la résiliation. Le Tribunal cantonal bâlois confirme cette décision en retenant que la mère du seul membre du conseil d’administration pouvait agir en sa qualité d’organe de fait.
Le bailleur, tout en persistant dans ses conclusions, saisit le Tribunal fédéral d’un recours en matière civile.
Il se pose la question de savoir si un organe de fait peut représenter une société en procédure de conciliation.
Droit
Le Tribunal fédéral commence par rappeler que l’art. 204 al. 1 CPC dispose que les parties doivent comparaître « en personne » à l’audience de conciliation. Cette obligation vaut également pour les personnes morales, qui doivent être représentées par un organe ou à tout le moins par un mandataire commercial expressément autorisé à mener le procès. Un organe de fait est une personne qui prend des décisions ordinairement du ressort des organes légaux et statutaires (organes formels) et qui a ainsi une influence déterminante sur le processus de décision de la société.
La doctrine est partagée quant à savoir si la figure de l’organe de fait sert seulement à imputer la responsabilité des actes de personnes qui interviennent dans la gestion de la société ou bien si l’organe de fait peut également engager la société de manière active. Le Tribunal fédéral, après avoir passé en revue les cas où il a appliqué cette figure, laisse la question ouverte.
Selon lui, le contexte procédural particulier doit être pris en compte : le défaut d’une partie dans la procédure de conciliation peut avoir des conséquences graves pour la suite du litige (cf. art. 206 al. 1 CPC). Afin de déterminer si les conditions de l’art. 204 al. 1 CPC sont remplies, l’autorité doit agir vite et se baser sur les documents qui lui sont soumis. Or, permettre aux organes de fait de représenter une société en procédure de conciliation requerrait dans chaque cas des vérifications qui ne sont pas adaptées à ce type de procédure.
Ainsi, seulement les organes (formels et matériels), les fondés de procuration (inscrits au registre du commerce) et les autres mandataires commerciaux autorisés à agir en justice dans chaque affaire spécifiquement (cf. art. 462 al. 2 CO) peuvent représenter une société en procédure de conciliation.
En l’espèce, la mère du membre du conseil d’administration a activement participé à la gestion de la société. Des indices – insuffisants – montrent qu’elle pourrait également être mandataire commerciale au sens de l’art. 462 CO. L’affaire est renvoyée à l’instance précédente pour qu’elle complète les faits. Quoi qu’il en soit, si elle a uniquement agi en tant qu’organe de fait, elle n’a pu valablement représenter la société en conciliation de sorte que l’autorisation de procéder n’est pas valable.
Note : Dans l’ATF 141 III 80, le Tribunal fédéral avait déjà précisé les personnes qui peuvent activement agir pour le compte d’une société (y compris devant un tribunal) : les membres du conseil d’administration (art. 718 al. 1 CO), les directeurs ou autres personnes auxquelles la représentation a été déléguée en application de l’art. 718 al. 2 CO ainsi que les fondés de procuration (art. 458 CO) et autres mandataires commerciaux (art. 462 CO). En cela, l’arrêt ici présenté ne fait que concrétiser le principe posé par le Tribunal fédéral dans ce dernier arrêt, soit que les organes de fait.
Proposition de citation : Simone Schürch, La représentation d’une société en procédure de conciliation, in: https://lawinside.ch/37/
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