Le séquestre d’un brevet d’invention
ATF 142 III 348 | TF, 13.05.16, 5A_652/2015*
Faits
Une ordonnance de séquestre rendue en 2015 prévoit le séquestre en faveur de la Confédération de deux brevets d’invention du débiteur ainsi que tous les droits et les prétentions qui en découlent. L’office des poursuites constate dans le procès-verbal de séquestre que la protection des deux brevets était échue depuis 2012, de sorte que le séquestre s’avère inutile. Partant, il classe la procédure de séquestre. La Confédération dépose plainte à l’autorité de surveillance qui la rejette. La Confédération saisit alors le Tribunal fédéral qui doit déterminer dans quelle mesure un créancier peut exiger le séquestre d’un brevet d’invention éteint.
Droit
Selon la jurisprudence, un office des poursuites doit exécuter une ordonnance de séquestre sans remettre en cause sa validité matérielle. L’office ne peut refuser l’exécution que dans des cas de nullité manifeste, notamment en cas d’incompétence territoriale ou si l’ordonnance de séquestre porte sur un objet inexistant ou insuffisamment spécifié. Le Tribunal fédéral doit donc examiner si ces exceptions sont remplies en l’espèce, dans la mesure où l’office des poursuites a exclu le séquestre des deux patentes.
Un brevet protège une invention nouvelle et octroie un droit de propriété immatérielle à son titulaire. Ce droit est transmissible, saisissable et peut faire l’objet d’un séquestre. Il est cependant limité dans le temps, car la protection d’un brevet s’éteint après 20 ans (art. 14 LBI). Après cette durée, le titulaire ne possède plus de droit exclusif sur son invention qui tombe alors dans le domaine public. Il s’ensuit que le brevet ne fait plus partie des droits patrimoniaux du débiteur et ne peut donc plus faire l’objet d’un séquestre. Dans le cas présent, l’autorité précédente a constaté que la protection des deux brevets s’éteignait en 2012. Partant, l’ordonnance de séquestre rendue en 2015 portait sur des objets inexistants.
La Confédération prétend cependant que l’office aurait pu séquestrer les créances en dommages-intérêts nées avant la fin de la protection du brevet. Une créance en dommages-intérêts constitue une prétention indépendante et ne fait pas partie, en tant que telle, des droits du brevet (distinguer avec les Stammrechte). Partant, elle n’est pas automatiquement incluse dans le séquestre d’un brevet. En l’espèce, la désignation des objets du séquestre par les termes « les patentes ainsi que tous les droits et les prétentions qui en découlent » n’englobent pas spécifiquement les créances en dommages-intérêts. En outre, le débiteur d’une telle créance n’est pas mentionné. Partant, c’est à bon droit que l’office a refusé le séquestre des créances en dommages-intérêts, faute de spécification suffisante.
Le Tribunal fédéral rejette donc le recours.
Proposition de citation : Julien Francey, Le séquestre d’un brevet d’invention, in: https://lawinside.ch/265/