Quelles sont les conditions d’annulation d’une faillite sans poursuite préalable ?
En cas de faillite sans poursuite préalable, l’annulation de la faillite n’est envisageable que si le débiteur démontre de manière vraisemblable, à l’aide d’indices concrets, sa solvabilité. De simples espérances d’un éventuel renflouement ne suffisent dès lors pas à établir que les difficultés financières ne sont que passagères.
Faits
Suite à la requête d’un créancier, le Tribunal de première instance du canton de Genève a requis la faillite sans poursuite préalable d’une société dans la mesure où celle-ci avait fait l’objet de nombreuses poursuites, avait cessé de payer ses créances de droit public et n’était donc plus en mesure de faire face à ses obligations pécuniaires à court terme.
La société interjette recours contre cette décision auprès de la Cour de justice du canton de Genève, qui le rejette et confirme le jugement de faillite.
La société intente alors un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, lequel doit déterminer si la faillite sans poursuite préalable doit être annulée.
Droit
Une faillite sans poursuite préalable peut être requise par le créancier si le débiteur, sujet à la poursuite par voie de faillite, a suspendu ses paiements (art. 190 al. 1 ch. 2 LP). La suspension des paiements est une notion juridique indéterminée propre à accorder au juge un large pouvoir d’appréciation. En principe, des indices tels que le défaut de paiement de dettes incontestées et exigibles, la multiplication de poursuites faisant l’objet d’une opposition systématique ou encore l’omission de s’acquitter de dettes minimes laisse supposer qu’il existe une suspension de paiements par le débiteur. Il suffit que le refus de paiement porte sur une partie significative de ses activités commerciales, l’interruption de l’intégralité des paiements n’étant pas nécessaire. En outre, une suspension de paiements peut également résulter du refus persistant du débiteur de s’acquitter d’une dette unique importante, en particulier lorsqu’il en va de désintéresser son créancier principal. En tout état de cause, ladite suspension ne saurait revêtir un caractère purement temporaire mais doit, au contraire, s’inscrire dans une perspective indéterminée.
Pour qu’une faillite prononcée sans poursuite préalable puisse être annulée, le débiteur doit rendre vraisemblable sa solvabilité (art. 190 al. 1 ch. 2 LP cum art. 174 al. 2 LP). Cela signifie qu’il doit démontrer, à l’aide d’indices concrets, qu’il dispose de liquidités suffisantes lui permettant de s’acquitter de ses dettes échues. Par ailleurs, l’absence de telles liquidités n’exclut pas d’emblée la solvabilité du débiteur dès lors que des indices laissent entrevoir une amélioration de sa situation économique à court terme. En outre, l’extrait du registre des poursuites constitue un document indispensable à l’appréciation de la solvabilité du failli.
En l’espèce, la recourante reproche à la Cour de justice du canton de Genève d’avoir retenu à tort qu’elle n’avait pas rendu vraisemblable sa solvabilité, au motif qu’aucun indice suffisamment concret ne permettait de conclure au caractère passager de ses difficultés financières et qu’elle n’avait produit aucun document de nature à confirmer ses allégations. Or, au sens de la recourante, plusieurs éléments permettaient de retenir que l’état de ses finances allait s’améliorer dans un avenir proche et que son activité était viable. D’une part, elle avait conclu des arrangements avec des investisseurs afin d’obtenir des liquidités à brève échéance et, d’autre part, elle avait persisté à verser des salaires à ses employés en dépit des difficultés rencontrées. De plus, la stabilisation de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, période durant laquelle la recourante a rencontré ses difficultés de trésorerie, constitue un indice concret en faveur d’une amélioration de sa situation financière.
Contrairement à l’avis de la recourante, le Tribunal fédéral estime qu’une telle motivation ne permet pas de contester la décision de l’instance précédente. En effet, l’extrait du registre des poursuites fait état de plusieurs poursuites et la recourante n’a produit aucun document permettant d’appuyer ses allégations et de démontrer qu’elle serait solvable. Ces allégations, dépourvues de précisions concrètes et chiffrées et impropres à désintéresser l’intimée, principale créancière de la recourante, ne peuvent tout au plus être considérées que comme de simples espérances d’un renflouement éventuel. Au demeurant, le contexte de la crise sanitaire demeure sans incidence sur la présente situation dès lors que la recourante n’a nullement démontré que ses dettes, objet de poursuites, datent exclusivement de cette période.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Inès Drissi, Quelles sont les conditions d’annulation d’une faillite sans poursuite préalable ?, in: https://lawinside.ch/1599/