La forme juridique des agglomérations et l’autonomie communale
L’adoption de la loi cantonale fribourgeoise sur les agglomérations (LAgg/FR), qui supprime la forme juridique de l’agglomération institutionnelle pour la remplacer par la forme de l’association de communes, ne porte pas atteinte à l’autonomie des communes concernées.
Faits
Le Conseil d’Etat du canton de Fribourg initie la révision générale de la loi fribourgeoise sur les agglomérations (LAgg/FR). Il soumet un projet de loi au Grand Conseil du canton de Fribourg. La commission parlementaire chargée du projet décide de modifier en profondeur le projet du Conseil d’Etat en supprimant la forme institutionnelle pour les agglomérations alors en vigueur (corporation de droit public), pour la remplacer par la forme de l’association de communes.
Des communes sollicitent une consultation complémentaire ou qu’un droit d’être entendu leur soit octroyé au sujet de la question de la forme juridique des agglomérations. Ces demandes sont refusées étant donné que le droit cantonal fribourgeois ne prévoit pas de consultation sur les projets issus de la commission.
Le Grand Conseil adopte le projet de la LAgg/FR. Le Conseil d’Etat promulgue la loi.
Six communes situées à proximité de la ville de Fribourg, faisant partie de l’Agglomération de Fribourg, forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Dans un contrôle abstrait, celui-ci doit notamment se prononcer sur le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) et l’autonomie communale (art. 50 Cst.) en lien avec la suppression de l’agglomération institutionnelle.
Droit
Le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) ne s’applique en principe pas en matière de procédure législative. Une exception est admise lorsque des destinataires dits spéciaux sont touchés de façon sensiblement plus grave que les destinataires ordinaires. Tel pourrait être le cas lorsqu’une loi de portée générale ne touche concrètement qu’un très petit nombre de personnes.
En l’occurrence, la LAgg/FR est une norme générale et abstraite s’appliquant à toutes les communes du canton de Fribourg intégrant un projet d’agglomération. Elle ne touche donc pas de manière concrète uniquement les six communes recourantes de l’Agglomération de Fribourg. Par conséquent, les communes ne peuvent pas se prévaloir de l’exception conférant un droit d’être entendu dans le processus législatif. Le Tribunal fédéral relève que la situation aurait été différente si la loi visait la seule Agglomération de Fribourg. Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce.
Le Tribunal fédéral se penche alors sur la question de savoir si la suppression de l’agglomération institutionnelle porte atteinte à l’autonomie communale (art. 50 Cst.). Les communes sont protégées dans leur autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de façon exhaustive, mais qu’il laisse dans la sphère communale. L’étendue de l’autonomie communale se délimite par la constitution et la législation cantonales.
En l’espèce, la Cst./FR, en particulier son art. 134 relatif à la collaboration intercommunale, ne se réfère pas à l’agglomération institutionnelle et ne l’impose pas au législateur. Le législateur cantonal est alors libre de supprimer l’agglomération institutionnelle qu’il a lui-même instituée, sans porter atteinte au droit constitutionnel cantonal. Dans ces circonstances, les communes n’ont aucune liberté de choix et ne disposent d’aucune autonomie quant au maintien de la forme juridique des agglomérations. Par conséquent, le législateur cantonal n’a pas porté atteinte à l’autonomie communale en modifiant la forme juridique de la collaboration entre communes.
Partant, le recours est rejeté.
Note
Le Tribunal fédéral a délibéré sur le présent recours en séance publique le 24 août 2022. Il a rejeté le recours par trois voix contre deux.
Proposition de citation : Tobias Sievert, La forme juridique des agglomérations et l’autonomie communale, in: https://lawinside.ch/1269/