Propriété et entretien d’un mur placé sur la limite entre deux terrains (art. 670 CC)
Les dispositifs se trouvant à la limite de deux immeubles sont présumés en copropriété des deux voisins (art. 670 CC). Les usages cantonaux (cf. art. 5 al. 2 CC), ainsi que la réglementation cantonale (art. 686 al. 2 CC), peuvent renverser cette présomption. Le législateur cantonal est donc en droit d’adopter un article qui prévoit qu’un dispositif situé à la limite de deux terrains est considéré comme faisant partie intégrante du fonds du propriétaire qui l’a construit (art. 79i LiCCS/BE).
Faits
Un talus se trouve entre les terrains de deux propriétaires. Un des propriétaires effectue un remblai sur sa parcelle. Afin de le sécuriser, il construit un mur en bois sur la limite entre les deux terrains. Avec le temps, le mur se déplace quelque peu. De plus, certains poteaux en bois pourrissent et ne remplissent plus leur fonction portante.
Le propriétaire de la parcelle voisine dépose une plainte au Tribunal régional du Jura bernois-Seeland. Le Tribunal oblige le premier propriétaire à sécuriser la parcelle de son voisin au moyen d’un talus ou d’un nouveau mur de soutènement. La Cour suprême du canton de Berne rejette l’appel du premier propriétaire.
Le premier propriétaire interjette alors un recours auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer, premièrement, qui est propriétaire du mur selon le droit fédéral et cantonal et, secondement, qui est débiteur de l’obligation de sécuriser la parcelle.
Droit
A titre préliminaire, le Tribunal fédéral rappelle que selon l’art. 670 CC, les dispositifs destinés à délimiter deux terrains sont présumés être en copropriété des deux voisins. Il précise qu’il ressort de la ratio legis de cet article qu’il ne vise pas uniquement des dispositifs servant à la délimitation ; il s’applique également à ceux qui se trouvent sur la limite de deux immeubles et qui servent à l’exploitation des deux immeubles. De plus, il rappelle que la propriété d’un dispositif au sens de l’art. 670 CC s’étend exclusivement au dispositif lui-même, et non au terrain au-dessous. L’art. 670 CC déroge dans cette mesure au principe de l’accession (art. 667 cum 671 CC).
En premier lieu, le Tribunal fédéral constate que l’art. 670 CC n’établit qu’une présomption, qui peut être renversée de deux manières. D’une part, il peut y avoir un acte juridique entre voisins. Le Tribunal fédéral constate que ce n’est pas le cas en espèce. D’autre part, la présomption peut être renversée par la preuve d’un usage local contraire au sens de l’art. 5 al. 2 CC. Le Tribunal fédéral rappelle en sus que l’art. 686 al. 2 CC institue une réserve législative (au sens propre selon l’art. 5 al. 1 CC) en faveur des cantons, qui leur permet d’établir d’autres règles pour les constructions que celles relatives aux distances (art. 686 al. 1 CC). La doctrine retient unanimement que l’art. 686 al. 2 CC s’applique également en lien avec l’art. 670 CC. Elle estime notamment que si la présomption peut être renversée par un usage local divergent, elle peut également être renversée par une réglementation légale divergente.
En l’espèce, dans le cadre de la promulgation de la loi sur les constructions, le législateur du canton de Berne a intégré des dispositions en matière de constructions dans sa loi sur l’introduction du code civil suisse (LiCCS/BE). L’art. 79i LiCCS/BE en fait partie et prévoit qu’un dispositif situé à la limite de deux terrains est considéré comme faisant partie intégrante du fond du propriétaire qui l’a construit. Si cela ne peut pas être établi, les deux voisins sont présumés être copropriétaires.
Avant de conclure sur ce point, le Tribunal fédéral précise que, contrairement à ce que soutient le recourant, l’art. 642 CC, à teneur duquel le propriétaire d’une chose l’est de tout ce qui en fait partie intégrante, ne s’applique pas dans le cas d’espèce. Certes, le droit cantonal ne devrait pas contredire la réglementation de la propriété des parties intégrantes prévue par cet article. Toutefois, le législateur fédéral a édicté une réglementation spéciale pour tous les ouvrages situés à la limite de deux biens-fonds (art. 670 CC). Il convient dès lors de s’y référer. Or, si le droit fédéral déroge lui-même au principe de l’accession dans le contexte des installations en limite de bien-fonds, ce principe est une limite à laquelle le législateur cantonal peut également déroger dans le cadre de sa compétence réglementaire. Partant, le Tribunal fédéral retient que l’art. 79i LiCCS/BE n’est pas contraire à l’art. 642 CC.
Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral conclut que le canton de Berne était en droit d’adopter l’art. 79i LiCCS/BE en vertu de la réserve de l’art. 686 al. 2 CC.
En second lieu, le Tribunal fédéral relève qu’il n’y a pas d’obligation commune d’entretien du dispositif au sens de l’art. 741 al. 2 CC, d’après lequel les ouvrages utiles au propriétaire du fond dominant et au propriétaire grevé sont entretenus par les deux parties, en proportion de leur intérêt. Cet article ne s’applique qu’aux dispositifs faisant partie de l’exercice d’une servitude et non aux dispositifs prévus à l’art. 670 CC.
Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral conclut que le recourant est unique propriétaire du mur et doit en conséquence sécuriser la parcelle de son voisin. Partant, il rejette le recours.
Proposition de citation : Margaux Collaud, Propriété et entretien d’un mur placé sur la limite entre deux terrains (art. 670 CC), in: https://lawinside.ch/1349/