Articles

La discrimination et incitation à la haine (art. 261bis al. 1 CP)

TF, 11.03.2023, 6B_1323/2023*

L’acception du terme “queer” comprend aussi bien l’orientation sexuelle que l’identité sexuelle de telle sorte que la communauté queer doit être comprise comme un groupe protégé par l’art. 261bis al. 1 CP.

Faits

En septembre 2021, le polémiste Alain Soral tient les propos suivants en réaction à la publication d’un article :

« Je crois que cet article à charge est relativement malhonnête et mensonger et aussi signé par une militante communautaire, qui est une militante queer qui se bat aussi pour les migrants. Donc voilà face à quoi on est. Moi je suis un Suisse dans mon pays, qui défend l’âme suisse et l’esprit suisse, dans la grande tradition, je dirais, de Jean-Jacques Rousseau, et je suis face à des gens qui à mon avis sont ultraminoritaires. Et je rappelle que queer en anglais ça veut dire, je crois, désaxé. Donc je pense qu’entre ma vision du monde et celle d’une grosse lesbienne militante pour les migrants, je pense que je suis plus, moi, un combattant pour la paix, la fraternité et l’âme suisse que ceux qui aujourd’hui me font face et qui me harcèlent, alors que je ne leur ai rien demandé ».

Le Tribunal de police de l’arrondissement de Lausanne acquitte le polémiste du chef d’accusation de discrimination et incitation à la haine (art.Lire la suite

Reportage de la RTS : violation du principe de pluralité des opinions (art. 4 LRTV)

TF, 20.09.2023, 2C_859/2022

Le reportage intitulé « La haine avant la votation sur la loi Covid » se trouve dans une proximité thématique et temporelle avec les votations ; les exigences en matière de respect du principe de pluralité des opinions sont dès lors accrues. Ne donnant que très peu la parole aux opposants à la loi Covid, il ne représente pas de manière appropriée les différentes opinions et la diversité politique. Enfin, il donne objectivement l’impression que les opposants sont majoritairement rustres et violents. Partant, il viole le principe de pluralité des opinions.

Faits

Le 14 novembre 2021, la RTS diffuse dans le cadre de l’émission « Mise au Point » un reportage intitulé « La haine avant la votation sur la loi Covid ». Le reportage a pour objet la dégradation du climat politique en Suisse dans le cadre de la votation sur la loi Covid qui a lieu deux semaines plus tard.

Il se concentre principalement sur l’interview de différents politiciens ayant reçu des messages de haine d’opposants aux mesures prises pour lutter contre le coronavirus. Il donne brièvement la parole à quelques opposants.

L’Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radio-télévision (l’Autorité de plainte) admet une plainte déposée contre le reportage pour violation du respect du principe de pluralité des opinions.Lire la suite

La condamnation pour incitation à la violation des devoirs militaires (art. 276 ch. 1 CP) et la liberté d’expression : le cas de la Grève du Climat

TPF, 03.07.2023, SK.2023.4

La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral acquitte trois militants climatiques prévenus de provocation et d’incitation à la violation des devoirs militaires (art. 276 ch. 1 CP) après leur appel à la grève militaire. Une condamnation en raison de leurs propos, pacifiques et détachés de toute déprédation, serait disproportionnée et constituerait une violation de la liberté d’expression consacrée par la CEDH et la Constitution.

Faits

Le 11 mai 2020, un article au nom de la Grève du Climat est publié sur internet depuis le territoire suisse. Intitulé « L’Armée, je boycotte », il comprend notamment les passages suivants : « La Grève du Climat appelle à faire grève militaire. Par éthique, morale, responsabilité écologique et sociale, nous ne consentons pas à payer la taxe, ni à aller au service militaire » et « Si vous êtes appelé au service militaire, n’y allez pas ». L’article indique également que la Grève du Climat s’engage à tenter de soutenir les personnes qui recevraient des ordonnances pénales et autres répressions en lien avec cette action.

Un Conseiller national dépose une dénonciation contre inconnu auprès du Ministère public de la Confédération (MPC) pour provocation et incitation à la violation des devoirs militaires (art.Lire la suite

L’interdiction de se dissimuler le visage dans les endroits publics en droit cantonal tessinois

ATF 144 I 281 | TF, 20.09.2018, 1C_211/212/2016*

Une loi interdisant la dissimulation du visage est disproportionnée et porte ainsi atteinte à la liberté de réunion, à la liberté d’opinion et à la liberté économique si elle ne prévoit pas d’exceptions permettant l’exercice de ces libertés d’une manière qui ne met pas en danger les intérêts publics poursuivis par cette loi, tels que l’ordre public ainsi que la sécurité publique. 

Faits

À la suite d’une initiative populaire visant l’interdiction de se dissimuler le visage dans les endroits publics et ouverts au public, le Grand Conseil tessinois adopte la loi sur la dissimulation du visage (LDiss), un règlement y relatif ainsi que la loi sur l’ordre public (LOrP).

Contre les deux lois, deux citoyens forment un recours en matière de droit public. Ils demandent l’annulation de la LDiss et de certains articles de la LOrP. Subsidiairement, ils demandent que ces lois soient interprétées de manière conforme à la Constitution fédérale. Les requérants invoquent principalement, à l’appui de leurs recours, plusieurs droits fondamentaux, notamment la liberté d’opinion (art. 16 Cst.), la liberté de réunion (art. 22 Cst.) et la liberté économique (art.Lire la suite

Les restrictions à la liberté de mouvement d’un participant potentiel à une manifestation non autorisée

ATF 142 I 121TF, 20.04.2016, 1C_230/2015*

La première partie de cet arrêt, qui traite de la privation de liberté par la police, a été résumée ici : www.lawinside.ch/266

Faits

A l’occasion de la « Fête du travail » du 1er mai 2011, un important attroupement, au sein duquel le recourant se trouvait, s’est formé dans l’espace Kanzleiareal/Helvetiaplatz à Zurich. Vers 16h30, la police a formé un cordon autour des personnes présentes et n’a autorisé que les personnes qui sont sans lien avec une manifestation non autorisée à sortir du périmètre délimité. Vers 19h00, 542 individus, dont le recourant, ont été arrêtés, conduits à un poste de police et détenus à cet endroit à des fins de vérifications de sécurité. La police a prononcé à l’encontre du recourant une mesure d’éloignement de 24 heures, valable dès 22h00, lui interdisant de pénétrer ou de rester dans un périmètre déterminé du centre-ville de Zurich. A 22h30, il a été relâché sans être inquiété par des poursuites pénales.

Après avoir épuisé les voies de recours cantonales, le recourant conteste la régularité de son arrestation par un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Ce dernier est appelé à déterminer si l’encerclement policier et la détention au poste de police représentent des violations de la liberté de mouvement (art.Lire la suite