Le principe de la bonne foi en droit fiscal
Pour se voir accorder un statut fiscal particulier obtenu par le passé pour une période fiscale future en application du principe de la bonne foi, il faut que l’administration fiscale promette expressément d’accorder ce statut pour une période fiscale subséquente. Le simple fait d’avoir bénéficié du statut durant une certaine période ne remplace pas la promesse de l’administration fiscale.
Faits
Une société anonyme sise à Sierre est active dans la détention de participations. Depuis sa création en 1967, la société est taxée parfois en tant que société de placement de capitaux ordinaire, parfois en tant que société holding. Depuis la période fiscale 2002, la société bénéficie du statut fiscal privilégié de société holding uniquement.
Pour la période fiscale 2017, le Service cantonal des contributions du Valais ne reconnaît pas le statut de société holding et considère que la société doit être taxée de manière ordinaire.
La Commission des recours en matière fiscale du canton du Valais admet le recours de la société. La société pouvait se fier de bonne foi à la pratique adoptée par l’administration fiscale concernant la reconnaissance de son statut de société holding. En particulier, la situation n’avait pas changé, les participations détenues par la société n’ayant pas subi de modifications majeures depuis la reconnaissance de son statut particulier.
Le Département des finances du canton du Valais forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la reconnaissance du statut de société holding pour la période fiscale 2017 au regard du principe de la bonne foi.
Droit
La protection de la bonne foi (art. 9 Cst.) peut obliger l’administration à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur. Le droit au respect des promesses suppose cinq conditions : (1) une promesse effective dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées ; (2) qu’elle émane d’une autorité compétente ou censée l’être ; (3) qu’elle soit digne de foi ; (4) qu’elle détermine l’administré à des actes de disposition irréversibles ; (5) une situation factuelle et juridique inchangée.
La protection de la bonne foi s’applique en matière fiscale mais avec une portée limitée. En effet, le droit fiscal est dominé par le principe de la légalité, de sorte que les conditions au respect des promesses doivent être interprétées de manière stricte. Aussi, le principe de l’étanchéité des périodes fiscales implique que l’administration fiscale n’est en principe pas liée par les taxations précédentes. Ce n’est que si l’administration fiscale promet expressément d’accorder le même traitement pour une période fiscale subséquente que la question de la bonne foi se pose.
En l’espèce, s’agissant de la première condition du droit au respect des promesses, le Service des contributions n’a pas garanti à la société qu’elle se verrait appliquer le régime de la société holding pour la période fiscale 2017. Pour que le principe de la bonne foi s’applique et prenne le pas sur le principe de la légalité, il aurait fallu une prise de position expresse du fisc pour la période fiscale 2017. Le fait que la société a bénéficié du statut de holding depuis 2002 ne remplace pas une telle prise de position. L’administration fiscale peut donc revoir le statut fiscal de la société, sans être liée par les taxations antérieures.
Par conséquent, les conditions de la protection de la bonne foi ne sont pas remplies. Le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie la cause à l’instance inférieure afin qu’elle se prononce sur le statut de la société pour la période fiscale 2017.
Note
Il semble que le Tribunal fédéral conçoit l’application de la protection de la bonne foi en droit fiscal de manière (légèrement) plus souple lorsque l’objet du litige implique une appréciation des circonstances du cas d’espèce (TF, 19.01.2022, 2C_461/2021, consid. 5.2). C’est par exemple le cas lorsqu’il en va de l’allocation d’un bien à la fortune privée ou commerciale (TF, 25.05.2020, 2C_939/2019, consid. 2.4.1). Dans un tel cas, l’administration fiscale peut être liée par un traitement fiscal appliqué pendant une longue période, pour autant que les circonstances n’ont pas subi de changement juridiquement significatif (TF, 25.05.2020, 2C_939/2019, consid. 2.4.1). Cette jurisprudence ne s’applique pas lorsqu’il en va de déterminer si les conditions juridiques sont remplies pour obtenir un certain statut, comme le statut de société holding en l’espèce, étant donné que ce statut pour varier d’une période fiscale à l’autre.
Proposition de citation : Tobias Sievert, Le principe de la bonne foi en droit fiscal, in: https://lawinside.ch/1158/