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L’exigence d’un mobile discriminatoire dans l’art. 261bis al. 4 CP

ATF 145 IV 23TF, 06.12.2018, 6B_805/2017*

Sous l’angle subjectif, l’art. 261bis al. 4 CP (discrimination raciale) requiert que le fait de nier, minimiser grossièrement ou chercher à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité soit guidé par un mobile discriminatoire.

Faits

Dans deux articles parus dans un journal, respectivement sur une plateforme Internet, et dont le titre est « Srebrenica, comment se sont passées les choses en réalité » (traduction libre de l’italien) », un politicien écrit en particulier ce qui suit :

« la version officielle de Srebrenica est un mensonge ayant des fins de propagande, qui n’acquiert pas en véracité si elle est répétée à l’infini sans apporter la moindre preuve » ;

« les choses ne se sont pas passées de la façon dont certains ont essayé et essayent encore de nous faire croire » ;

« il y a effectivement eu un massacre, avec une petite différence toutefois, par rapport à la thèse officielle : les victimes du massacre étaient les Serbes » ;

« l’autre massacre, celui des musulmans, présente plusieurs aspects qui n’ont pas été clarifiés (plusieurs erreurs ont été découvertes en ce qui concerne le nombre total de victimes, et certaines personnes n’avaient rien à voir du tout avec Srebrenica) ».

Le tribunal de première instance tessinois (pretore) reconnaît le politicien coupable de discrimination raciale (art.Lire la suite

Le geste de la « quenelle » : discrimination raciale ?

ATF 143 IV 308 | TF, 18.07.2017, 6B_734/2016*

Faits

Deux jeunes vêtus d’habits noirs et un militaire en tenue d’assaut, visages en partie camouflés, effectuent une « quenelle », geste popularisé par l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala (Dieudonné) et consistant à tendre un bras vers le bas tout en positionnant la main de l’autre bras sur l’épaule, devant une synagogue.

Les trois jeunes sont reconnus coupables de discrimination raciale par le Ministère public du canton de Genève. L’un d’entre eux s’oppose à la condamnation et l’affaire finit devant le Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à analyser la signification du geste de la quenelle et, plus précisément, si celui-ci constitue une discrimination raciale au sens de l’art. 261bis al. 4 première partie CP.

Droit

Aux termes de l’art. 261bis al. 4 première partie CP, se rend coupable de discrimination raciale celui qui aura publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une expression relève de cette norme lorsqu’elle serait comprise par un tiers moyen non averti dans les circonstances d’espèce comme relevant de la discrimination raciale.… Lire la suite

Un message publicitaire UDC constitutif d’une discrimination raciale

ATF 143 IV 193 | TF, 13.04.2017, 6B_610/2016*

Faits

Dans le contexte de la campagne de l’UDC pour « stopper l’immigration de masse », le parti politique publie sur son site internet et dans certains journaux une annonce publicitaire intitulée « voici les conséquences d’une immigration de masse incontrôlée ». En dessous du titre, en grandes lettres blanches sur fond noir, le message principal indique que « des Kosovars poignardent un Suisse » et que « quiconque ne le souhaite pas signe l’initiative populaire contre l’immigration de masse ». L’affiche décrit en outre un incident saurvenu avec des Kosovars : « Deux compagnons de lutte suisse, Roland (38) et Kari (45), sont assis le lundi 15 août sur une terrasse à Interlaken. Soudain, un taxi s’arrête devant eux et deux Kosovars (33 et 31 ans) en sortent. “Suisses de merde ! Salauds” disent-ils. Kari, douze fois titré en lutte suisse, répond alors “à quoi cela mène-t-il ?”. Un des deux Kosovars sort un couteau et le plante dans la gorge de Kari ».

Le Tribunal régional de Berne-Mittelland a reconnu le secrétaire général de l’UDC au moment de la publication de l’annonce, ainsi que sa suppléante, coupables de discrimination raciale (art. 261bis CP). La Cour d’appel du canton de Berne a confirmé les verdicts de culpabilité.… Lire la suite