Panneaux solaires et clause générale d’esthétique (art. 18a al. 4 LAT)

Arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, 23.08.2022, ATA/826/2022

Refuser l’autorisation d’installer des panneaux solaires ou fixer des conditions particulières – par exemple la couleur des panneaux solaires – pour des raisons esthétiques n’est admissible que dans des cas très exceptionnels et doit faire l’objet d’une justification circonstanciée sur la base d’intérêts publics prépondérants, et ce même dans une zone à protéger (cf. art 18a al. 4 LAT).

Faits

Le propriétaire d’une parcelle sise en zone protégée à Bernex demande une autorisation de construire concernant l’installation de panneaux solaires sur une grange agricole. Le domaine agricole fait l’objet d’une fiche au recensement architectural du canton de Genève.

Le Département du territoire accorde l’autorisation, à la condition que les panneaux solaires soient de couleur tuile. Cette condition est motivée par des raisons esthétiques.

Le propriétaire recourt au Tribunal administratif de première instance, puis à la Cour de justice du canton de Genève. Celle-ci doit se prononcer sur l’application de la clause générale d’esthétique en lien avec l’autorisation de panneaux solaires (art. 18a al. 4 LAT).

Droit

L’art. 18a al. 4 LAT prévoit que l’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire sur des constructions existantes ou nouvelles l’emporte en principe sur les aspects esthétiques.

En substance, cette disposition s’applique lorsqu’il faut apprécier la clause générale d’esthétique en lien avec une demande d’autorisation de construire comprenant une installation solaire. En cas de pesée des intérêts, elle fait prévaloir sur le principe celui en faveur de l’énergie solaire. Par conséquent, l’art. 18a al. 4 LAT guide l’interprétation des autorités délivrant les autorisations de construire et restreint dans le même sens leur marge d’appréciation. Dans le contrôle judiciaire, il s’agit alors d’examiner le respect du droit fédéral, et non de s’en tenir à un examen avec retenue de l’appréciation de l’esthétique par l’autorité communale.

Le droit cantonal genevois prévoit pour la zone protégée (cf. art. 17 LAT) en cause une clause générale d’esthétique. Les constructions sont définies de manière à sauvegarder le caractère architectural du site. La pose de panneaux solaires peut être autorisée (cf. art. 106 al. 1 et 2 LCI-GE). Cette norme cantonale englobe une clause générale d’esthétique et confère un large pouvoir d’appréciation à l’autorité compétente, laquelle peut définir le sens à donner à la clause générale d’esthétique en fonction des conceptions et des circonstances du cas d’espèce.

Néanmoins, en se référant à l’ATF 146 II 367 (résumé in LawInside.ch/942), la Cour de justice retient que l’art. 18a al. 4 LAT s’applique aussi dans la zone à protéger au sens de l’art. 17 LAT. Dès lors, en lien avec avec l’installation de panneaux solaires, imposer des conditions particulières pour des raisons esthétiques n’est admissible que dans des cas très exceptionnels et doit faire l’objet d’une justification circonstanciée sur la base d’intérêts publics prépondérants.

En l’espèce, la Cour de justice relève que l’importance patrimoniale du site agricole doit être relativisée. Celui-ci n’est que peu affecté par l’installation des panneaux solaires. La production d’énergie plaide en faveur de la pose des panneaux solaires noirs, et non pas ceux de couleur tuile. La crise énergétique récente et les craintes exprimées par le Conseil fédéral à cet égard vont dans le même sens. Par conséquent, on ne saurait imposer la condition de la couleur tuile des panneaux solaires pour des considérations d’esthétiques.

Partant, la Cour de justice admet le recours.

Proposition de citation : Tobias Sievert, Panneaux solaires et clause générale d’esthétique (art. 18a al. 4 LAT), in: https://lawinside.ch/1246/