La durée minimale de détention avant jugement nécessaire pour pouvoir imputer deux jours de détention sur la peine (art. 51 CP)

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TF, 08.07.2024, 6B_1100/2023*

Une fraction de jour de détention avant jugement compte en principe comme un jour complet à imputer sur la peine. Toutefois, lorsque la détention s’étend sur deux jours civils consécutifs, celle-ci doit dépasser la durée minimale de 24 heures pour donner droit à l’imputation de deux jours de détention sur la peine.

Faits

Suite à diverses infractions, un prévenu est détenu provisoirement entre le 5 et le 6 octobre 2020 ainsi qu’entre le 26 et le 27 février 2021.

Le Tribunal régional Jura bernois-Seeland reconnait le prévenu coupable et le condamne notamment à une peine privative de liberté de 180 jours, sous déduction des deux jours de détention provisoire. Sur appel formé par le prévenu, la Cour suprême du canton de Berne réforme partiellement le jugement de première instance et condamne le prévenu à une peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction de deux jours de détention provisoire.

Le prévenu forme alors un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, concluant en particulier à la réforme du jugement du Tribunal cantonal en ce sens que la détention provisoire est imputée à raison de quatre jours sur la peine privative de liberté prononcée. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral doit se déterminer pour la première fois sur la question de la durée minimale de détention avant jugement nécessaire pour pouvoir imputer deux jours de détention sur la peine au sens de l’art. 51 CP.

Droit

A titre préliminaire, le Tribunal fédéral rappelle qu’aux termes de l’art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l’auteur dans le cadre de l’affaire qui vient d’être jugée ou d’une autre procédure. L’unité déterminante de la détention avant jugement est le jour. À teneur de l’art. 110 al. 6 CP, le jour est compté à raison de vingt-quatre heures consécutives. Un jour au sens de cette disposition n’est pas un jour civil qui s’étend de 00h00 à 23h59, mais une période continue de 24 heures qui peut s’étendre sur deux jours civils. La question de savoir combien de jours de détention avant jugement doivent être imputés sur la peine lorsque la détention se situe à cheval sur deux jours civils consécutifs ne trouve donc pas de réponse claire dans la loi.

L’interprétation téléologique de l’art. 51 CP commande d’examiner l’esprit et l’intérêt protégé par cette disposition, qui vise à “compenser” le condamné pour une atteinte à son droit fondamental à la liberté personnelle. Or, comme le relève le Tribunal fédéral, au vu de la gravité de l’atteinte en cause, l’on ne saurait exiger que 24 heures se soient écoulées pour imputer un jour de détention, respectivement 48 heures pour en imputer deux sur la peine prononcée. En cela, il faut admettre qu’un jour entamé de détention doit être imputé en principe comme un jour complet, indépendamment des heures effectivement passées en détention pendant la journée en question. Néanmoins, cette solution ne peut être transposée au deuxième jour incomplet et consécutif de détention. Il en résulterait des situations d’inégalité de traitement en fonction du moment de l’arrestation, respectivement de la libération de l’intéressé. En outre, celui qui serait arrêté plusieurs fois avant sa condamnation, pendant quelques heures s’étendant sur deux jours consécutifs, bénéficierait du double de jours imputés que celui arrêté plusieurs fois sur un seul jour civil.

Au vu de ce qui précède, sous l’angle de l’art. 51 CP, il y a lieu de retenir qu’une fraction de jour de détention compte en principe comme un jour complet à imputer sur la peine. Toutefois, lorsque la détention avant jugement s’étend sur deux jours civils consécutifs, celle-ci doit dépasser la durée minimale de 24 heures pour donner droit à l’imputation de deux jours de détention sur la peine.

En l’espèce, le Tribunal fédéral arrête que la cour cantonale pouvait, sans violer le droit fédéral, retenir un seul jour de détention subi pour chacune des deux périodes de détention, qui ont chacune duré moins de 24 heures. Elle pouvait en conséquence, sans violer l’art. 51 CP, imputer au total deux jours de détention sur la peine privative de liberté fixée.

Partant, le Tribunal fédéral n’admet admet que partiellement le recours.

Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, La durée minimale de détention avant jugement nécessaire pour pouvoir imputer deux jours de détention sur la peine (art. 51 CP), in : www.lawinside.ch/1459/