La résidence fiscale en matière d’assistance administrative internationale
Si la demande d’assistance contient toutes les informations requises par la CDI et son protocole, notamment concernant l’objectif fiscal poursuivi, on peut implicitement considérer que l’État requérant estime la personne visée comme étant son contribuable. Cette revendication implicite de résidence fiscale n’a en principe pas à être remise en cause par la Suisse, ni sous l’angle de la bonne foi de l’État requérant, ni sous l’angle de la pertinence vraisemblable.
Faits
La Corée adresse une demande d’assistance administrative en matière fiscale à la Suisse. Elle vise un contribuable faisant l’objet d’une enquête pénale fiscale pour évasion fiscale en Corée. Le contribuable aurait constitué plusieurs sociétés dans des paradis fiscaux et effectué divers investissements, sans déclarer les revenus au fisc coréen. Ces revenus auraient été placés auprès d’une banque en Suisse.
L’Administration fédérale des contributions (AFC) accorde l’assistance. Le contribuable forme un recours au Tribunal administratif fédéral. Il conteste être résident fiscal coréen et produit une attestation des autorités fiscales indonésiennes selon laquelle il est imposé en Indonésie. Le Tribunal administratif fédéral constate que la demande d’assistance coréenne ne mentionne aucun critère de rattachement du contribuable à l’impôt en Corée. Il qualifie la demande de pêche aux renseignements illicite et admet le recours.
L’AFC forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la question de la résidence fiscale de la personne en visée en lien avec l’admissibilité de la demande d’assistance administrative.
Droit
Le recours au Tribunal fédéral en assistance administrative internationale en matière fiscale suppose qu’une question juridique de principe se pose ou qu’il représente un cas particulièrement important au sens de l’art. 84 al. 2 LTF (cf. art. 83 let. h et 84a LTF). Le fait que l’autorité inférieure s’écarte de la jurisprudence du Tribunal fédéral peut justifier une entrée en matière sous l’angle du cas particulièrement important. C’est en particulier le cas si l’arrêt attaqué cause une incertitude caractérisée dans une situation pouvant se reproduire en pratique. En l’occurrence, le Tribunal fédéral, en anticipant la solution retenue au fond, estime que l’arrêt du Tribunal administratif fédéral est difficilement compatible avec sa jurisprudence. Par ailleurs, la question de la résidence fiscale étant fréquemment soulevée en assistance administrative, l’arrêt attaqué crée une incertitude caractérisée pour la pratique. Le Tribunal fédéral entre ainsi en matière sur le recours sous l’angle du cas particulièrement important.
Sur le fond, le Tribunal fédéral rappelle les principes évoqués par l’art. 25 par. 1 CDI CH-KR et son protocole. L’échange porte sur les renseignements vraisemblablement pertinents. L’État requérant est présumé agir de bonne foi. L’État requis est en principe tenu de se fier aux indications de l’État requérant et transmettre les renseignements demandés dans la mesure où ils sont en rapport avec l’état de fait présenté dans la demande.
La question de la résidence fiscale sur le plan international est une question de fond qui ne saurait en principe être abordée par la Suisse en tant qu’État requis dans une procédure d’assistance administrative.
Dans la mesure où la demande indique toutes les informations requises par la CDI applicable et son protocole, le fait que la personne concernée par la demande soit résidente fiscale d’un autre État que l’État requérant ne remet pas en cause la présomption de bonne foi ni la pertinence vraisemblable de la demande. Par ailleurs, si la demande contient ces éléments, notamment concernant l’objectif fiscal visé, on peut implicitement considérer que l’État requérant estime la personne visée comme étant son contribuable. L’État requérant n’a donc pas spécifiquement à préciser dans sa demande pourquoi la personne visée est assujettie à l’impôt ou qu’il remet en cause le lieu d’imposition.
Même si le contribuable est assujetti à titre illimité dans un autre État que l’État requérant, la Suisse n’a pas à demander des explications à ce sujet. L’unique cas dans lequel la Suisse analyse le critère du rattachement illimité à l’impôt est celui dans lequel le contribuable est assujetti à l’impôt de manière illimitée en Suisse (cf. ATF 142 II 161, résumé in LawInside.ch/185). Dans cette situation, la Suisse peut vérifier que le critère avancé par l’État requérant est l’un des critères de détermination de la résidence fiscale selon la CDI applicable. Cette problématique ne se pose pas lorsque la personne concernée prétend être résidente fiscale d’un État tiers.
En l’espèce, la demande coréenne contient toutes les informations prévues par la CDI CH-KR et son protocole (cf. art. 2 let. b du Protocole CDI CH-KR). Le contribuable fait l’objet d’une enquête pénale pour évasion fiscale. Le but fiscal poursuivi est donc clair et l’on peut en inférer de ce but que la Corée considère la personne visée comme étant assujettie à l’impôt dans son pays. Cette « revendication implicite » de résidence fiscale n’a pas à être remise en cause par la Suisse.
Le Tribunal fédéral admet le recours de l’AFC.
Proposition de citation : Tobias Sievert, La résidence fiscale en matière d’assistance administrative internationale, in: https://lawinside.ch/1119/