Entrées par Célian Hirsch

L’illicéité et l’exploitabilité d’une observation privée en procédure pénale

ATF 143 IV 387 | TF, 16.08.2017, 1B_75/2017*

L’observation privée d’une personne constitue une preuve illicite, faute de base légale suffisante en procédure pénale. Ce moyen de preuve n’est toutefois pas manifestement inexploitable. 

Faits 

Suite à un accident de la route, un assuré est déclaré en incapacité de gain par une expertise psychiatrique. 

L’assurance responsabilité civile de l’assuré mandate un détective privé afin de l’observer, dans des espaces publics, à cinq reprises entre 2006 et 2013. 

L’assurance dépose une plainte pénale contre l’assuré et produit l’expertise privée résultant des observations. Dans le cadre de l’instruction, le Ministère public de Soleure perquisitionne divers documents et enregistrements au domicile du prévenu.  

Le prévenu demande la mise sous scellés de ces documents, mais le Tribunal des mesures de contrainte (TMC) accepte la levée des scellés requise par le Ministère public. Le TMC considère que la jurisprudence récente sur les preuves illicites récoltées à l’aide d’observations en matière d’assurances sociales (cf. notamment 9C_806/2016*, résumé in LawInside.ch/498) ne s’applique pas en procédure pénale. De plus, en droit pénal, la partie plaignante a en principe le droit de se procurer ses propres moyens de preuve et de les déposer auprès de l’autorité compétente.… Lire la suite

L’exploitabilité de la preuve illicite

ATF 143 I 377 | TF, 14.07.2017, 9C_806/2016*

Les preuves recueillies lors d’une observation menée par l’assurance invalidité le sont en violation de l’art. 8 CEDH et de l’art. 13 Cst. Toutefois, bien qu’elles soient illicites, les preuves qui proviennent d’une observation dans un espace public sont exploitables.

Faits

Un assuré est au bénéfice d’une rente AI depuis février 2008. En novembre 2010, l’office AI observe l’assuré pendant quatre jours en l’espace de deux semaines, décide, suite au rapport d’observation, de suspendre ses prestations et ordonne des expertises supplémentaires. L’Office AI ordonne alors une expertise psychiatrique et décide de supprimer toute rente à l’assuré. Cette décision est confirmée par le Tribunal administratif du canton de Zoug.

Le Tribunal fédéral est saisi par l’assuré et doit déterminer si l’observation menée par l’office AI est licite, et, dans la négative, si les preuves sont néanmoins exploitables.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler la teneur de l’arrêt de la CourEDH Vukota-Bojić c. Suisse, n° 61838/10 (résumé in : www.lawinside.ch/338/). Dans cet arrêt, la CourEDH a constaté que les bases légales en matière d’assurance-accident ne prévoient pas expressément la possibilité d’observer les assurés. Dès lors, les conditions d’ingérence dans la vie privée au sens de l’art.Lire la suite

La compétence du tribunal civil pour une action paulienne contre la Confédération

ATF 143 III 395 | TF, 12.07.2017, 5A_243/2016*

Faits

Une société verse à la Confédération un montant de près de CHF 78’000’000 à titre d’impôt sur les huiles minérales. Quelques jours plus tard, la société requiert un sursis provisoire, lequel devient définitif deux mois plus tard.

Les liquidateurs de la société déposent une demande en révocation (action paulienne, art. 285 LP) auprès de l’Obergericht du canton de Berne à l’encontre de la Confédération afin que cette dernière rembourse à la société en liquidation l’impôt déjà payé. L‘Obergericht limite la procédure à la question de sa compétence et, par décision incidente, la confirme. La Confédération exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral.

Parallèlement à cette procédure, un jour avant le dépôt de l’action paulienne les liquidateurs de la société demandent à la Confédération le remboursement de l’impôt sur les huiles minérales. La Confédération rend une décision qui confirme le montant de l’impôt, décision à l’encontre de laquelle les liquidateurs forment opposition. Les liquidateurs saisissent ensuite le Tribunal administratif fédéral qui suspend la procédure jusqu’à droit connu sur la compétence de l’Obergericht.

Le Tribunal fédéral est ainsi amené à trancher la question de la compétence entre les juridictions civiles et administratives lorsqu’un liquidateur requiert de la Confédération le remboursement d’un impôt fédéral.… Lire la suite

Le recours contre la décision sur la compétence en arbitrage international

ATF 143 III 462TF, 20.07.2017, 4A_98/2017*

Faits

Une société introduit une procédure d’arbitrage contre un Etat en se fondant sur le Traité de la Charte de l’énergie en vue d’obtenir un paiement de plus de 13 milliards de dollars à titre de dommages-intérêts dérivant d’une prétendue expropriation illégale.

L’Etat actionné soulève l’exception d’incompétence en raison de cinq motifs alternatifs. Le Tribunal arbitral décide de scinder la procédure et d’examiner d’abord trois des cinq motifs invoqués, les deux autres devant être traités avec le fond de la cause.

Par Interim Award on Jusrisdiction, le Tribunal arbitral écarte les trois motifs et dit que toutes les autres objections concernant la compétence et la recevabilité seront traitées avec le fond.

L’Etat exerce un recours en matière civile pour violation de l’art. 190 al. 2 let. b LDIP auprès du Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur la recevabilité d’un recours en matière d’arbitrage international contre une décision qui ne tranche pas définitivement la question de la compétence du tribunal arbitral.

Droit

Lorsqu’un tribunal arbitral se déclare expressément compétent, il rend une décision au sens de l’art. 190 al. 2 LDIP contre laquelle un recours doit être intenté immédiatement, sous peine de forclusion.… Lire la suite

La reconnaissance d’actes authentiques exécutoires français

ATF 143 III 404 | TF, 06.06.2017, 5A_703/2016*

Faits

Deux débiteurs domiciliés en Suisse contractent solidairement auprès d’une caisse de crédit cinq prêts bancaires avec constitution de garanties hypothécaires sur des biens sis en France. Les taux d’intérêt des prêts font référence à des taux variables : soit le taux T4M (taux moyen mensuel du marché monétaire) ou Euribor (Euro interbank offered rate), déterminable parfois mensuellement, parfois trimestriellement, et payable tous les trois mois. A ce taux s’ajoutent encore 0.5, 1.5 ou 2 points selon les contrats. Les contrats prévoient également que les intérêts non payés sont ensuite ajoutés au capital initial, de telle sorte que le prochain calcul d’intérêts s’effectue sur ce nouveau capital et non pas sur le capital initial seulement. Une indemnité de retard est également prévue dans ces contrats.

Une Chambre de Notaires en France émet, sur requête de la Caisse de crédit, cinq certificats permettant l’exécution à l’étranger des actes authentiques de prêt.

Suite à l’opposition totale des débiteurs à deux commandements de payer, la Caisse de crédit dépose deux requêtes en mainlevée définitive. Tant la Présidente du Tribunal civil de l’arrondissement de la Gruyère que la IIe Cour d’appel civil du Tribunal cantonal de l’Etat de Fribourg prononcent la mainlevée définitive à hauteur du montant en capital et des intérêts définis selon les taux variables T4M et Euribor.… Lire la suite