L’existence d’une tâche fédérale en matière de protection des eaux
L’existence d’une tâche fédérale au sens de l’art. 12 al. 1 let. b LPN peut être déduite d’une autorisation fondée sur les art. 19 al. 2 LEaux et 32 al. 2 OEaux, ces dispositions poursuivant l’objectif de la protection des eaux souterraines contre les dangers possibles.
Faits
Un administré demande auprès du Gemeinderat d’Arth un permis de construire en vue de la démolition de bâtiments industriels (Gewerbegebäude) qui se trouvent dans un secteur de protection des eaux souterraines. Patrimoine suisse et Patrimoine schwytzois forment opposition contre cette demande.
L’Office de l’aménagement du territoire du canton de Schwytz délivre l’autorisation cantonale et le Gemeinderat d’Arth le permis de construire, sans entrer en matière sur les oppositions, faute de qualité pour recourir.
Le Regierungsrat puis le Tribunal administratif du canton de Schwytz rejettent successivement les recours des associations.
Patrimoine suisse interjette alors un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral, lequel doit déterminer si l’association dispose de la qualité pour recourir contre la décision d’octroi du permis de construire (art. 12 LPN).
Droit
À titre liminaire, le Tribunal fédéral rappelle que les conditions du droit de recours des associations sont réglées à l’art. 12 LPN. En l’espèce, seule la condition relative à l’existence d’une tâche fédérale au sens de l’art. 12 al. 1 let. b LPN (en lien avec les art. 78 al. 2 Cst. et 2 LPN) est litigieuse.
Une tâche fédérale suppose une compétence de la Confédération, régie par le droit fédéral, de manière suffisamment détaillée et directement applicable. Elle doit en outre présenter un lien avec la protection de la nature et du patrimoine, soit parce que la réglementation fédérale vise ces objectifs, soit parce que le mandat fédéral comporte le risque d’une atteinte à des objets naturels, des sites ou des paysages dignes de protection, de sorte qu’il faut assurer la prise en considération des intérêts de la protection de la nature et du patrimoine.
À cet égard, le Tribunal fédéral rappelle sa jurisprudence relative à la reconnaissance d’une tâche fédérale en matière de protection des eaux. Une telle tâche est admise lorsqu’il s’agit de fixer un débit résiduel (art. 29 ss LPE), lorsque le projet empiète sur l’espace réservé aux eaux (art. 41c al. 1 OEaux), ou lorsqu’une construction doit être réalisée au-dessous du niveau moyen des eaux souterraines, nécessitant ainsi une autorisation exceptionnelle au sens de l’art. 19 al. 2 LEaux en lien avec le ch. 211 al. 2 annexe 4 OEaux. Le cas d’espèce ne relève d’aucune de ces hypothèses. En effet, le recourant soutient qu’une autorisation est nécessaire sur la base de l’art. 19 al. 2 LEaux en lien avec l’art. 32 al. 2 OEaux, et non du ch. 211 al. 2 annexe 4 OEaux.
La question se pose donc de savoir si la tâche fédérale peut être déduite d’une atteinte à l’art. 19 al. 2 LEaux, les bâtiments à démolir se trouvant dans un secteur de protection des eaux souterraines (AU) et inscrits au cadastre des sites pollués. Cette disposition prévoit que la construction et la transformation de bâtiments et d’installations, ainsi que les fouilles, les terrassements et autres travaux analogues dans les secteurs particulièrement menacés (tel que le secteur de protection des eaux AU) sont soumis à autorisation cantonale lorsqu’ils sont susceptibles de mettre en danger les eaux.
Le Tribunal fédéral reconnaît que la protection des eaux constitue une matière relevant de la compétence fédérale et que l’art. 19 al. 2 LEaux et l’art. 32 al. 2 OEaux constituent du droit fédéral détaillé et directement applicable, sans qu’il soit nécessaire d’édicter des règles cantonales complémentaires. La question est toutefois de savoir s’il existe un lien suffisant entre cette autorisation en matière de protection des eaux et la protection de la nature et du patrimoine pour qu’elle puisse être qualifiée de tâche fédérale (art. 78 al. 2 Cst. et 2 LPN). En effet, selon les cas d’autorisation en matière de protection des eaux, un lien suffisamment étroit avec la protection de la nature, du paysage et du patrimoine n’est pas toujours d’emblée évident.
Tant l’autorisation prévue au ch. 211 al. 2 annexe 4 OEaux que celle fondée sur l’art. 32 al. 2 OEaux trouvent leur fondement à l’art. 19 al. 2 LEaux. Elles se distinguent au niveau de leurs conditions d’octroi : la première constitue une autorisation exceptionnelle, impliquant une pesée d’intérêts et un pouvoir d’appréciation de l’autorité, tandis que la seconde revêt la nature d’un permis de police, délivré lorsque les conditions légales sont réunies. Elles poursuivent néanmoins le même objectif, à savoir la protection des eaux souterraines contre les dangers possibles (art. 19 al. 2 LEaux).
Dès lors, si la jurisprudence reconnaît que le ch. 211 al. 2 annexe 4 OEaux relève d’une tâche fédérale, rien ne justifie d’exclure cette qualification pour l’autorisation fondée sur l’art. 32 al. 2 OEaux. L’existence d’une tâche fédérale doit être admise lorsqu’un projet de construction dans un secteur de protection des eaux AU, sans abaissement sous le niveau moyen des eaux souterraines, requiert une autorisation au sens de l’art. 19 al. 2 LEaux en lien avec l’art. 32 al. 2 OEaux.
En l’espèce, le Tribunal fédéral constate qu’il n’est pas établi que la démolition des bâtiments en cause soit susceptible de porter atteinte aux eaux souterraines au sens de l’art. 19 al. 2 LEaux, ni qu’elle constitue un travail ou une activité au sens de l’art. 32 al. 2 OEaux. En conséquence, il admet le recours et renvoie la cause à l’autorité cantonale pour complément d’instruction, notamment afin de déterminer si la démolition nécessite effectivement une autorisation au sens des art. 19 al. 2 LEaux et 32 al. 2 OEaux.
Proposition de citation : Margaux Collaud, L’existence d’une tâche fédérale en matière de protection des eaux, in: https://lawinside.ch/1645/




