L’annotation d’un bail commercial (art. 261b CO) relève de la protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC
Un litige relatif à l’annotation d’un bail commercial au registre foncier fait partie de la protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC, même si la fin du bail n’est pas concrètement en jeu. La procédure simplifiée s’applique à ce type de litiges peu importe leur valeur litigieuse, ce qui exclut la compétence du tribunal de commerce pour en connaître (art. 243 al. 3 CPC).
Faits
Une locataire et sa bailleresse entrent en conflit à la suite de la résiliation par la seconde du bail les liant, lequel porte sur des locaux commerciaux. Cette résiliation intervient dans le contexte de la vente de l’immeuble abritant les locaux à une tierce personne, qui deviendra propriétaire de l’immeuble en 2026.
En parallèle de la procédure de contestation du congé, la locataire ouvre action devant le Tribunal de commerce du canton de Zurich et conclut à ce que la bailleresse soit condamnée à faire annoter le bail au registre foncier, en application des art. 261b CO et 959 CC.
Le Tribunal de commerce n’entre pas en matière sur la demande, retenant qu’il n’est pas compétent pour connaître du litige car celui-ci relève de la protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC.
La locataire interjette un recours contre cette décision, portant ainsi devant le Tribunal fédéral la question de savoir si l’annotation d’un bail commercial (art. 261b CO cum art. 959 CC) relève de la protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC.
Droit
En préambule, le Tribunal fédéral rappelle que, lorsque la procédure simplifiée s’applique selon l’art. 243 al. 1 et 2 CPC, le tribunal de commerce n’est pas compétent pour connaître d’un litige (art. 243 al. 3 CPC), même si celui-ci remplit les conditions de l’art. 6 al. 2 CPC : la réglementation du type de procédure prime celle relative à la compétence matérielle.
Le Tribunal fédéral rappelle ensuite que, selon la jurisprudence, la notion de « protection contre les congés » au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC s’interprète de façon large : elle ne se limite pas aux dispositions qui se trouvent sous le titre éponyme du CO (art. 271-273c CO), mais englobe tous les cas dans lesquels un tribunal doit statuer sur la fin du bail, que celle-ci intervienne à la suite d’une résiliation, de l’expiration de la durée convenue du contrat ou de l’exercice d’un droit d’option ou d’un droit similaire.
Pour déterminer si cette notion inclut également le présent litige, le Tribunal fédéral relève d’abord que l’art. 261 al. 2 let. a CO autorise la nouvelle propriétaire d’un local d’habitation ou commercial qui peut se prévaloir d’un besoin urgent à résilier le bail dans le délai légal de congé et pour le prochain terme légal. Cette disposition aménage ainsi une exception au principe selon lequel la vente ne rompt pas le bail (art. 261 al. 1 CO).
Le Tribunal fédéral constate ensuite que l’art. 261b CO permet aux parties au contrat de bail de convenir d’annoter le contrat au registre foncier, avec pour effet que, en cas d’aliénation, la nouvelle propriétaire doit laisser à la locataire l’usage de l’immeuble en conformité du bail. Le droit d’usage de la locataire se transforme ainsi en obligation réelle. Compte tenu du principe selon lequel la vente ne rompt pas le bail, la finalité principale de cette disposition est d’empêcher l’acquéreuse de faire valoir son droit de résiliation fondé sur un besoin urgent (art. 261 al. 2 let. a CO). L’annotation du bail constitue donc essentiellement une institution visant la protection (préventive) contre les congés, même si elle déploie d’autres effets réels (opposabilité du bail à tout droit acquis ultérieurement sur l’immeuble). Tel est d’ailleurs concrètement le cas en l’espèce : il ressort des écritures de la recourante que son objectif est effectivement d’empêcher l’acquéreuse de faire valoir un besoin propre pour résilier le bail une fois qu’elle sera devenue propriétaire.
Dans ces circonstances et compte tenu de la large conception retenue par la jurisprudence précitée, un litige relatif à l’annotation d’un bail commercial au registre foncier fait partie de la protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC, même si la fin du bail n’est pas concrètement en jeu. Par conséquent, la procédure simplifiée s’applique à ce type de litiges peu importe leur valeur litigieuse, ce qui exclut la compétence du tribunal de commerce pour en connaître (art. 243 al. 3 CPC). C’est dès lors à bon droit que l’autorité précédente a dénié sa compétence matérielle pour connaître du litige (art. 59 al. 2 let. b CPC), même si celui-ci relevait en l’espèce d’une matière commerciale au sens de l’art. 6 al. 2 CPC.
Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Camilla Jacquemoud, L’annotation d’un bail commercial (art. 261b CO) relève de la protection contre les congés au sens de l’art. 243 al. 2 let. c CPC, in: https://lawinside.ch/1239/