L’indemnisation de la perte de gain en cas de chômage partiel
Lorsqu’une personne assurée à l’assurance chômage perd l’un de ses emplois à temps partiel et continue d’exercer une ou plusieurs autre(s) activité(s) à temps partiel, il convient, pour déterminer si elle a droit à l’indemnisation de sa perte de gain, de comparer le revenu mensuel brut qu’elle réalise malgré son chômage partiel (revenu provenant d’une ou de plusieurs autres activités à temps partiel) avec l’indemnité de chômage à laquelle elle aurait droit si elle n’était pas au chômage partiel mais si elle était totalement sans emploi.
Faits
Un jeune homme est engagé en qualité de joueur de hockey professionnel pour un revenu de CHF 100’000.- par année avec un taux d’activité estimé à 48%. En sus, il travaille à 50% pour une entreprise tierce pour un salaire de CHF 26’325.- par an. Il démissionne de cette entreprise tierce en raison de son souhait d’exercer désormais, en complément de son activité de joueur de hockey professionnel, une activité correspondant à 40% d’une activité à plein temps. Il sollicite alors la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) afin d’obtenir l’indemnisation de sa perte de gain.
Par décision confirmée sur opposition, la caisse refuse d’allouer des prestations, estimant que l’assuré ne subit aucune perte de gain. En substance, elle considère que, avec son emploi d’hockeyeur, l’assuré réalise un gain intermédiaire de CHF 8’333.35 par mois, lequel est supérieur à l’indemnité de chômage de CHF 6’666.70 (80 % x CHF 8’333.35) à laquelle il aurait droit en cas de chômage complet. Aucune indemnité compensatoire ne peut dès lors lui être octroyée. Le hockeyeur recourt contre cette décision auprès de la Cour de justice du canton de Genève, laquelle rejette son recours
Le hockeyeur forme un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Celui-ci doit préciser comment déterminer si et, le cas échéant, dans quelle mesure une personne assurée a droit à l’indemnisation de sa perte de gain lorsqu’elle a perdu l’un de ses emplois à temps partiel et continue d’exercer une ou plusieurs autre(s) activité(s) à temps partiel.
Droit
Selon l’art. 24 al. 1 LACI, est réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d’une activité salariée ou indépendante durant une période de contrôle. L’assuré qui perçoit un gain intermédiaire a droit à la compensation de la perte de gain. Est réputée perte de gain la différence entre le gain assuré et le gain intermédiaire, ce dernier devant être conforme, pour le travail effectué, aux usages professionnels et locaux (art. 24 al. 3 LACI).
Aux termes de l’art. 22 LACI, l’indemnité journalière pleine et entière s’élève à 80 % du gain assuré (al. 1). Cette indemnité s’élève à 70 % du gain assuré dans certains cas particuliers (al. 2). Pour déterminer le montant de l’indemnité journalière, le gain assuré multiplié par 70 % ou 80 % est divisé par 21.7 (art. 40a OACI).
Le Tribunal fédéral constate ensuite avoir rendu plusieurs arrêts en la matière, dont l’un notamment précise que, tant qu’un assuré a droit à des indemnités compensatoires en vertu de l’art. 24 al. 4 LACI, le seuil du travail convenable se situe à 70 % ou 80 % du gain assuré. Pour déterminer si la limite de 70 % ou 80 % du gain assuré est atteinte (seuil réputé convenable), il faut prendre en compte les revenus de tous les rapports de travail. Ainsi, les revenus de plusieurs activités exercées à temps partiel sont cumulés pour l’examen de la prétention à la compensation de la perte de gain. Une prétention aux indemnités compensatoires n’existe que si le revenu global de la personne assurée demeure inférieur à l’indemnité de chômage à laquelle elle pourrait prétendre (ATF 127 V 479 c. 4a). Il s’ensuit qu’une perte de gain ne dépassant pas 20 ou 30% du gain assuré n’ouvre pas droit à l’indemnité puisqu’elle reste dans les normes du travail convenable selon l’art. 16 LACI.
Le Tribunal fédéral arrive alors à la conclusion que si une personne assurée a perdu l’un de ses emplois à temps partiel et continue d’exercer une ou plusieurs autre(s) activité(s) à temps partiel, il convient, pour déterminer si elle a droit à l’indemnisation de sa perte de gain, de comparer le revenu mensuel brut qu’elle réalise malgré son chômage partiel (revenu provenant d’une ou de plusieurs autres activités à temps partiel) avec l’indemnité de chômage à laquelle elle aurait droit si elle n’était pas au chômage partiel mais si elle était totalement sans emploi.
In casu, le recourant est partiellement sans emploi. Il cherche à compléter son activité d’hockeyeur professionnel à mi-temps par une autre occupation à temps partiel, avec une disponibilité maximale de 40 % dans l’activité chômée. Il en résulte que le taux de placement ou la disponibilité du recourant sur le marché du travail était globalement de 90%, respectivement de 50% dans l’activité d’hockeyeur encore exercée et de 40 % dans une autre activité à temps partiel recherchée.
Son revenu mensuel brut dans son activité à temps partiel d’hockeyeur est de CHF 8’333.33, ce qui correspond à un gain journalier brut de CHF 384.- (CHF 8’333.33 / 21.7). Quant à l’indemnité journalière que toucherait le recourant en cas de chômage complet dans les limites de sa disponibilité, il est obtenu en multipliant le gain assuré (total réalisé par le recourant dans ses deux activités à temps partiel) de CHF 10’527.- par 70 % ou 80 % (en fonction du taux d’indemnisation entrant en ligne de compte en selon l’art. 22 LACI) puis en divisant le montant obtenu par 21.7 conformément à l’art. 40a OACI. Il convient encore de réduire ce montant au prorata du taux de placement global du recourant, à savoir 90% (50 % dans l’activité d’hockeyeur + 40% dans une nouvelle activité), ce qui donne une indemnité journalière de CHF 349.30 par jour (90% x [80% x CHF 10’527.-] / 21,7) pour un taux d’indemnisation de 80 % (art. 22 al. 1 LACI).
Dans la mesure où, en l’occurrence, le recourant bénéficie d’un taux d’indemnisation de 80%, le Tribunal fédéral constate que le gain journalier brut du recourant dans son activité de hockeyeur (CHF 384.-) est supérieur à l’indemnité journalière qu’il percevrait en cas de chômage complet (CHF 349.30). Ainsi, l’activité encore exercée à temps partiel est réputée convenable eu égard au salaire perçu et il n’y a dès lors pas de place pour la prise en considération d’un gain intermédiaire, respectivement pour la compensation de sa perte de gain.
À toutes fins utiles, le Tribunal fédéral constate que le résultat aurait été différent si le recourant avait cherché à compléter son activité de hockeyeur à temps partiel par une autre activité à temps partiel au même taux de placement que celle exercée jusque-là, à savoir 50 %. En effet, dans cette hypothèse, son indemnité journalière complète se serait élevée à CHF 388.10 ([80 % x 10’527 CHF] / 21,7). Avec un gain journalier brut de CHF 384.- inférieur – certes de peu – à l’indemnité journalière de CHF 388.10, l’activité de hockeyeur aurait procuré au recourant un gain intermédiaire lui ouvrant droit à la compensation de sa perte de gain.
Le Tribunal fédéral rejette alors le recours.
Proposition de citation : Florence Perroud, L’indemnisation de la perte de gain en cas de chômage partiel, in: https://lawinside.ch/1379/