La décision d’assouplissement dans le cadre d’une exécution anticipée de peine ou de mesure (art. 236 CPP)

TF, 27.01.2025, 7B_1075/2024*

Les autorités cantonales d’exécution, et non la direction de la procédure, sont seules compétentes pour accorder des assouplissements en cas d’exécution anticipée de peine ou de mesure. La jurisprudence relative à l’art. 236 CPP, établie sous l’ancien droit, est désormais inapplicable.

Faits

En juin 2023, le Bezirksgericht de Bülach condamne un prévenu à une peine privative de liberté de 64 mois, ainsi qu’à une expulsion d’une durée de 14 ans. En détention provisoire depuis le 5 janvier 2022 et au bénéfice d’une exécution anticipée de peine depuis le 28 juin 2022, le condamné interjette recours contre cette décision auprès de l’Obergericht du canton de Zurich. En août 2024, il demande au Bewährungs- und Vollzugdienste des Amtes für Justizvollzug und Wiedereingliederung du Canton de Zurich (le « Service »), qui est l’autorité cantonale d’exécution, un assouplissement de son exécution sous forme d’un congé relationnel accompagné. Après avoir procédé à une évaluation, le Service transmet la demande ainsi que son appréciation à l’Obergericht, en sa qualité de direction de la procédure. Par ordonnance présidentielle, l’Obergericht déclare la demande irrecevable, estimant que la compétence pour se prononcer sur cette question relève exclusivement du Service.

Le prévenu forme recours contre l’ordonnance auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer quelle est l’autorité compétente pour décider de l’assouplissement de l’exécution dans le cadre de l’exécution anticipée de peine ou de mesure.

Droit

Le nouvel art. 236 al. 1 et 4 CPP est en vigueur depuis le 1er janvier 2024. L’art. 236 al. 1 CPP prévoit désormais que l’exécution anticipée d’une peine ou d’une mesure ne peut être accordée par la direction de la procédure qu’à la condition supplémentaire que le but pour lequel la détention a été ordonnée dans le cadre de la procédure pénale ne s’oppose pas à l’exécution anticipée. En outre, l’art. 236 al. 4 CPP prévoit que dès son entrée dans l’établissement d’exécution, l’exécution de la peine ou de la mesure commence et que le prévenu est soumis au régime de l’exécution. Cette modification vise à éviter la coexistence de différents régimes d’exécution, ce que permettait l’ancien droit. Désormais, les prévenus en exécution anticipée de peine en raison d’un risque de fuite, de collusion, de récidive ou de passage à l’acte sont soumis aux mêmes règles de congé que les condamnés en exécution ordinaire de peine.

Dans sa jurisprudence relative à l’ancien art. 236 CPP, le Tribunal fédéral considérait que la direction de la procédure était compétente pour décider dans quelle mesure le but de la détention pouvait être compromis par l’octroi d’une exécution anticipée de peine ou de mesure. La décision d’accorder un congé pendant la détention pénale relevait donc, même en cas d’exécution anticipée, de la compétence de la direction de la procédure.

En l’espèce, le Tribunal fédéral estime que la révision de l’art. 236 CPP rend obsolète cette jurisprudence. Désormais, la direction de la procédure examine déjà, en accordant l’exécution anticipée, la compatibilité avec le but de la détention. Elle n’a donc plus de raison d’examiner à nouveau cette compatibilité à l’occasion d’un assouplissement ultérieur de l’exécution. Ainsi, la décision d’accorder des assouplissements dans ce cadre incombe désormais aux autorités cantonales d’exécution. Afin de leur permettre de statuer en toute connaissance de cause, la direction de la procédure doit leur transmettre l’ensemble des éléments pertinents, notamment sur le risque de fuite ou de récidive.

Toutefois, cette nouvelle conception ne remet pas en cause la faculté pour la direction de la procédure de remettre d’office en détention provisoire ou pour motifs de sûreté le prévenu se trouvant en exécution anticipée de peine. Tel peut être le cas lorsque les conditions de l’exécution anticipée ne sont plus remplies, notamment en raison de l’apparition d’un risque de collusion ou d’un changement législatif.

Dans un premier temps, le Tribunal fédéral confirme que l’Obergericht a correctement estimé que, selon le nouveau droit, il n’était pas compétent pour examiner la demande en tant que direction de la procédure. Dans un second temps, les juges de Mon-Repos relèvent toutefois que l’Obergericht n’a pas pris en compte le fait que le recourant se trouve en exécution anticipée de peine accordée sous l’ancien droit. En raison de la situation juridique antérieure, la direction de la procédure de l’époque devait supposer qu’elle pourrait elle-même décider d’éventuels assouplissements. Dans ce cadre, le Service doit donc donner à la direction de la procédure actuelle la possibilité de prendre position sur la demande de congé.

Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Proposition de citation : Sébastien Picard, La décision d’assouplissement dans le cadre d’une exécution anticipée de peine ou de mesure (art. 236 CPP), in: https://lawinside.ch/1556/